29 mars, 2024
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Carnet de voyages de Vinicius : un groupe en Egypte et la contemplation de Thèbes

Carnet de voyages de Vinicius : un accompagnement de groupe en Egypte et la contemplation de Thèbes

« 6 octobre 1981, Le « Néfertiti », bateau que j’avais loué pour mon groupe est en escale, à Esna. Au Caire le Président Sadate est assassiné… »

…Jusqu’au retour à Louxor c’est la panique, les visites aux escales sont bâclées, parfois supprimées. Nous sommes retenus à Louxor pour raison de sécurité, le temps de m’en éprendre puis de me fasciner pour Thèbes…La ville chantée par Homère décrivant les richesses accumulées dans ses murs « plus nombreuses que les grains de sable »

Ici l’histoire a marqué un pas définitif. Alors que la Gaule était couverte de forêts, que des tribus éparses défrichaient à peine quelques clairières de Germanie, quelques arpents de steppes orientales, un état puissant centre de commerce et de culture avait son cœur sur les rives du Nil d’où il rayonnait vers l’Asie Mineure, l’Éthiopie, les déserts lointains.

La région de Thèbes

Des bourgades naissaient le long du fleuve.

Puis selon les circonstances le pouvoir se déployait. Une principauté grandissait s’élançant vers le nord et vers le sud. Pendant deux siècles la capitale de l’Égypte, Thèbes, étendit son pouvoir du delta du Nil à la Nubie, de la Méditerranée à l’Éthiopie.

Pour des raisons de sécurité militaire d’autres impératifs ont amené les souverains à se rapprocher du delta. Louxor est restée la ville des prêtres qui résidaient dans leurs temples immenses car à la grande époque Thèbes se déployait sur plusieurs kilomètres englobant Louxor et Karnak.

Tout était entrelacs d’édifices somptueux et de jardins verts. Une longue allée de sphinx réunissait les deux ensembles de temples.

Ruines comme nulle autre. Beaucoup de colonnes debout, des couloirs ouverts. Des statues par dizaines, des bas-reliefs décrivant toute l’histoire en fresques dessinées dans la pierre.

Le temple de Louxor, n’importe où paraîtrait immense.

Dès mon arrivée à Karnak j’ai sauté de mille degrés à la fois dans une dimension où, taille gigantesque et beauté pure s’unissent dans une fusion totale. Je ne me sentais plus sur la Terre. Cité des Dieux énigmatiques où les temples s’accolent, se prolongent, se succèdent et où l’on passe d’un siècle à un autre d’une dynastie à une autre.

Un matin le soleil était venu jouer dans les ruines éclairant le visage des statues. J’ai oublié le drame qui venait de se passer, les guides, les leçons d’histoire. Je me promenais dans le fantastique, dans l’abondance sans démesure et j’étais quelque peu assommé, dépassé. Je pense qu’il faut revenir plusieurs fois car Louxor, Karnak ne se possèdent pas en un jour. J’ai dû y oublier le monde actuel pour m’y bercer de rêves. Adossé à une colonne, assis sur une pierre, les heures ont passé et je me suis sans doute oublié…

…Thèbes

Rien ni personne ne peut la détruire. Bâtie, enrichie de la XIème à la XIXème dynastie, vingt siècles avant le Christ, les invasions s’y sont succédées. Thèbes a résisté aux rudes guerriers Hyksos venus d’Asie. En 672 avant notre ère, elle a été pillée par les Assyriens qui l’ont dépouillée de nombre de ses statues et de ses trésors. Les pharaons ont restauré les temples. De nouveaux dommages après que Cambyse le souverain Perse fit de Thèbes sa base de départ contre l’Éthiopie. Le souverain hellénistique Ptolémée Lathyre la dévasta pour la punir d’avoir pris parti pour son frère et ensuite les empereurs romains Auguste et Tibère ont entrepris des travaux de restauration de Karnak.

Des tremblements de terre ont ruiné bon nombre d’édifices mais l’immensité de l’œuvre a donné à Thèbes une sorte d’invincibilité.

Ce qui subsiste aujourd’hui est stupéfiant et il reste encore d’importantes fouilles à réaliser. Les travaux déjà accomplis ont permis de ressusciter Karnak et Louxor. Cependant, façonné par les crues du Nil, le sol limoneux de Haute-Egypte cache encore le mystère de trésors ensevelis.

Sur l’autre rive du Nil à l’ouest c’est la Nécropole. Une sorte de ville-cimetière où dorment les souverains. Karnak ville du Dieu Amon, protecteur de Thèbes et de l’autre côté la cité des pharaons défunts, revivant pour l’éternité.

Les vallées qui trouent les montagnes offrent aux Rois le lieu grandiose de leur dernier repos : vallées des Rois, des Reines, tombeaux des dignitaires, sépultures civiles. Une profusion d’art et d’architecture souterraine. De longues galeries mènent à la niche où sous de multiples sarcophages reposait la momie du maître parti pour l’éternité. Partout des peintures. Les couleurs éclatent surtout les ocres. Toute la vie de l’Égypte pharaonique s’exprime ainsi en sortes de bandes dessinées parallèles. Une mine de renseignements. Mais c’est bien autre chose que de l’information. L’art est partout. Perfection des dessins, traits des visages. Le peuple d’artistes qui a décoré, orné ces chambres funéraires ne pouvait être esclave. Une trop grande liberté d’expression caractérise chaque fresque pour ne pas voir la passion créatrice qui des siècles plus tard enfantera les cathédrales et leurs myriades de statues de gorgones et hauts-reliefs.

C’est ici un tout autre univers que Karnak, et aussi, même dans l’ordre des nécropoles, un monde très différent de celui des Pyramides.

Rien de colossal mais quelque chose d’intime dans le grandiose d’un caractère très humain. Une recherche de la sérénité, de l’épanouissement de la vie dans la mort, une lutte victorieuse contre le néant, une conquête de l’au-delà.

C’est un univers dans lequel on ne peut voir tout. Il faudrait vivre ici des semaines, sentir couler le temps, se promener fréquemment le long du Nil.

A bord d’une felouque j’imaginais les longs convois de bateaux chargés de tous les trésors du monde connu, la foule bigarrée des esclaves de toutes les nations d’Afrique, d’Asie, des soldats de pharaons hiératiques, les enfants nus courant sur les quais et facilement j’ai pu revenir cinquante et un siècles plus tôt.

Thebes-antique- photo Geodd-Steven.

 Égypte qui a connu tant de tempêtes qui ont ruiné des civilisations qui s’est plusieurs fois endormi où des guerriers de tous les empires ont campé sur les rives du fleuve Roi. Sculptures, peintures des édifices qui ont gardé pour nous, empreints dans la pierre, le marbre, le roc naturel, la marque inoubliable du temps des pharaons. Cette Égypte qui après toutes les tourmentes, toutes les désolations a conservé son unité reprendra vie étape par étape quand le sang du drame récent déteint par le temps se confondra aux eaux du Nil.

Notes en marge sur mon carnet de voyages

Jacques BASCHIERI dit Vinicius

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