La compagnie de croisières de luxe Exploris, basée à Nantes, a été placée en redressement judiciaire le 25 septembre 2025 par le tribunal de commerce de Nantes. Cette mesure, qualifiée d’« acte de gestion » par la direction, ferait suite à la rupture brutale d’un partenariat clé avec le tour-opérateur canadien Adventure Canada. Le tribunal de commerce nommera bientôt un administrateur judiciaire pour superviser le plan de continuation. En attendant, l’entreprise appelle à la solidarité du secteur : « Nous avons besoin de soutien pour naviguer cette tempête et poursuivre notre rêve polaire. »
Un investissement peut-être trop important pour Exploris One.
Fondée en 2021 par des entrepreneurs nantais passionnés par l’aventure polaire, Exploris visait à se positionner comme un acteur français de la croisière haut de gamme et d’expédition. L’acquisition en 2023 de l’ancien Silver Explorer (rebaptisé Exploris One), un navire de 6 600 tonneaux construit en 1990, a marqué un tournant. Anciennement connu sous le nom de MS Prince Albert II, ce bateau a été entièrement rénové pour un coût total approchant les 30 millions d’euros, incluant l’achat et les modernisations pour répondre aux normes environnementales et de confort.
Avec une capacité de 144 passagers, Exploris One était conçu pour des itinéraires exclusifs vers les pôles …
…l’Arctique et l’Antarctique, en mettant l’accent sur l’écotourisme et les expériences immersives. Les premiers voyages, lancés en 2024, ont accueilli des voyageurs en quête d’authenticité, de la faune polaire aux communautés inuites. Mais ce rêve ambitieux reposait en grande partie sur le partenariat avec Adventure Canada, un opérateur canadien spécialisé dans les expéditions arctiques.
La rupture avec les canadiens : Un contrat de 20 Millions de dollars évaporé
Le 12 septembre 2025, trois jours avant une échéance critique, Adventure Canada a envoyé un courrier laconique : rupture immédiate du contrat signé fin 2024. Ce partenariat, évalué à 20 millions de dollars sur trois ans, prévoyait la location du navire pour des croisières arctiques, avec un premier acompte de 1,5 million de dollars déjà versé. Sans ce flux financier, Exploris se retrouve privée d’une part essentielle de son chiffre d’affaires, représentant près de 70 % de ses revenus prévus pour 2025-2026.
« C’est un coup dur inattendu qui remet en cause notre business plan », confie un proche de la direction. Adventure Canada, confrontée à ses propres difficultés financières, a invoqué des clauses contractuelles pour se désengager, laissant Exploris dans une impasse. Cette rupture, survenue après des mois de négociations et d’investissements conjoints, illustre les risques d’une dépendance à un partenaire unique dans un marché volatile.
Redressement judiciaire : une mesure de sauvegarde
Placé en redressement judiciaire, Exploris bénéficie désormais d’un délai de six mois pour restructurer ses finances et trouver de nouveaux débouchés. La procédure, demandée par la direction elle-même, vise à protéger l’entreprise tout en poursuivant ses opérations. Le navire Exploris One, actuellement en mer pour une saison arctique, continue ses voyages, mais avec une capacité réduite et des itinéraires ajustés.
Malgré la crise, les plans pour le deuxième navire, Sirius Exploris, n’ont pas été abandonnés. Ce futur bateau, prévu pour 2027, devait renforcer la flotte avec des capacités d’expéditions avancées. « Nous cherchons des partenaires alternatifs, y compris en Europe et en Asie, pour relancer le projet », indique un porte-parole. Des discussions sont en cours avec des investisseurs français et internationaux, et une augmentation de capital est envisagée.
Nécessité de diversifier les partenariats commerciaux
Cette affaire met en lumière les fragilités du marché des croisières expéditions, où les coûts d’exploitation élevés (carburant, normes environnementales) s’ajoutent aux incertitudes géopolitiques et climatiques. En France, où le secteur emploie 10 000 personnes directement, l’Exploris illustre les défis des PME face aux géants comme Ponant ou Viking. Le redressement pourrait ouvrir la voie à une consolidation, avec des rachats potentiels par des acteurs plus solides.