À l’heure où Mattel -le géant étasunien du jouet- fait le lancement mondial de sa Barbie diabétique (sic!), Hong Kong renoue avec le rituel qui se répète tous les vendredis à 10 heures pile devant la porte de la boutique Pop Mart: de longues files d’attente, souvent composées de centaines de personnes, venues pour le rapprovisionnement des produits Labubu qui sont régulièrement en rupture de stock sur la boutique en ligne et l’application Pop Mart.

Honte à vous, que ne connaissais pas Labubu!
Effrayants (des oreilles pointues, des yeux exorbités et un sourire plein de dents acérées…) et si adorables (ça alors!), ces peluches -dont le lancement date de 2019- font fureur sur Internet après avoir été aperçus sous forme de pendentif dans un sac de la chanteuse thaï Lisa du groupe de k-pop BLACKPINK en 2024. Depuis, d’autres célébrités qui ont adopté la mode Labubu, dont Rihanna, Dua Lipa, Kim Kardashian et même David Beckham.
Distribués exclusivement par le détaillant chinois Pop Mart, il est devenu quasiment impossible de se procurer l’un de ces pendentifs de collection, car ils sont en rupture de stock en ligne presque tous les soirs.
Après être devenus viraux sur les réseaux sociaux, ces peluches sont désormais une entreprise de plusieurs millions de dollars avec des ventes en Chine et dans le monde entier.

Ces poupées ont non seulement généré une obsession mondiale parmi leurs consommateurs, mais ont également transformé leur créateur et le PDG de Pop Mart en multimillionnaires
Kasing Lung, son créateur et l’artiste à l’origine de ce phénomène, s’est inspiré de son enfance aux Pays-Bas, où il a grandi entouré d’histoires d’elfes et de créatures mythologiques.
En fait, Labubu est né en 2015 dans la série illustrée Les Monstres. Mélange d’elfes nordiques et de monstres de contes de fées, Labubu se transforme en une peluche toute douce aux couleurs vives et aux expressions faciales allant de l’espiègle à l’adorable. Leurs dents acérées contrastent avec leur petite taille (généralement entre 10 et 20 cm), créant un effet « monstre inoffensif » qui plaît autant aux enfants qu’aux adultes.
Une stratégie marketing vraiment monstrueuse: les « boîtes mystères »
Pop Mart vend les jouets Labubu dans des boîtes mystères, où l’acheteur ignore quel modèle il recevra avant de l’ouvrir. Cette stratégie, comparable à un jeu de hasard, a engendré une culture de collection obsessionnelle.
La version « secrète » (avec une chance sur 72) peut se vendre sur le marché secondaire jusqu’à 7 000 US$ sur des plateformes numériques comme eBay.
Plus qu’un jouet, c’est un phénomène culturel qui allie art, marketing et psychologie du consommateur
Son succès réside dans sa capacité à exploiter l’incertitude, l’exclusivité et le pouvoir des réseaux sociaux, faisant de cette peluche le symbole d’une génération. De plus, cette peluche a fait son entrée sur le marché du « kidulting », c’est-à-dire des jouets pour adultes qui consomment des jouets comme une forme d’évasion ou de reconnexion avec l’enfance.
En Asie, ce marché pèse des millions, les collectionneurs voyant ces figurines comme un investissement ou un symbole de statut social. En fait, les acheteurs de 18 ans et plus ont connu une forte augmentation au cours du premier semestre 2024, la gamme The Monsters générant 870 millions de dollars de ventes pour Pop Mart.

Le 10 juin 2025, une figurine Labubu de taille humaine a été vendue aux enchères à Pékin pour 1,08 million de yuans (150 000 dollars américains), battant ainsi des records et devenant le jouet de collection le plus cher au monde
Fondé en 2010, Pop Mart était à l’origine un magasin de figurines de collection et est aujourd’hui coté à la Bourse de Hong Kong. Son succès repose, outre le modèle de boîte aveugle, sur la rareté artificielle du produit.
Les éditions limitées créent un sentiment d’urgence. En Chine, il est d’ailleurs très difficile de se procurer un de ces exemplaires, et ces dernières semaines, les autorités ont déjà saisi 462 Labubu introduits en contrebande pour être revendus.