26 avril, 2024
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Pourquoi la récession actuelle va apporter des opportunités majeures ?

Il faut rester positif car malgré la grave crise que nous traversons, nous verrons poindre dans quelques mois de nombreuses opportunités. Vous avez, bien sûr remarqué les changements de comportements et de langage des individus depuis le confinement et le début de cette pandémie. Les difficultés que traversent les uns et les autres sont compréhensibles et nous les comprenons.

Une interview avec un spécialiste du tourisme

Nous avons souhaité nous entretenir avec un observateur avisé, qui non seulement connait parfaitement le secteur du tourisme, mais accompagne des dirigeants dans la définition de leur stratégie, leur réflexion marketing, l’optimisation de leur business. En fin de compte, s’il présente un tableau peu reluisant, notre interlocuteur termine par une note positive.

Nicolas Baudy

Nicolas Baudy, un consultant pas comme les autres

C’est un entrepreneur, quelqu’un qui aime être dans l’action. Il intervient depuis le milieu des années 90 dans les industries de services (tourisme, loisirs, e-commerce, …), tant au sein de grands groupes comme Havas Voyages, Pierre & Vacances, Voyages-SNCF que des structures qu’il a créées et développées. Sa singularité ? La monétisation & la performance business, grâce au Marketing & à la Technologie. Le marketing (avec des chiffres et du factuel) pour comprendre pourquoi on fait les choses. La technologie pour répondre à la question comment on fait les choses.

Il intervient sur 5 domaines :

  • La marque et la dimension « stratégie » de l’entreprise
  • Les outils, le digital, la techno
  • Les contenus, les produits et leur adéquation au marché
  • La commercialisation et le marketing pour être performant
  • L’organisation pour exécuter les plans

Ses références allient à la fois des acteurs publics et des acteurs privés du secteur du tourisme, des acteurs de taille (très) significative et des acteurs plus petits. Il aime accompagner les décideurs dans leur feuille de route… mais aussi dans leurs questionnements… au quotidien.

MisterTravel.news (MTN) : vous étudiez depuis plusieurs années les changements qui interviennent dans le secteur du tourisme. Vous produisez une analyse très intéressante des changements profonds tant du langage que du comportement des clients et des professionnels. Pourquoi aborder ces questions inhabituelles ?

Nicolas Baudy (NB) : La vie est tumultueuse, et 2020 est en haut du podium des années chahutées. Les conséquences sur nous et sur nos vies seront pour certaines, momentanées, et pour d’autres, durables et profondes. C’est très intéressant de comprendre ces phénomènes, pour les prendre en compte, s’y adapter, être agiles.

J’ai toujours été intéressé par comprendre l’environnement, le consommateur, les interactions entre les acteurs du secteur, … J’ai développé des outils, des solutions techniques, des méthodologies pour factualiser et objectiver les analyses et les conclusions, ce qui sécurise un peu plus les actions. Je n’ai jamais utilisé de boule de cristal pour prédire des phénomènes. En revanche, je compile de nombreuses études de différentes sources françaises et internationales. Et surtout, je m’appuie sur mes solutions digitales qui fournissent des données fantastiques de compréhension et d’aide à la décision… pour anticiper.

Fort de cela, je rédige deux fois par an (ou à la demande) un cahier de sensibilités qui scanne les phénomènes ayant un impact sur la consommation de loisirs et de voyages. L’idée est de poser les choses et d’éclairer des chemins possibles, d’identifier les adaptations nécessaires pour rester efficaces, maintenir la croissance et optimiser la création de valeur.

MTN : Dans votre dernière étude, vous évoquez la dramatisation et les instincts reptiliens des personnes. Vous pouvez nous en dire un peu plus ?

