Madagascar traverse une période de crise sans précédent depuis fin septembre 2025. Ce qui a commencé comme des manifestations contre des coupures récurrentes d’eau et d’électricité s’est transformé en un mouvement de contestation massive, connu sous le nom de « Gen Z Madagascar ».
Ce soulèvement, porté par les jeunes et les étudiants, dénonce la corruption, les inégalités et la gestion autoritaire du président Andry Rajoelina. Au milieu de cette instabilité, la compagnie aérienne française Air France a annoncé la suspension temporaire de ses vols entre Paris et Antananarivo, invoquant des préoccupations sécuritaires.

Une crise qui a démarré avec le mouvement “Gen Z Madagascar”
Les troubles ont éclaté le 25 septembre 2025 à Antananarivo, la capitale, suite à des délestages électriques et hydriques chroniques qui paralysent la vie quotidienne. Ces pénuries, dues à un manque d’infrastructures et à la saison sèche affectant les barrages hydroélectriques, ont rapidement cristallisé un mécontentement plus large.
Madagascar reste l’un des pays les plus pauvres au monde, avec 75 % de sa population vivant sous le seuil de pauvreté et plus d’un million de personnes en insécurité alimentaire aiguë dans le sud du pays. Le mouvement « Gen Z Madagascar », organisé via les réseaux sociaux, a mobilisé des milliers de citoyens, étudiants et influenceurs dans plusieurs villes comme Toliara, Antsiranana et Toamasina.

La répression gouvernementale a été violente
Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, au moins 22 personnes ont été tuées et plus d’une centaine blessées depuis le début des manifestations. Le président Rajoelina, au pouvoir depuis 2019, est accusé d’accaparement des ressources par une élite proche, mêlant intérêts publics et privés. Le 6 octobre, il a nommé le général Ruphin Fortunat Zafisambo au poste de Premier ministre, dans une tentative de militariser la réponse à la crise. Mais cela n’a pas suffi à apaiser les tensions.
L’armée rejoint le mouvement
Le point de non-retour a été franchi le 11 octobre 2025. Une unité de l’armée, le Corps d’Armée des Personnels et Services Administratifs et Techniques (CAPSAT), a fait défection et s’est ralliée aux manifestants. Ces militaires ont proclamé le contrôle des forces armées – terrestres, aériennes et navales – et appelé les troupes à refuser les ordres de répression. Ils ont pris le contrôle de la place centrale d’Antananarivo et nommé le général Demosthene Pikulas comme nouveau chef d’état-major.
Le 12 octobre, la présidence a dénoncé une « tentative de prise de pouvoir illégale et forcée », sans plus de détails
La situation reste confuse : le Premier ministre Zafisambo a appelé au dialogue et à l’unité, affirmant que le gouvernement « se maintient fermement ». Parallèlement, des figures proches de Rajoelina, comme l’ex-Premier ministre Christian Ntsay et l’homme d’affaires Mamy Ravatomanga, ont fui vers l’île Maurice via un vol privé. La localisation exacte du président reste incertaine, avec des rumeurs persistantes d’exfiltration vers La Réunion ou les Seychelles, potentiellement sous protection française – Rajoelina détenant la double nationalité.
Suspension des vols Air France et d’Air Austral
Face à cette volatilité, les autorités internationales ont haussé le ton. Le ministère français des Affaires étrangères déconseille tout déplacement à Madagascar et recommande aux ressortissants de rester confinés.
Air France, principal opérateur aérien vers l’île, a réagi promptement. Le 12 octobre 2025, la compagnie a annoncé la suspension de tous ses vols entre Paris-Charles-de-Gaulle et Antananarivo du 11 au 13 octobre inclus, « en raison de la situation sécuritaire sur place ». La reprise des opérations sera évaluée quotidiennement en concertation avec les autorités locales et françaises. Air Austral, opérateur régional, a également annulé des liaisons entre La Réunion et Madagascar, bien que certains vols soient maintenus.
En attendant, les voyageurs doivent reporter leurs plans et suivre les avis officiels. Cette suspension d’Air France n’est que la partie visible d’une île en ébullition, où l’avenir dépend d’un équilibre fragile entre rue, armée et pouvoir.