Nous avons profité du salon IFTM 2025 pour poser quelques questions à des responsables d’entreprises. Si on parle beaucoup de Laurent Abitbol, on évoque un peu moins Arnaud qui pourtant est un personnage important de la galaxie du groupe Marietton. C’était donc une bonne occasion pour mieux le connaître et mieux percevoir la force du premier groupe de voyage en France.
MisterTravel (MTN): Quelles sont aujourd’hui vos principales missions en tant que Vice-président exécutif et directeur du réseau Havas Voyages ?
Arnaud Abitbol (AA): En tant que Vice-président du groupe, j’ai deux grandes missions. D’une part, je pilote les opérations de croissance externe : le rachat de sociétés complémentaires ou concurrentes qui viennent renforcer notre position.
Nous venons d’ailleurs de finaliser la 34ᵉ acquisition du groupe : Supertripper, une pépite française de la travel tech dirigée par un jeune entrepreneur brillant (Maxime Pilat) qui entre au Comex du groupe.
D’autre part, je gère et j’anime le réseau des agences franchisées Havas Voyages : 220 agences, pour un volume d’affaires de 405 M€ en 2024.
Ce sont deux métiers très différents, mais je tiens à garder ce double rôle car rester au contact des agences et des réseaux de distribution est essentiel pour comprendre l’évolution du marché et ses besoins.
MTN : Comment définiriez-vous votre style de management et votre vision pour le groupe ?
AA : Je ne cherche pas vraiment à définir un style figé. Sur la partie acquisitions, nous fonctionnons en totale transparence avec Arnaud Fontanille (DG finance & acquisition), nous repérons, analysons et trions les dossiers qui pourraient nous intéresser. Parfois, ce sont les sociétés elles-mêmes qui viennent à nous… et il nous arrive d’avoir de bonnes surprises.
Côté franchise, j’anime un réseau d’indépendants. Mon rôle, c’est de donner des impulsions, de fédérer, d’être clair et transparent sur nos objectifs communs. Ce sont des chefs d’entreprises qui veulent avant tout maximiser leurs profits. Mon travail est de les aider. Nos nouveaux contrats de franchise sont aujourd’hui les plus transparents et les plus rémunérateurs du marché. J’ai pris ce pari il y a deux ans, je ne le regrette pas : les adhérents sont rassurés… et plus riches !
MTN : Quels sont les grands axes de développement actuels de Marietton Développement et d’Havas Voyages ?
AA: Marietton est désormais solidement ancré dans le paysage touristique français. Chaque crise (11 septembre, subprimes, printemps arabe, Covid etc…) a été pour nous une opportunité de nous renforcer, de nous réorganiser et de progresser. Cette résilience vient de notre culture d’entreprise : mon père plaçait la prudence au-dessus de tout et il nous apprit la gestion. Mon frère Laurent y a ajouté l’audace et l’intuition ; et comme disait Henry Bernstein, l’intuition, c’est l’intelligence qui commet un excès de vitesse.
Résultat : un petit réseau lyonnais de 5 agences est devenu un acteur majeur du voyage en France.
Deux axes vont structurer nos prochains développements :
La tech : l’acquisition de Supertripper est une étape clé, un véritable changement de paradigme qui va transformer la morphologie du groupe et nous pousser à bousculer nos habitudes.
L’international : nous travaillons actuellement sur des dossiers importants, que nous espérons finaliser d’ici la fin de l’année.
MTN : Comment percevez-vous l’évolution des comportements de consommation dans le voyage post-Covid ?
AA : Il y a eu le travel revenge… beaucoup de choses ont été écrites là-dessus. Ce que je constate aujourd’hui, c’est une hausse du panier moyen. Les dépenses de vacances ont globalement été sanctuarisées par les Français, malgré une conjoncture sociétale peu favorable.
Ceux qui avaient plus de moyens se sont totalement décomplexés sur leurs dépenses.
Notre rôle est de répondre à ces deux réalités : proposer des offres accessibles au plus grand nombre, mais aussi des voyages haut de gamme, sur mesure, dans des lieux encore peu explorés.
MTN : Quelles sont, selon vous, les grandes tendances qui vont transformer le secteur du tourisme dans les cinq prochaines années ?