NB :  C’est une référence aux domaines de compétences du cerveau reptilien : le territoire-le pouvoir, la nourriture-la faim-la soif, le fun-la sociabilité, le sexe-la reproduction-le plaisir. La crise du COVID a accentué des phénomènes préexistants et favorise fortement l’expression des instincts reptiliens des individus. On laisse moins de place à la réflexion avant d’agir, moins de place à la réponse réfléchie.

Dans notre quotidien, on assiste ainsi à la montée de la violence, de l’autodéfense (faute d’être défendu par l’état), de la volonté de se faire justice soi-même (on défend sa famille, sa maison, …). Un des corolaires est la dimension sanitaire que chacun a plus ou moins intégré dans son quotidien : on se protège.

Dans le domaine de la nourriture, souvenez-vous, au début du confinement, les scènes d’hystérie collective dans les supermarchés. Se nourrir est devenu un enjeu : pouvoir manger, que cette nourriture soit saine, pure, sans risque, traçable… et, locale, parce que c’est politiquement correct et que ça favorise l’image personnelle.

En matière de fun et de socialisation, notons une (très) forte digitalisation du jeu… du partage, des contacts sociaux. La tendance est peut-être à la recherche d’extrêmes dans l’immédiateté… mais sans forcément se toucher, ni être en présentiel.

Pour ce qui du sexe – du plaisir, on va sans doute assister à une recherche de transgression et une recherche de sensations extrêmes… notamment grâce à la chimie… et une poussée de la spiritualité pour compenser. Il faut évidemment replacer cela dans un contexte de très forte pression sur les libertés individuelles à laquelle nous ne sommes pas habitués. Alors, certaines contraintes ont été acceptées mais on cherche à les compenser.

MTN : Quels peuvent être les effets dans le secteur du tourisme ?

NB : Certains effets concernent tous les segments et tous les acteurs du secteur, tandis que d’autres cibleront, en particulier, certains segments ou certaines niches. Donc, attention à ne pas être dans l’absolu et le manichéen.

On peut lister quelques illustrations : le digital représentait ±45% de notre secteur avant la crise. Dans le domaine du « retail », la croissance du digital sur 6 mois équivaut à la croissance observée sur ces 10 dernières années. Donc inutile de vous dire que le phénomène va s’amplifier aussi dans le secteur du voyage et qu’il est temps de transformer nos métiers en y intégrant totalement le digital… si ce n’est pas déjà fait.

On a dessiné plusieurs « persona » pour tenter d’imaginer ce que pourraient être les différents types de consommateurs de voyages et de loisirs. Ces portraits-chinois pourraient avoir des impacts sur la programmation de certains acteurs du secteur.

Par exemple, les produits offrant de l’espace, de la distance avec les autres, de la sécurité seront regardés avec attention par une frange importante de la clientèle : villas, maisons, grands espaces, etc.

Pour vous donner un autre exemple, il y aura sans doute certains consommateurs qui refuseront de voyager de peur de tomber malades, tandis que d’autres auront hâte de pouvoir revoyager comme avant. Les deux types de clientèle ne se traitent pas de la même manière.

MTN : Dans un des chapitres de votre étude et observation, vous évoquez les aspects de confiance qui s’entrechoque avec une défiance croissante ? On l’observe très bien sur les réseaux sociaux où les agence de voyages paraissent terrorisées tant par leurs clients que par l’avenir

NB : Le climat est aux incertitudes et à l’instabilité : tout peut changer d’un moment à l’autre. Disons ce qui est : on a tous horreur de ça ! Avoir le sentiment qu’on se joue de nous. Imaginer que les contraintes et les décisions sont prises en dépit du bon sens et s’avèrent incohérentes dans la durée. Subir les ordres et les contrordres… tout ceci échauffe les esprits et alimente le soupçon, la peur, toutes sortes de méfiance, de doutes, de désobéissances. On se rappelle le demi-million d’amendes mises pour non-respect du confinement, la polémique sur l’obligation du port du masque, les prises de position dans les réseaux sociaux. Bref, les anecdotes sont nombreuses… et sont parfois émaillées d’une agressivité évidente.

