Le secteur du tourisme en ligne, dont les OTA (online travel agency) comme Booking.com, Expedia ou eDreams Odigeo, traverse une période de turbulences en 2025. Après des années de croissance fulgurante, ces entreprises font face à une vague de licenciements, affectant des milliers d’employés. On va tenter de trouver quelques explications à ce phénomène.
Une vague de réductions d’effectifs jamais observée auparavant
Depuis janvier 2025, le secteur du tourisme en ligne a vu des réductions d’effectifs significatives. Booking Holdings, maison mère de Booking.com, a ralenti ses embauches et envisagé des suppressions de postes après une croissance de seulement 3 % de ses effectifs au troisième trimestre 2024, contre 13 % l’année précédente. Expedia Group, qui avait déjà licencié environ 1 500 employés en 2024, poursuit ses restructurations avec une centaine de suppressions supplémentaires en 2025, principalement dans ses divisions produit et technologie.
Kayak et OpenTable, appartenant à Booking Holdings, ont supprimé 80 postes en octobre 2024, une tendance qui s’est prolongée en 2025. Selon les estimations, plus de 2 000 emplois ont été supprimés dans le secteur du tourisme en ligne au premier trimestre 2025, un chiffre qui pourrait croître avec les annonces à venir.
Quelles sont les régions et les entreprises touchées
Les licenciements touchent principalement les États-Unis, où sont basées la plupart des grandes OTA, mais aussi l’Europe et l’Asie. Airbnb avait beaucoup licencié (près de 2000 employés) durant la période Covid. L’entreprise prévoit que ses revenus pour 2025 seront légèrement inférieurs aux attentes de Wall Street.
En Europe, des entreprises comme eDreams ODIGEO ont signalé des réductions de personnel dans leurs équipes techniques pour s’adapter à une demande fluctuante. Lastminute.com a annoncé un volume d’affaires en diminution en 2024. En Asie, des plateformes comme Trip.com ont mis en pause leurs plans d’expansion internationale, entraînant des gels d’embauches et des licenciements ciblés.
Baisse de la demande de voyages loisirs, en particulier aux États-Unis
La principale raison des licenciements surtout aux États-Unis est une chute de la demande de voyages loisirs, en particulier chez les voyageurs à revenus moyens et faibles. Les pressions inflationnistes, combinées à des incertitudes économiques mondiales, ont poussé les consommateurs à réduire leurs dépenses.
Aux États-Unis, les réservations de voyages domestiques ont chuté de 5 % par rapport à 2024, selon les données de Skift, tandis que les voyages internationaux ont stagné en raison des coûts élevés et des tensions géopolitiques. Les derniers chiffres publiés par EDV montraient une quasi stagnation du chiffre d’affaires tourisme. Cette baisse affecte directement également les revenus des OTA.
Automatisation et adoption de l’IA
L’adoption rapide de l’intelligence artificielle et de l’automatisation est un autre moteur des licenciements. Les OTA investissent massivement dans des technologies pour rationaliser leurs opérations, comme les chatbots pour le service client ou les algorithmes prédictifs pour les recommandations de voyage. Le groupe hôtelier Marriott, par exemple, prévoit d’économiser 50 à 100 millions de dollars par an grâce à l’automatisation, ce qui inclut la suppression de postes administratifs et techniques.
Booking.com a également indiqué une volonté d’être « plus efficace » en réduisant les besoins en personnel grâce à l’IA, une stratégie qui remplace progressivement les rôles humains dans des domaines comme la gestion de contenu ou l’assistance utilisateur. Selon un rapport du Forum Économique Mondial, 41 % des entreprises mondiales prévoient de réduire leurs effectifs d’ici 2030 en raison de l’IA, un phénomène déjà visible dans le tourisme en ligne.
Réduire les structures et les dettes
Les défis économiques mondiaux, notamment la hausse des taux d’intérêt et la volatilité des marchés, ont forcé les entreprises à adopter des mesures d’austérité. Les OTA, qui ont souvent investi massivement dans l’expansion pendant la reprise post-Covid, se retrouvent avec des structures coûteuses et des dettes à refinancer dans un contexte de liquidités restreintes. Les restructurations, comme celle d’Expedia visant à éliminer les redondances dans ses équipes produit et tech, reflètent une volonté de réduire les coûts opérationnels.
eDreams est à la traîne derrière des agences de voyages en ligne internationales…
…comme Expedia Group, et Booking.com en termes d’envergure, de diversification géographique, de pénétration du marché. Les experts considèrent que le modèle économique d’abonnement d’eDreams est moins mature que le modèle commercial transactionnel d’Expedia et Booking.com (Fitch).
Impact des politiques de Trump aux États-Unis
Un sujet dont nous avons parlé abondamment. Une baisse prévue de 9,4 à 12 % des arrivées internationales en 2025, soit 5 à 7 millions de visiteurs en moins, a directement impacté les revenus des plateformes comme Booking.com et Expedia, qui dépendent fortement des marchés européens et canadiens. Ces incertitudes ont poussé les entreprises à accélérer leurs plans de réduction d’effectifs pour rester compétitives.
La perte des talents peut être un frein à l’innovation
Les licenciements ont un impact humain significatif, affectant des milliers de travailleurs qualifiés dans les domaines de la technologie, du marketing et du service client. La perte de talents pourrait freiner l’innovation à long terme, surtout dans un secteur où la différenciation repose sur l’expérience utilisateur et les avancées technologiques.
Un secteur à la croisée des chemins
La vague de licenciements dans le tourisme en ligne en 2025 reflète une combinaison de facteurs économiques, technologiques et politiques. La baisse de la demande, l’essor de l’IA, les restructurations et les politiques restrictives, notamment aux États-Unis, ont poussé les OTA à réduire leurs effectifs pour survivre dans un marché en mutation.
Si ces mesures permettent de préserver la rentabilité à court terme, elles posent des questions sur l’avenir de l’emploi et de l’innovation dans le secteur. Pour les voyageurs et les professionnels, 2025 marquera une période de transition où le tourisme en ligne devra se réinventer pour répondre aux attentes d’un monde en évolution rapide.
