Imaginez-vous sur une plage de carte postale : sable blanc immaculé, eaux turquoise qui invitent à la baignade, palmiers qui dansent au gré d’une brise tiède. Phuket, joyau de la Thaïlande, attire des millions de vacanciers en quête de paradis. Mais sous cette image idyllique, un prédateur invisible rôde : les courants de rip (ou courant sagittal), pièges mortels qui emportent les imprudents en quelques secondes.
En ce début novembre 2025, la saison des moussons, censée s’estomper, s’étire en cauchemar. Trois nouvelles victimes – un touriste russe et deux Thaïlandais – ont été fauchées par la mer ces derniers jours, portant le bilan annuel à près de 40 noyades. Il est temps d’informer, d’avertir, de sauver des vies.
Tragédies en cascade: trois morts en quelques jours sur les plages du nord-ouest
Lundi matin, les eaux apparemment calmes de Nai Thon Beach, un havre de paix niché dans le parc national marin de Sirinath, ont viré au drame. Dmitrii Zakutskii, un touriste russe de 31 ans, nageait avec des amis lorsqu’une vague puissante l’a arraché à ses compagnons et l’a englouti.
Ses proches, figés sur le sable, ont alerté les secours rapidement. Mais face à des vagues déchaînées et des courants impitoyables, les plongeurs n’ont rien pu récupérer. Le corps de ce touriste reste introuvable, et les recherches se poursuivent avec un espoir qui s’amenuise à chaque marée.
À peine deux jours plus tôt, samedi après-midi, un autre drame s’est joué à Bang Tao Beach, célèbre pour sa longue étendue de sable blanc en forme de croissant. Phumisak Chantajaem, 42 ans, et son neveu de 13 ans, Natthawipa Sriprasit, ont été emportés par le ressac malgré les drapeaux rouges flottant au vent et les avertissements des maîtres-nageurs.
Entrés dans l’eau au milieu de la plage, ils ont lutté vainement contre la mer. Malgré une mobilisation massive – six jetskis, drones, patrouilles côtières et plongeurs de la Fondation Kusoldharm –, les corps n’ont été retrouvés que tard dimanche soir, près du lieu de la disparition. Des scènes déchirantes de chagrin ont rappelé la fragilité d’un instant de détente.
Ces incidents ne sont que la pointe de l’iceberg. Phuket enregistre déjà près de 40 noyades cette année, un nombre alarmant qui dépasse les moyennes habituelles de 30 à 40 par an. La plupart des victimes sont des touristes étrangers, novices face aux caprices de la mer d’Andaman.
Les courants de rip : des tueurs invisibles sous un voile de tranquillité
Pourquoi ces plages paradisiaques deviennent-elles des pièges pour les humains? Les courants de rip, ces flux d’eau puissants qui s’échappent vers le large comme des tapis roulants sous-marins, sont les principaux coupables. Ils se forment surtout pendant la saison des moussons, de mai à octobre, mais cette année, les conditions extrêmes les prolongent jusqu’en novembre.
À Nai Thon ou Bang Tao, l’eau semble calme depuis la rive : turquoise, invitante, presque hypnotique. Mais en quelques brasses, un nageur peut être aspiré à des centaines de mètres offshore, épuisé en cinq minutes par la panique et la lutte vaine.
Ces courants ne sont pas visibles à l’œil nu. Ils apparaissent parfois comme des bandes d’eau agitée ou des écumes suspectes, mais souvent, ils trompent les sens. « La mer ne pardonne pas l’arrogance », confie un maître-nageur local, épuisé par des journées interminables.
À Phuket, les plages du nord-ouest, abritées dans le parc national Sirinath où nichent même des tortues de novembre à février –, attirent les familles pour leur quiétude. Hélas, cette sérénité masque des fosses cachées, des houles soudaines et des débris traîtres ramenés par les tempêtes.
