25 avril, 2024
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Jérusalem…une fois

Mon ami Igal, guide pour un opérateur israélien m’a dit : « Lève-toi un matin avant l’aube et de ton hôtel pars à pied en direction de la vieille ville de Jérusalem »

…C’est ce que j’ai  fait.

Par les avenues de la Jérusalem moderne où les israéliens sont déjà sur la route du travail, j’ai franchi la porte de Jaffa. C’était encore la nuit et suivant les murs aveugles du couvent arménien je suis descendu vers le « Mur ». Il m’a suffi de suivre les flèches. Personne ! A l’agitation, au bruit de la ville moderne ont succédé le vide et le silence. Soudain, au détour d’une voie en pente, l’esplanade surgit. Découpé sur le ciel, dans la lumière encore incertaine de l’aurore, c’est le passé, mon passé, notre passé qui se découvre. Chrétien, musulman, juif, protestant, agnostique, naturiste ou yoga le visiteur occidental est saisi, au-delà de toute expression. Ce n’est pas l’émotion du vestige que l’on peut éprouver à Chartres, à Rome, au Parthénon, aux Pyramides, c’est une sorte de transport intellectuel.

J’étais arrivé là où tout s’est accompli. Où les grandes aventures de l’âme ont commencé, où les rêves mystiques ont pris corps, où se sont mélangées toutes les pièces et toutes les haines.

Croyant, votre foi est née ici. Incroyant votre doute y a sa source.

En avançant vers les pierres du temple d’Hérode où Jésus pénétra un jour, en montant vers la Mosquée d’Omar d’où Mahomet s’élança vers le ciel j’ai eu le sentiment de remonter le cours du temps. Le dôme d’argent de la Grande Mosquée que les croisés francs, ignorants, prirent pour le temple de Salomon, étincelle à la lumière rose ou bleu pâle du jour naissant. Les pierres hérodiennes, d’une couleur bistre pastellisé qui n’existe qu’à Jérusalem sortent de l’ombre. L’horizon mystique  vers les collines de Judée et la dépression de la mer morte, se dégage lentement de la brume.

Voyageurs, mes frères, de tels instants justifient les attentes sans fin dans les aéroports, les visites organisées, les cars, les chambres d’hôtel bruyantes, les moustiques, toutes les misères de notre condition. Comme les pèlerins du IIIème siècle, comme les Croisés, comme tous les inspirés qui se sont sentis invinciblement attirés par la Ville, vous savez que vous êtes arrivés. A Jérusalem commence un autre voyage à l’intérieur de soi-même.

Cependant, mémorial de toutes les passions, de toutes les guerres, des plus grands élans de la foi et des plus absurdes flambées de haine, Jérusalem reste encore «un point chaud» de notre époque. Rien n’est apaisé, fixé ou définitif, dans la cité mystique ; Le passé lui-même, ici, est incertain.

Nous savons tous avec quelle circonspection il convient d’accueillir certaines localisations archéologiques plus commerciales que scientifiques et qui sont bien souvent apocryphes. Ce qui est singulier à Jérusalem c’est que le visiteur partage le doute et les hésitations des spécialistes. Il est traité en adulte. Ainsi le décor de la vie de Jésus, l’itinéraire de son parcours terrestre ne cessent de se modifier au fil des fouilles, des nouvelles découvertes.

Que voit-on de nos jours de ce qu’a vu Jésus à Jérusalem ?

Avec certitude, seulement les étranges « tombeaux ornés »  de Saint-Jacques et de Zacharie  à Absalon dans la vallée du Cédron dont la construction remonterait au IIIème siècle avant le Christ. A peu de distance, au nord de l’Esplanade, près de la porte des Brebis on a localisé la piscine probatique de Bethaza où Jésus a guéri le paralytique. Au début du siècle dernier un marché aux moutons s’y tenait encore, comme dans les Écritures .En revanche les archéologues ne prennent pas au sérieux les localisations des derniers jours du Christ : La »prison » la salle de la Cène ni même l’olivier célèbre du jardin de Gethsémani. Aussi bien le lieu de l’interrogatoire de Pilate est discuté, point de grande importance car il détermine le tracé historique de la Via Dolorosa.

Le Golgotha, le lieu du « Crâne » où le supplice s’accomplit est bien localisé par la très grande majorité des archéologues à l’emplacement du Saint-Sépulcre actuel. A l’époque du Christ la colline se trouvait à l’extérieur de l’enceinte.

Ces hésitations, ces remords, ces localisations constamment remises en question sont à l’image de Jérusalem, ville de l’alliance, de la révélation de la sérénité, de la paix, mais aussi ville du doute, de l’angoisse, de l’ignorance et de l’affrontement.

Dix fois détruite, toujours relevée sur ses ruines, toujours menacée, Jérusalem symbolise la difficulté qu’éprouve l’homme de s’entendre avec lui-même.

Le tourisme y a été inventé un jour de l’année 250 avec l’arrivée du premier «pèlerin» de l’histoire, le premier guide de voyage y a été rédigé en 333 par un pèlerin anonyme qui venait de Bordeaux.

En promenant à l’aube dans la vieille ville de Jérusalem j’ai pensé que c’est là que tout a été inventé.

Notes en marge sur mon carnet de voyages

Jacques BASCHIERI dit Vinicius

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