Je suis arrivée en retard à la conférence de presse des Femmes du Tourisme.
Une demi-heure de décalage qui n’a rien d’original : celui d’une mère seule qui dépose son enfant à l’école à 8h30, avant de traverser Paris pour rejoindre une réunion dans le Marais. Ce détail du quotidien n’a rien d’anecdotique. Il dit quelque chose de la réalité des femmes du secteur, qui doivent souvent composer avec des contraintes invisibles, mais bien présentes.
Présentation de l’Observatoire Femmes du Tourisme
Ce 20 novembre 2025, l’Association Femmes du Tourisme présentait les résultats de son premier Observatoire de l’égalité femmes-hommes dans le tourisme, en présence de sa présidente, Emmanuelle Llop, avocate spécialisée en droit du tourisme, entourée de son Conseil d’administration.
Les chiffres sont clairs :
Le tourisme demeure un secteur très féminisé, mais encore loin d’être égalitaire. Les écarts de salaire apparaissent dès la première embauche, la parentalité pénalise massivement les carrières féminines, les postes à responsabilités restent majoritairement masculins, et les entrepreneures rencontrent davantage d’obstacles pour financer ou développer leur activité. A cela s’ajoutent des discriminations persistantes, des stéréotypes ancrés et des parcours de progression plus lents pour les femmes.
L’Observatoire révèle notamment que 75 % des femmes interrogées estiment devoir “en faire plus” …
…que leurs homologues masculins pour obtenir la même reconnaissance, que 62 % des femmes disent avoir déjà vécu une discrimination liée au genre au cours de leur carrière, et que seules 7 % d’entre elles accèdent à un salaire annuel supérieur à 40 000 euros contre près de 20 % des hommes. Autant d’indicateurs qui montrent que les inégalités ne relèvent pas de perceptions isolées mais d’une réalité systémique.
Les postes décisionnels restent masculins
Les données montrent également que les femmes sont beaucoup plus nombreuses dans les fonctions dites « relationnelles », moins valorisées, tandis que les postes stratégiques et décisionnels restent majoritairement masculins. Le premier salaire illustre déjà cet écart : 49 % des femmes débutent entre 23 000 et 30 000 euros annuels, quand une majorité d’hommes accèdent directement à des rémunérations supérieures. Enfin, la parentalité crée une rupture forte : 46 % des femmes déclarent avoir été pénalisées après une grossesse, contre moins de 10 % des hommes.
Mais au-delà des données, un autre constat s’impose en observant les échanges et les réactions dans la salle : les femmes du tourisme avancent encore trop souvent seules.
Après la conférence, j’ai eu un entretien avec la brillante Gemma Cobo Cuenca, Directrice des opérations chez Orchestra
Un échange direct, franc, qui a rapidement abouti à une évidence partagée : il manque aujourd’hui une véritable solidarité féminine, non seulement dans le tourisme, mais dans la plupart des secteurs professionnels. Les femmes sont nombreuses, compétentes, engagées. Pourtant, elles se soutiennent encore trop peu, se recommandent rarement, hésitent à valoriser publiquement le travail les unes des autres, et subissent encore des rivalités qui les affaiblissent.
Nous sommes arrivées à la conclusion suivante : dans un contexte où les hommes bénéficient encore d’un capital confiance automatique, la première réponse, avant même les politiques publiques et les dispositifs RH, devrait être la solidarité. Pas une solidarité théorique ou revendiquée, mais une solidarité active : se recommander, se soutenir, se citer, se relayer, se tirer vers le haut.
L’Observatoire montre que les inégalités sont structurelles. La réponse doit l’être aussi. Si les femmes ne se soutiennent pas entre elles, personne ne le fera à leur place.
Il ne s’agit pas de s’opposer aux hommes, mais de cesser de s’opposer entre femmes. De reconnaître la valeur des autres, de briser les réflexes de comparaison, et de construire des synergies plutôt que des silences.
Le secteur du tourisme a souvent été précurseur sur de nombreux enjeux sociétaux
Il peut aussi l’être sur celui-ci. La cohésion féminine ne règlera pas toutes les inégalités, mais elle peut en réduire une partie, faire émerger des talents, accélérer des carrières, rendre visibles des compétences, et créer enfin un environnement où les femmes n’avancent plus seules.
Ce 20 novembre, les Femmes du Tourisme ont livré un diagnostic lucide. Aux femmes du secteur, désormais, d’y répondre ensemble.
Et si la première étape consistait simplement à soutenir celles qui œuvrent déjà pour faire bouger les lignes ? L’Association Femmes du Tourisme poursuit ce travail depuis vingt ans. Il appartient aussi à chacune de la soutenir, de la relayer et de la faire connaître
Imene Nessah
Note de l’éditeur: un coup de chapeau à Emmanuelle Llop pour s’être tellement bien intégrée dans ce monde du tourisme en France. Un salut amical à Nathalie Bueno, DG de Secrets de Voyages et ancienne Présidente de Femmes du Tourisme.