Ils étaient la première forme de B&B en France. Voici 70 ans naissaient les Gîtes de France. Ils sont toujours appréciés et ont bien évolué. Comment coexistent-ils avec le grand ogre américain Airbnb?
L’histoire de Gîtes de France débute en 1955, dans une France d’après-guerre encore largement rurale
À l’initiative du sénateur Émile Aubert, un réseau naît d’une idée simple : redonner vie aux campagnes tout en offrant aux habitants un complément de revenus grâce à l’accueil touristique. Le concept, novateur pour l’époque, mêle convivialité, partage et mise en valeur du patrimoine local.
Gîtes de France se construit peu à peu comme un label de confiance, garantissant au voyageur une expérience authentique et au propriétaire un accompagnement solide.
Un réseau devenu patrimoine vivant
Soixante-dix ans plus tard, le label a pris des allures de véritable institution nationale. Avec près de 55 000 hébergements – gîtes, chambres d’hôtes, city-breaks – le réseau entrelace le territoire français, des plages bretonnes aux vallées alpines.
Chaque année, des millions de vacanciers y trouvent une autre façon de voyager : le temps long, l’échange, la proximité.
Là où d’autres plateformes multiplient les listings, Gîtes de France cultive la qualité labellisée et la présence humaine : agences locales, suivi des propriétaires, niveau de confort classé par épis. L’enseigne défend un tourisme responsable, enraciné et hospitalier.
On aurait pu imaginer qu’avec l’avènement d’Airbnb, Gîtes de France allait vivre une éclipse et pourtant… Les deux univers touristiques coexistent avec une capacité d’offre différente et une nature d’offre parfois similaire
Gîtes de France réunit des hébergements, souvent spacieux, familiaux, pensés pour des séjours au calme ou de groupe. On y réserve à la nuit, mais surtout à la semaine : le temps de vivre.
Airbnb, de son côté, affiche une galaxie de plusieurs centaines de milliers d’annonces en France, concentrées dans les métropoles et zones touristiques. Un écosystème en perpétuelle expansion, où le particulier côtoie le professionnel.
Des clientèles cousines mais pas jumelles
Les deux séduisent les voyageurs en quête d’autonomie : espace, cuisine, liberté.
Mais leurs imaginaires divergent.
Chez Gîtes de France, la clientèle recherche l’authenticité, la rencontre, la nature, souvent pour un séjour prolongé. Elle aime savoir que l’hébergement a été visité, classé, et qu’un interlocuteur local veille. Chez Airbnb, le public se fait plus urbain, plus international, davantage pressé.
Le city-breaker y trouve son compte : deux ou trois nuits, l’appartement en plein centre, le sentiment d’habiter la ville. Les deux mondes se frôlent parfois – certaines maisons labellisées se retrouvent aussi sur la plateforme – mais leurs philosophies demeurent distinctes : le label contre l’algorithme !
Tous deux promettent le séjour “comme à la maison”, avec l’intimité et la liberté qu’un hôtel n’offre pas toujours mais Gîtes de France, tient à son engagement de qualité, un ancrage territorial, un réseau humain. Airbnb, offre une diversité illimitée, la rapidité de réservation, le monde à portée de clic.
Les cousins européens
Chez Gîtes de France, la nuitée oscille souvent entre 60 € et 120 € selon la taille et la saison, soit un panier moyen d’environ 945 € par séjour. Le tarif reste stable, prévisible, raisonnable pour les familles.
Sur Airbnb, les prix s’envolent ou se tassent au gré de la demande : de 80 € la nuit à plus de 200 € à Paris, selon l’événement ou la période. Le voyageur y gagne en choix, pas toujours en lisibilité. Et puis, si Gîtes de France soutient le tissu rural et la redynamisation locale, Airbnb a bouleversé les équilibres urbains, pour le meilleur et parfois pour le pire.
Si Gîtes de France reste unique par son ampleur et sa structure, ses cousins européens existent : les “agriturismi” italiens, les “Landurlaub” allemands, les farm stays britanniques… Autant de formules qui cultivent la même idée : voyager en partageant le lieu de vie de l’habitant. Mais aucun réseau n’a su, comme Gîtes de France, unir sous un même label national la diversité de tout un pays.
Concurrence et héritage
Si Gîtes de France fait figure de patriarche créatif, d’autres labels français existent. En marge de Gîtes de France et d’Airbnb, d’autres réseaux défendent chacun une vision de l’accueil: Clévacances (créé en 1995) propose aussi un classement par “clés” et séduit un public plus urbain ; Accueils Paysans promeut une approche militante et solidaire du séjour à la ferme ; Bienvenue à la ferme, piloté par les Chambres d’Agriculture, valorise l’agritourisme et la rencontre directe avec les producteurs.
Un séjour chez Gîtes de France, dans l’esprit des débuts, c’était jusqu’aux années 1990, avant tout une invitation à découvrir le monde rural : une table partagée, un café sur le pas de la porte, des enfants jouant dans la cour d’une ferme. Le label offrait aux citadins un pont vers “la France des campagnes”, bien avant que l’on parle de tourisme durable ou d’expériences locales. La marque a évolué comme a évolué la ruralité.