Venise, la Sérénissime, sera le théâtre d’un événement hors du commun : le mariage du milliardaire Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, avec Lauren Sánchez, ancienne journaliste télévisée. Ce mariage, prévu sur plusieurs jours dans un cadre somptueux, attire l’attention du monde entier, tout en suscitant des réactions contrastées parmi les habitants de la ville et en exacerbant les débats sur l’impact du tourisme à Venise. Entre glamour, controverse et protestations, cet événement illustre les tensions croissantes entre la ville et son statut de destination prisée par l’élite mondiale.
Un mariage extravagant dans un cadre unique au monde
Jeff Bezos et Lauren Sánchez ont choisi Venise pour leur union, un choix symbolique pour une ville mondialement connue pour son patrimoine culturel. Selon les informations relayées par la presse italienne, la cérémonie aura lieu à la Scuola Grande della Misericordia, un bâtiment historique de la Renaissance, puis à bord du superyacht de Bezos, le Koru, ancré dans la lagune vénitienne. Cet événement de trois jours, du 24 au 26 juin, coûtera environ 10 millions de dollars, avec une liste d’invités prestigieux incluant des célébrités comme Kim Kardashian, Katy Perry, Oprah Winfrey, ou encore des figures politiques telles qu’Ivanka Trump et Jared Kushner.
5 hôtels de luxe ont été réservés pour l’événement
Pour accueillir les quelque 200 invités, cinq hôtels de luxe auraient été réservés, ainsi qu’une partie importante de la flotte de taxis aquatiques de la ville. Des mesures de sécurité renforcées, incluant des restrictions d’accès et une présence policière accrue, sont également mises en place pour garantir l’intimité de l’événement. Environ 80 % des prestataires, allant des traiteurs aux décorateurs, sont des locaux, un geste présenté par le couple comme une « contribution à l’économie de la ville ».
Un impact touristique controversé
Venise, qui accueille environ 20 millions de visiteurs par an pour une population résidente d’à peine 50 000 habitants, souffre depuis longtemps des effets du surtourisme. L’arrivée d’un événement de cette ampleur, en pleine haute saison, a ravivé les inquiétudes quant à la capacité de la ville à absorber de tels rassemblements.
La droite populiste en est favorable
Les autorités locales, comme le président de la région Luca Zaia et le maire de Venise Luigi Brugnaro, (tous deux du parti d’extrême droite la Lega; Brugnaro est actuellement accusé de corruption dans le cadre d’une enquête de vente de biens immobiliers de la ville à un magnat singapourien) ont défendu l’événement, arguant qu’il générerait des retombées économiques significatives pour les commerçants, les hôteliers et les prestataires de services.
Brugnaro a qualifié les critiques de « honteuses » et a insisté sur le fait que Venise était habituée à gérer des événements internationaux d’envergure, comme la Biennale ou les sommets du G7 et du G20. Selon lui, le mariage de Bezos ne perturberait pas la vie quotidienne des habitants, avec seulement 30 des 280 taxis aquatiques réservés et une gêne partielle des transports publics.
« No space for Bezos »
Les opposants à l’événement, dont de nombreux résidents, estiment que ce mariage symbolise la transformation de Venise en une « vitrine pour milliardaires » et un « Disneyland culturel ». Les protestations, orchestrées par le collectif « No Space for Bezos », ont pris de l’ampleur à l’approche de la date. « Nous formerons des chaînes humaines avec nos corps pour couper les rues et nous bloquerons les canaux avec des canots pneumatiques et des bateaux » ont promis les manifestants.
Des banderoles portant l’inscription « No Space for Bezos » ont été déployées sur des lieux emblématiques comme le pont du Rialto et la basilique San Giorgio Maggiore, certaines accompagnées d’une image de la tête de Bezos sur une fusée, en référence à son entreprise spatiale Blue Origin. Les activistes dénoncent une ville épuisée par le tourisme incontrôlé, où les logements abordables se raréfient et où les habitants sont progressivement chassés vers le continent par la hausse des loyers et la gentrification.
Les avis divergents des habitants
Les habitants de Venise sont divisés sur la question. D’un côté, certains y voient une opportunité économique, en apportant du travail et de la richesse à une ville qui, sans cela, risquerait de dépendre d’un tourisme de masse à bas coût. D’autres encore s’étonnent des critiques, soulignant que Venise a toujours accueilli des événements prestigieux sans que cela ne pose problème, comme le mariage de George et Amal Clooney en 2014, qui avait été largement célébré par les habitants.
De l’autre côté, les opposants, souvent des jeunes et des militants issus de collectifs, dénoncent une marchandisation de leur ville. Pour eux, le mariage de Bezos incarne une forme d’exploitation, où Venise est réduite à un décor pour les caprices des ultra-riches. Les critiques pointent également du doigt l’association de Bezos avec des pratiques controversées d’Amazon, accusée d’exploiter ses travailleurs et de contribuer à la crise du logement en augmentant les loyers via des plateformes comme Airbnb. Certains vont jusqu’à reprocher à Bezos son soutien à Donald Trump, perçu comme hostile aux intérêts européens, notamment en raison des politiques tarifaires de l’administration Trump.
Une ville à la croisée des chemins
Ce mariage met en lumière les défis auxquels la ville est confrontée : préserver son identité culturelle et historique tout en restant une destination touristique mondiale. Les protestations contre cet événement s’inscrivent dans un mouvement plus large de résistance au surtourisme, observé également dans d’autres villes européennes comme Barcelone ou Majorque. Les succès passés, comme l’interdiction des grands navires de croisière dans le centre de Venise ou les restrictions sur les locations Airbnb, montrent que les mobilisations citoyennes peuvent avoir un impact. Cependant, bloquer un mariage privé, même aussi médiatisé que celui de Bezos, représente un défi d’une autre nature.
En définitive, le mariage de Jeff Bezos à Venise restera dans les mémoires non seulement pour son faste, mais aussi pour avoir cristallisé les tensions entre tourisme de luxe, préservation du patrimoine et aspirations des Vénitiens à reprendre le contrôle de leur ville. Alors que les festivités se déroulent sous les feux des projecteurs, les banderoles de protestation rappellent que, pour beaucoup, Venise n’est pas à vendre.