Le resserrement du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) fragilise l’hôtellerie québécoise. Mais la question dépasse les frontières : pourquoi ces métiers restent-ils délaissés par la main-d’œuvre locale, et comment assumer ce paradoxe entre solution économique et crispation migratoire ?
Une dépendance croissante au PTET
Au Québec, l’hôtellerie est au cœur de l’économie touristique et régionale. Pourtant, depuis plusieurs années, elle souffre d’une pénurie chronique de main-d’œuvre. Pour pallier ce déficit, les hôteliers se tournent massivement vers le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET). Préposés à l’entretien, cuisiniers, réceptionnistes : ces postes essentiels sont devenus quasiment impossibles à pourvoir localement.
Le resserrement récent du PTET vient donc frapper un secteur déjà vulnérable. Selon une enquête du Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT) pour l’Association hôtellerie du Québec (AHQ), plus d’un tiers des hôteliers constatent déjà une baisse de qualité de service, la réduction de certaines offres et des retards dans leurs projets d’investissement.
Des services menacés et une économie locale fragilisée
Trois hôteliers sur quatre anticipent une aggravation rapide de la situation. Avec moins de personnel disponible, la pression sur les équipes restantes augmente, entraînant fatigue, désorganisation et insatisfaction croissante de la clientèle.
Au-delà des chambres et des restaurants, c’est tout un écosystème régional qui est menacé : dans plusieurs zones du Québec, les hôtels sont parmi les premiers employeurs et jouent un rôle déterminant dans l’attractivité territoriale. Leur affaiblissement entraîne un effet domino sur les commerces, les emplois indirects et l’image du Québec comme destination touristique.
Pourquoi ces métiers ne séduisent-ils plus localement ?
La crise met en lumière une question dérangeante : pourquoi ces emplois essentiels ne trouvent-ils pas preneur parmi la population locale ?
Manque de valorisation, salaires jugés insuffisants, horaires contraignants, conditions de travail exigeantes… autant de facteurs qui expliquent le désintérêt croissant des travailleurs locaux pour ces métiers pourtant indispensables.
Ce constat vaut autant pour le Québec que pour la France, où le secteur hôtellerie-restauration fait face à des dizaines de milliers de postes vacants chaque année selon Pôle emploi.
Un par

adoxe sociétal : solution économique, problème politique
Les travailleurs étrangers apparaissent alors comme une solution incontournable. Pourtant, ils sont aussi au cœur des débats migratoires, souvent présentés comme un problème. Cette contradiction interroge : comment peut-on, d’un côté, dépendre de leur présence pour maintenir des secteurs entiers à flot, et de l’autre, nourrir un discours public qui les stigmatise ?
En France comme au Québec, ce double langage traduit une hypocrisie sociale : nous voulons les bénéfices économiques de cette main-d’œuvre, sans assumer pleinement leur intégration dans notre modèle de société.
Une réalité à regarder en face
Au fond, deux choix s’imposent.
Soit nous revalorisons ces métiers – par de meilleures conditions de travail, des salaires plus attractifs et une reconnaissance sociale accrue – afin de redonner envie à la main-d’œuvre locale.
Soit nous acceptons clairement que notre prospérité touristique et économique repose en grande partie sur les travailleurs étrangers, et nous cessons de les considérer uniquement comme un « problème ».
Mais peut-on encore éviter de faire ce choix, alors que la survie même de l’hôtellerie – au Québec comme en France – en dépend ?
Pour aller plus loin :
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Conseils aux voyageurs – Canada, Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
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Étude sur les besoins de main-d’œuvre en hôtellerie (Pôle emploi, France)
Québec: le guide Michelin récompense les meilleurs restaurants
Québec: un séjour éco-villégiature au Baluchon, un havre de paix