A la limite de la Normandie et de la Bretagne, s’élèvent « la merveille de l’Occident », abbaye bénédictine de style gothique dédiée à l’archange Saint Michel, et le village protégé par ses murailles. Car le vrai danger du site est l’ensablement. Pour lutter contre ce risque permanent, on a construit le barrage du Couesnon et, régulièrement, les lâchers d’eau chassent les sédiments au large. Depuis le rétablissement de son caractère maritime, un pont-passerelle remplace la digue-route menant à « la Jérusalem céleste ».

Inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco, le Mont Saint Michel et sa baie attirent près de 3 millions de touristes par an qui s’agglutinent du matin jusqu’en fin de journée, dans les rues étroites de ce village de seulement 17 habitants.
Plénitude en baie
Après nous avoir fait découvrir le village en arpentant ses remparts, -Benjamin Pontais, guide attesté indépendant de la Baie du Mont-Saint-Michel- a donné rendez-vous à d’autres randonneurs à l’entrée principale du site. Consignes pour cette découverte à pied d’environ 3 heures, dictée par les horaires de marée : porter un bermuda et enlever ses chaussures. Le trajet nous fera rejoindre l’île de Tombelaine par un aller-retour.

Même à marée basse, pas question de marcher seuls sur la grève. « Ici, nous sommes à la fois dans un espace marin et fluvial et les quatre fleuves qui traversent la Manche créent une double dynamique » nous explique Benjamin.
En dehors de la foule et au grand air, nous nous engageons à pied dans la baie en prenant soin de planter d’abord nos talons dans la « tangue », le sable apporté par la Manche mélangé à de l’argile provenant des fleuves.

Sables mouvants en théorie et en pratique
Ce phénomène naturel ne se limite pas au désert de sel iranien. Là-bas, comme dans la baie du Mont St Michel, les sables mouvants peuvent être dangereux. Imaginez la liquéfaction en quelques secondes de ce milieu très instable. Nous marchons sur un sol de prime abord lisse et que nous croyons résistant. Mais il passe rapidement d’un état solide à un état liquide pour se transformer ensuite en une sorte de prise du béton.
Avec beaucoup de pédagogie, Benjamin nous explique en théorie ce phénomène, qui fait entre autres la réputation du mont. Pour la pratique, il propose au groupe de faire une ronde et de tapoter le sol avec les pieds. Au bout de quelques minutes, le sol se liquéfie. Mais la démonstration s’arrêtera là pour les randonneurs. Sauf pour le guide, qui s’enfonce petit à petit jusqu’à la cage thoracique, car il sait comment sortir de ce piège naturel.

Le mont et ses phénomènes naturels
Une autre découverte au cours de cette balade nature : le « mascaret », un phénomène visible seulement lors des grandes marées. Le mont est battu par les plus grandes marées d’Europe et le mascaret est une vague venue de la Manche recouvrant les courants contraires des eaux des fleuves côtiers de la baie.

Dans une ambiance décontractée et sportive, au cours de cette rando nous avons découvert l’histoire religieuse du site, ses légendes, les paysages de la baie, sa faune et sa flore. Et surtout compris que la baie du Mont-Saint-Michel est en perpétuelle métamorphose. « À marée montante, la mer la recouvre en quelques heures, effaçant les traces laissées par les marcheurs. À marée basse, elle dévoile un terrain mouvant, où s’entrelacent sables, tangues et courants invisibles » poursuit notre guide.

L’importance d’être bien guidés
A la trentaine, Benjamin Pontais, natif de Granville, décide de se reconvertir dans sa région d’origine en empruntant l’unique voie du compagnonnage pour devenir guide attesté de la baie. « Existant depuis le Moyen-âge, cette transmission orale permet d’apprendre à lire et à comprendre la baie afin d’y emmener des visiteurs en toute sécurité » raconte Benjamin. Au terme de cette année de compagnonnage et après des examens, il obtient l’attestation délivrée par la Préfecture.
Guide indépendant et à plein temps, il propose aux particuliers et même aux entreprises, le tour du mont en 80 minutes, une randonnée dans la baie de jour et aussi en échappée nocturne pour les plus courageux.
Martine Denoune