AA : Il est toujours risqué de faire des prévisions, elles sont souvent fausses… Mais si je devais en citer quelques-unes :
- La volonté croissante d’éviter les destinations saturées par le surtourisme. Le succès de la Bretagne ces dernières années en est un bon exemple : les voyageurs recherchent plus de nature et d’authenticité, quitte à se baigner en combinaison 😊
- la montée des voyages exclusifs, d’exploration et de niche, parfois portés par des pays qui misent sur un tourisme très sélectif et haut de gamme, avec plus ou moins de succès.
MTN : Pensez-vous que l’intelligence artificielle va profondément transformer le rôle des conseillers en voyages ?
AA : L’IA transforme le monde entier. Tout le monde ou presque s’en sert déjà. Mais dans le voyage, beaucoup de clients ont encore besoin d’être rassurés par une marque solide et par de l’humain surtout quand on parle de budgets importants.
Dans les faits, beaucoup de clients arrivent en agence avec une connaissance déjà très pointue de leur destination grâce à leurs recherches et à l’IA. Mais organiser un voyage, c’est complexe, chronophage, et le risque d’erreurs peut gâcher des moments uniques. Nos “travel planners” sont là pour fiabiliser, corriger, sécuriser et surtout donner un supplément d’âme.
Je suis convaincu que les conseillers ont encore beaucoup d’avenir, à condition de se former, de rester au fait des tendances… et de garder ce qui ne sera jamais remplacé par la technologie : le sourire et le plaisir d’exercer ce métier.
MTN : Quels atouts majeurs distinguent Havas Voyages des autres réseaux d’agences en France ?
AA : Nous avons une marque iconique et puissante, sans doute la plus belle en France. Nos Travel Planners se spécialisent désormais par destination pour apporter une expertise pointue aux clients. C’est cette combinaison, une marque forte et une offre d’experts, qui nous distingue vraiment des autres réseaux.
Pour nos adhérents, nous proposons le contrat de franchise le plus transparent et le plus rémunérateur du marché.
À cela s’ajoute un atout décisif : Marietton compte 8 tour-opérateurs intégrés (Voyamar, Heliades, Austral Lagons, Solea, La Française des Circuits, Australie Tour, Alma Latina, Jetset), ce qui donne à nos franchisés un accès direct, instantané et efficace pour régler leurs problèmes ou répondre à leurs questions. Je veille personnellement à cette réactivité, car si j’étais client, je voudrais des réponses immédiates et claires. Cette exigence, je l’applique d’abord à moi-même.
MTN : Quels défis restent, selon vous, les plus importants à relever pour Marietton Développement ?
AA : Le groupe est solide, enraciné dans tous ses métiers : distribution loisirs, business travel, tour operating et Groupiste, avec les rachats récents de Time Tours et SPVA.
Nos grands défis : Poursuivre notre croissance à l’international, continuer à améliorer nos outils et l’expérience client, rendre notre offre plus lisible et valoriser notre savoir-faire et notre marque Made in France. À l’heure où chaque pays joue sa carte nationale, il est temps que les entreprises françaises fassent confiance à des acteurs français pour gérer leurs déplacements.
MTN : Quel a été votre plus beau voyage personnellement, et pourquoi ?
AA : J’ai eu la chance de vivre des expériences incroyables. Le Rwanda m’a profondément marqué : l’histoire tragique de ce micro-état qui s’est relevé est remarquable. La rencontre avec les gorilles est un moment bouleversant.
Je garde aussi en mémoire une expédition jusqu’au pôle Nord géographique… où je me suis même baigné ! Quinze secondes seulement, mais un souvenir gravé à jamais.
MTN : Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui souhaite travailler dans le secteur du tourisme aujourd’hui ?
AA : C’est un métier exigeant mais passionnant, où l’on croise des gens formidables. Il faut aimer les autres, être curieux du monde, avoir le goût du service et accepter de ne pas compter ses heures. Mon conseil à un jeune : s’intéresser vraiment au métier, maîtriser les fondamentaux, aller à la rencontre des clients et développer ce sens du relationnel qui fait toute la différence