Drapeaux rouges ignorés : la confiance fatale des baigneurs
Malgré les efforts des autorités, le non-respect des consignes aggrave le bilan. À Bang Tao, les drapeaux rouges – signal d’interdiction absolue de baignade – claquaient au vent ce samedi fatal. Des jetskis patrouillaient, des panneaux multilingues avertissaient en anglais, chinois, russe.
Pourtant, l’oncle et son neveu ont plongé, séduits par un ressac qui « paraissait inoffensif ». Les réseaux sociaux regorgent de photos de touristes riant aux éclats près de ces drapeaux, sous-estimant leur propre force ou ignorant tout des dangers.
Ce n’est pas un cas isolé. Le mois dernier, deux autres étrangers ont péri en quelques heures : un homme d’âge mûr à Nai Yang Beach, retrouvé inconscient et déclaré mort à l’hôpital ; puis Yuan Wen Yi, une Chinoise de 21 ans, engloutie à Nai Harn.
Les sauveteurs, débordés, soulignent : « Même les bons nageurs paniquent et se noient avant notre arrivée. » La communication reste un défi : les signes existent, mais la barrière linguistique et l’euphorie des vacances l’emportent souvent.
Un nombre croissant : quand le paradis thaïlandais vire au cauchemar
Phuket, destination numéro un de Thaïlande avec ses millions de visiteurs annuels, paie le prix de sa popularité. Les noyades y sont endémiques, boostées par des touristes qui voient des brochures idylliques, pas les patrouilles de jetskis ni les familles en deuil.
En août dernier, quatre morts en une semaine, dont des cas liés à l’absence de maîtres-nageurs et à la menace des limaces de mer bleues venimeuses. Plus récemment, un britannique en lune de miel a péri avec un médecin thaï qui tentait de le secourir.
Les locaux, habitués au rythme des marées, secouent la tête : « Chaque saison recommence comme un film d’horreur. » Les maîtres-nageurs, ces héros anonymes, courent vers le danger pendant que d’autres bronzent. Ils sauvent des vies – comme récemment deux enfants –, mais ne peuvent surveiller chaque mètre de côte.
Conseils vitaux pour les touristes : respectez la mer, sauvez votre vie
Face à cette hécatombe, les autorités thaïlandaises multiplient les initiatives : alertes surf quotidiennes, patrouilles étendues, briefings dans les hôtels, panneaux plus visibles. Mais la clé reste entre vos mains, chers voyageurs. Voici l’essentiel à retenir :
– Vérifiez les drapeaux : Rouge = danger immédiat, ne nagez pas. Jaune = prudence, supervision requise. Vert = baignade autorisée.
– “Ne luttez pas contre le courant” : Si aspiré, flottez, respirez, nagez parallèlement à la côte pour vous en sortir.
– Choisissez des plages surveillées : Évitez les zones isolées comme Nai Thon en saison des pluies.
– Informez-vous : Demandez aux locaux ou à l’hôtel sur les conditions. Ne nagez jamais seul, surtout après un repas ou sous influence.
– Apprenez les signes : Eau trouble, écume persistante ou disparités de couleur signalent un rip.
Vers une saison plus sûre : l’appel des autorités et des locaux
Les recherches pour Dmitrii Zakutskii se poursuivent : bateaux en mer, drones dans le ciel, plongeurs en apnée. À Phuket, on retient son souffle, priant pour que novembre n’ajoute pas d’autres noms à la liste tragique.
Les officiels lancent un cri du cœur : « Changez votre comportement, ou la mort continuera. » Les maîtres-nageurs, épuisés mais déterminés, implorent l’obéissance aux règles. Les familles brisées sur le sable rappellent que chaque vague peut être la dernière.
Phuket reste un rêve éveillé pour qui sait l’apprivoiser. Mais ignorer ses colères, c’est risquer le tout pour le tout. Touristes, informez-vous, respectez les avertissements. La Thaïlande vous accueille les bras ouverts – n’allez pas lui offrir vos vies en sacrifice.