20 avril, 2024
spot_img

Le Taj Mahal restera le plus bel hommage de l’Amour

« Le murmure amoureux, tu l’as laissé ici, dans l’oreille de l’éternité. L’infinie délicatesse de l’amour fleurit en toi en merveilleuses fleurs sur le cœur de marbre paisible. Et ce fut ton rêve de marbre : « Taj Mahal »

Ainsi parla Rabindranath Tagore, de Shah Jahan, empereur de l’Inde, qui dédia à son épouse favorite un mausolée « aussi beau qu’elle était belle ».

Shah Jahan

Il faut mériter les belles choses, s’y rendre par petites étapes, en approcher à pied, et une fois sur place, trouver pour les apprécier ces deux seuls luxes qui ne sont pas à la portée de tout le monde : le temps et le silence.

J’arrivai à Agra après un fatigant voyage partagé d’éblouissements et d’exaspération, prêt à être déçu par un monument, si célèbre depuis des siècles, que j’avais vu reproduit en encriers, gravé sur des plats de cuivre, tissé dans des cotonnades, mille et une fois photographié.

Je résistai facilement à la tentation d’y courir ; on m’avait prévenu : le soleil allait mal au Taj et visitai d’abord l’énorme Fort Rouge qui se dresse au bord du fleuve.

Entre les remparts du fort, au-delà de la boucle du fleuve largement étalé sur des boues jaunâtres, j’aperçus, brillant au soleil, un bijou rose et blanc posé sur le velours vert d’un parc, oui, une perle énorme sertie de corail. Sagement j’attendis que l’éclat du jour diminuât, puis descendant jusqu’à la porte gardée par des énormes tours couleur de sang je montai dans un rickshaw et me fis conduire au Taj à travers un parc en train de devenir forêt.

Les abords sont encombrés de cent boutiques, souvenirs, rafraîchissements et des cars débarquent les Indiens par centaines car ce monument, le plus fameux de leur pays est aussi un sanctuaire ; on y vénère le souvenir d’un grand amour. Les minces jeunes filles au visage mangé par des yeux immenses, rêvent d’être aimées comme le fut Arjumand Bano. Tout de blanc vêtu des jeunes gens les suivent ; puis des familles innombrables dont la grosseur témoigne de la prospérité ; et puis encore des vieillards ascétiques et bavards. Cela fait bien du monde mais l’enchantement agit. Bien vite on entend moins le bruit de la foule que le déclic des appareils photographiques, et les saris ont l’air d’ailes d’oiseaux rares sur les chemins de marbre.

Une des plus belles choses du Taj est la manière dont on y est préparé, l’espace qui l’entoure, la préséance qui a placé les bâtiments annexes assez loin pour ne pas distraire, mais assez nombreux et riches pour rappeler les fastes de l’Empire. Ce sont des mosquées, la tombe d’une dame d’honneur favorite, les tombes de quelques princes. Au-delà du palais hérissé de clochetons, couleur de corail, au bout d’un canal bordé de cyprès et de haies fleuries, le dôme se dresse, trop neuf encore sous un soleil pas assez bas. Il vaut mieux suivre les allées plus écartées, en approcher lentement, le surprendre à travers les arbres très verts, miracle de fraîcheur dans ce pays brûlé.     

A mes yeux, l’autre chose passionnante est de voir un si grand monument construit en si peu de temps, si fidèle à tout ce que voulait son créateur, sans retouches, sans restaurations indiscrètes, sans irruptions dans un style à la mode sous un règne postérieur. Oui vraiment, sur sa terrasse aux pavés de marbre blanc et gris, le monument se dresse impérial, massif, étincelant entre des minarets, telles les lances de ses gardes. A droite et à gauche, parfaitement symétriques, deux mosquées se reflètent dans le fleuve, telle une famille respectable et somptueuse à la fois.

Autre merveille, il n’y a de l’autre côté des bancs de sable qu’une jungle, et puis à l’Ouest, la masse du Fort Rouge ; pas de ces fumées, de ce vague tumulte qui, jusqu’à l’Acropole, rappellent notre monde. Un isolement souverain…

Dans la visite du monument aucun chef d’œuvre, aucune curiosité ne vient distraire de l’architecture ; certes, les murs sont merveilleusement ciselés, les dentelles de marbre ferment les ouvertures ; on marche sur un tapis de marbre et ces marbres sont comme des soieries brodées sur des robes impériales, un ornement merveilleux mais qui ne vise pas à surprendre. Point de tristesse à l’idée que ce dôme recouvre un tombeau, mais le sentiment de vies accomplies jusqu’à la perfection.

Il convient de s’attarder jusqu’à la nuit et il faudrait faire coïncider sa visite avec la pleine lune ; le marbre chaud dégage alors une sorte de lumière laiteuse ; le silence est absolu ; l’odeur des tabacs, des lys et des tubéreuses monte jusqu’à la terrasse.

On caresse les marbres, on suit du doigt les volutes des balustres ; jamais l’esthétique n’a été plus proche de la sensualité. Il faut une solitude absolue pour savourer cette heure extraordinaire que gâterait la femme la plus aimée, le compagnon le plus intelligent.

Il faut attendre le moment de cette rencontre, la mériter et ne pas croire que le Taj n’est qu’une carte postale de plus, peut-être la plus belle, dans un voyage intéressant.

Jasques Baschieri

On remercie une nouvelle fois notre ami Jacques qui prend la peine d’ajouter ses souvenirs dans notre bibliothèque!

A découvrir dans la même catégorie..

3 Commentaires

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

L'Actualité du jour