Au cœur du Salon du Tourisme d’Antalya, événement phare du secteur qui rassemble professionnels et experts du monde entier, Hüseyin Baraner, secrétaire général de l’Association mondiale des villes sœurs pour le tourisme (TCWTF), a accordé une interview exclusive à “GM Turizm & Yönetim Dergisi”.
Dans cet échange captivant, Hüseyin Baraner dresse un portrait nuancé mais résolument positif de l’industrie touristique turque. Face aux défis actuels, il exprime une confiance inébranlable : la Turquie, héritière de l’Empire ottoman, est en passe de se hisser parmi les destinations touristiques les plus prisées au monde. Mais peut-on vraiment croire qu’elle intégrera le podium mondial des trois premières d’ici quelques années ?

Un secteur en pleine ébullition : des chiffres qui Impressionnent
La Turquie n’est plus une simple destination balnéaire ; elle est un géant du tourisme mondial. En 2024, le pays a accueilli 62,2 millions de visiteurs internationaux, surpassant son objectif initial de 60 millions et générant un record de 61,1 milliards de dollars en recettes touristiques – une hausse de 8,3 % par rapport à 2023.
Ce succès place la Turquie au quatrième rang mondial, selon l’Organisation mondiale du tourisme (UNWTO), derrière la France (89 millions de visiteurs), l’Espagne (83 millions) et les États-Unis (66 millions), mais surpassant l’Italie (58 millions).

En 2025, la dynamique se confirme
Au premier semestre, plus de 26 millions de touristes ont foulé le sol turc, injectant 25,8 milliards de dollars dans l’économie. Le ministre de la Culture et du Tourisme, Mehmet Nuri Ersoy, annonce des objectifs ambitieux : 65 millions de visiteurs et 64 milliards de dollars de recettes d’ici fin d’année.
Istanbul, porte d’entrée mythique, et Antalya, perle de la Riviera turque, dominent les arrivées : la cité ottomane attire à elle seule des millions pour ses mosquées et ses bazars, tandis qu’Antalya, avec ses plages et ses sites antiques, a accueilli 16,5 millions de visiteurs en 2024 – plus que Paris ou New York.
Les marchés émetteurs sont diversifiés :
La Russie (6,7 millions), l’Allemagne (6,6 millions) et le Royaume-Uni (4,4 millions) mènent la danse, suivis d’un essor notable des touristes du Moyen-Orient et d’Asie. Le tourisme médical, avec 1,2 million de patients en 2022 (et une croissance de 308 % post-pandémie), renforce cette attractivité.

L’interview de Hüseyin Baraner : confiance et réalisme
Lors de son intervention au salon, Hüseyin Baraner, vétéran du secteur avec plus de 40 ans d’expérience, n’élude pas les ombres. « 2025 est une année incertaine et dangereuse pour Antalya, notre poumon touristique. Le secteur est fatigué : prix en hausse, concurrence accrue de l’Égypte et de l’Espagne, et une pénurie de personnel qui érode les marges bénéficiaires », confie-t-il à GM Turizm & Yönetim Dergisi.
Il pointe du doigt les attentes changeantes des touristes : moins de nourriture abondante, plus de bien-être et de durabilité. « Les Russes, fidèles depuis 30 ans, se lassent de nos produits standards. Il faut innover : viser le luxe, l’écotourisme et prolonger la saison hivernale », ajoute-t-il.
Pourtant, son optimisme l’emporte
« La Turquie deviendra l’une des principales destinations mondiales. Avec nos 21 sites UNESCO – de la Cappadoce aux terrasses de Pamukkale –, notre géographie unique et des infrastructures comme l’aéroport d’Istanbul (120 millions de passagers annuels visés d’ici fin 2025), nous avons un potentiel immense », déclare Hüseyin Baraner.
Il mise sur une stratégie de « haut de gamme » : en 2025, les forfaits turcs surpasseront en prix ceux de Dubaï ou Miami, attirant une clientèle aisée prête à dépenser 7 milliards d’euros rien que des Allemands. Pour 2026, il préconise des investissements en formation et en marketing croisé pour contrer les crises sécuritaires et climatiques.

La Turquie dans le Top 3 mondial : rêve accessible ou chimère?
La question est brûlante : la Turquie rejoindra-t-elle la France, l’Espagne et les États-Unis dans le trio de tête d’ici 5 à 10 ans ? Les projections de l’UNWTO sont encourageantes : une croissance mondiale de 3 à 5 % des arrivées internationales en 2025, avec la Turquie en tête des progressions (+8 % au premier semestre).
Si elle maintient son rythme – et dépasse les 70 millions de visiteurs annuels d’ici 2030 –, elle pourrait déloger totalement l’Italie (déjà fait si les chiffres sont corrects) ou les États-Unis, freinés par des coûts élevés et des tensions géopolitiques.
Les atouts sont là : diversité des offres (culture, plages, bien-être), visa facilités pour 180 pays, et une résilience post-pandémie démontrée. Mais les défis persistent : inflation (6,8 % en 2025), surtourisme à Istanbul et Antalya, et dépendance aux marchés russes/européens vulnérables aux conflits. Comme le souligne Hüseyin Baraner, « Le tourisme n’est pas qu’un chiffre ; c’est de la confiance et de la qualité ».
En conclusion, oui, on peut y croire – à condition d’agir vite. La Turquie n’est pas qu’une étoile montante ; elle est une supernova prête à illuminer le firmament touristique. Pour les voyageurs, 2025 est l’année idéale pour (re)découvrir ce pont entre Orient et Occident.