Le surtourisme, phénomène de saturation touristique dans les destinations européennes les plus prisées, suscite des tensions croissantes entre les acteurs du secteur. En juin 2025, un échange public a éclaté entre TUI, géant du tourisme, et Airbnb, leader des locations de courte durée. Chacun accuse l’autre d’alimenter le surtourisme, exacerbant les problèmes de logement, de qualité de vie et d’environnement dans des villes comme Paris, Barcelone ou Venise.

Le surtourisme : un défi majeur pour l’Europe
En 2024, l’Union européenne a enregistré 3 milliards de nuitées touristiques, un record alimenté par la reprise post-Covid. Des villes comme Dubrovnik (36 touristes par habitant), Venise (21) ou Barcelone (9) souffrent d’une pression touristique écrasante, provoquant embouteillages, dégradation des sites et mécontentement des habitants. Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), 477 millions de visiteurs ont afflué en Europe en 2022, un chiffre en hausse en 2025. Ce surtourisme menace la durabilité des destinations et la qualité de vie locale.

Des conséquences sociales et économiques
Le surtourisme aggrave la crise du logement dans les métropoles. À Barcelone, les loyers ont bondi de 68 % en dix ans, tandis qu’à Paris, les locations de courte durée réduisent l’offre pour les résidents. Les habitants dénoncent la transformation des centres-villes en « parcs à thème touristiques », avec la disparition des commerces de proximité au profit de boutiques de souvenirs. Parallèlement, le tourisme reste vital : il représente 14,6 % du PIB en Espagne et soutient des millions d’emplois. Certains médias évoquent que le tourisme représenterait 8 % du PIB en France, soit environ 225 milliards d’euros. L’INSEE avait annoncé une part de 3,6% du PIB en 2022.

La bataille TUI-Airbnb : un échange d’accusations
Dans un rapport publié le 13 juin 2025, Airbnb affirme que les hôtels, et non les locations de courte durée, sont les principaux responsables du surtourisme. Selon la plateforme, les hôtels ont représenté 78 % des nuitées touristiques dans l’UE en 2023 et 2024, contre seulement 22 % pour les locations comme Airbnb. À Paris, les hôtels concentreraient 80 % des nuitées, avec des prix en hausse rendant la ville moins accessible. Theo Yedinsky, vice-président d’Airbnb, déclare : « Si les villes veulent lutter contre le surtourisme, elles doivent réguler les hôtels, pas nous. » Airbnb soutient que ses locations, souvent situées hors des centres-villes (59 % des nuitées), répartissent mieux les flux touristiques.

TUI contre-attaque : les locations courtes en cause
TUI a riposté le même jour, accusant les plateformes comme Airbnb de « surcharger les destinations populaires ». Sebastian Ebel, PDG de TUI, affirme que les locations de courte durée « concentrent les touristes dans des zones résidentielles, perturbant les communautés locales ». Il soutient que les hôtels, soumis à des réglementations strictes, sont mieux intégrés dans les infrastructures touristiques et n’aggravent pas la crise du logement. TUI rejette le rapport d’Airbnb comme une tentative de détourner l’attention des critiques visant les locations saisonnières.
Les arguments sous la loupe
Les données d’Airbnb, basées sur Eurostat, montrent une explosion de l’offre hôtelière : 40 000 nouvelles chambres ont ouvert en Europe en 2024, avec 250 000 en projet. À Amsterdam, où le nombre d’hôtels croît malgré une pénurie de logements, les nuitées hôtelières dominent. Les hôtels, souvent situés dans les centres-villes, contribuent à la saturation des zones touristiques, comme la place Saint-Marc à Venise ou le Quartier latin à Paris. Cependant, leur impact sur les loyers est moindre, car ils n’occupent pas le parc résidentiel.

Locations de courte durée : une pression sur le logement
Airbnb est accusé d’aggraver la crise du logement en incitant les propriétaires à louer à des touristes plutôt qu’à des résidents. À Barcelone, une étude de 2020 a montré que les locations Airbnb ont fait grimper les loyers de 7 % et les prix de vente de 17 %. En 2025, l’Espagne a ordonné le retrait de 66 000 annonces illégales sur Airbnb, tandis que Florence et Malaga ont interdit les nouvelles locations dans leurs centres historiques. Ces mesures reflètent la frustration des habitants face à la raréfaction des logements abordables.
Réponses des villes concernées par le surtourisme
Face au surtourisme, de nombreuses villes européennes durcissent les règles contre Airbnb. Barcelone prévoit d’interdire toutes les locations touristiques d’ici 2029, visant à libérer 10 000 logements. Paris limite les locations à 120 jours par an, tandis qu’Amsterdam impose un maximum de 30 jours et 4 hôtes. Florence exige un séjour minimum de deux nuits, et Vienne plafonne à 90 jours. Ces restrictions visent à protéger le marché locatif longue durée et à réduire les nuisances dans les quartiers résidentiels. Ces règles sont-elles réellement respectées?

Mesures contre le tourisme de masse
Les hôtels ne sont pas épargnés. Amsterdam régule leur expansion pour limiter la saturation des centres-villes, tandis que Venise impose une taxe d’entrée de 5 € pour les visiteurs journaliers et plafonne les croisiéristes à 8 000 par jour. Dubrovnik a instauré des quotas de visiteurs dans son hypercentre, et Édimbourg envisage une taxe de 2 £ par nuit sur tous les hébergements, y compris Airbnb. Ces initiatives cherchent à équilibrer les flux et à financer la préservation des sites. Le journal Les Echos a évoqué ce sujet
La bataille entre TUI et Airbnb révèle un problème plus large : le manque de coordination dans la gestion des flux touristiques
Les experts appellent à une approche intégrée, combinant régulation des hôtels et des locations courtes, meilleure répartition des visiteurs et investissements dans le logement. Des initiatives comme le projet « Rhodes Co-Lab » de TUI, qui promeut le tourisme durable à Rhodes, montrent une volonté de s’adapter, mais leur impact reste limité.

Les touristes ont aussi un rôle à jouer
Privilégier des destinations moins saturées, séjourner dans des hébergements certifiés ou opter pour des périodes hors saison peut réduire la pression. Les voyageurs peuvent également soutenir des opérateurs engagés dans des pratiques éthiques, comme ceux adhérant au Code de conduite d’ECPAT pour un tourisme responsable.
Les régulations croissantes, de Barcelone à Amsterdam, visent à rééquilibrer l’offre touristique, mais une solution durable nécessitera une collaboration entre tous les acteurs – hôtels, plateformes, autorités et voyageurs. En 2025, l’Europe doit repenser son modèle touristique pour préserver ses destinations emblématiques et le bien-être de ses résidents.