Pour compenser, on en est arrivé au point de valoriser fortement l’authenticité, l’humanité, l’apaisement, la sécurité (une fois de plus), mais aussi l’altruisme (sur fond d’équité et de justice), d’altérité (sur fond de respect) pour voir le Monde autrement et aussi être reconnu comme individu. Le voyage est tout de même ce qu’on a de mieux pour soigner et enrichir son âme… mais le client aura des exigences de qualité-prix, de respect des promesses formulées. A ce propos, on se rend compte que les marques établies – celles qui bénéficient d’une visibilité et d’une reconnaissance par le marché – bénéficient d’un avantage auquel les consommateurs sont très attentifs… encore plus qu’avant.

MTN : Comment offrir de l’apaisement et de la sécurité aux agents de voyages qui ont perdu pour certains au moins 80% de leur activité ?

NB : La destruction de valeur sera terrible à l’issue de cette crise qui nous a d’ores et déjà fait remonter 30 années en arrière ne serait-ce que dans le domaine des volumes aériens. On ne verra pas les niveaux d’activité qu’on a connus, avant au moins 5 ans.

MTN : Peut-on être encore positif devant le flot des mauvaises nouvelles ?

NB : Cette période de destruction s’accompagnera aussi, par ailleurs, d’une formidable création de valeur, d’opportunités majeures qui ne demanderont qu’à être exploitées. Il y aura des gagnants et des perdants. L’énorme difficulté est le facteur « temps ». Nous avons très peu de temps devant nous pour comprendre comment le marché peut évoluer, se préparer à ces changements, mettre en place les bonnes décisions pour capter la valeur et les clients. Les aides publiques sont une bulle d’oxygène qui permet de mettre sous perfusion les exploitations. Mais attention aux actifs immatériels (tels que le fond de commerce, la marque, etc.) : en absence d’opérations, ils perdent de la valeur. Le pire serait de verser dans la déflation : moins d’amplitude horaire, moins de clients, moins de ventes, moins de personnel, … jusqu’à s’atrophier et disparaître totalement.

Encourageons l’audace ! La curiosité ! Un état d’esprit tourné vers demain !

Nos solutions techniques et nos méthodologies peuvent aider à prendre les décisions. Depuis mi-avril et ce pendant toute la saison estivale, quand on analyse les tendances de recherches sur internet, on voit un intérêt prononcé s’exprimer sur :

  • Des offres campings, chambres d’hôtes, meublés de tourisme.  L’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse ont exprimé le niveau d’intérêt le plus élevé en Europe continentale.
  • Des destinations littorales, bien sûr, mais aussi des destinations montagne, privilégiées pour leur air pur, l’espace et la dimension « santé-sports-activités physiques ».

Dans le même temps, on mesurait le recul (versus 2019 à la même période) de l’intérêt pour les villes… sauf quand elles se situaient (très) au Sud, le recul de l’aérien (-60%), de l’hôtel (-40%) et des croisières (-70%).

A titre d’exemple, voici des courbes qu’on analyse régulièrement et à partir desquelles on réfléchit sur ce que cela veut dire, détecter les phénomènes qui sont derrière.

On peut évidemment les produire sur d’autres marchés (France, évidemment), sur d’autres sujets (camping, chambre d’hôtes, avion, etc), sur des destinations (Paris, Rome, Madrid, etc).

L’objectif est de les comparer, détecter des tendances, identifier des opportunités… et adapter son marketing.

Tendances de recherche HOTEL – par semaine – par marché émetteur (BE = Belgique, CH = Suisse, DE = Allemagne, ES = Espagne)

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2 Commentaires

  1. Un constat sans concession avec en fin une petite note d’optimisme…
    Conclusion : Il faudra “s’adapter”…Inventer se réinventer ….être audacieux
    Mais d’abord faudra comprendre …

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