MisterTravel va interroger régulièrement les responsables de voyagistes, de réseaux, d’agences … Il s’agit d’avoir leur avis sur une question particulière. On vous livre la réponse sans aucun filtre. Parfois, elles peuvent être longues ou courtes… cela dépendra de nos interlocuteurs !
Aujourd’hui, Nous avons choisi de poser une question à Dominique De La Tour. Il est aujourd’hui Président de l’AJT (Association des Journalistes du Tourisme). C’est aussi un journaliste qui collabore à de nombreuses publications dans le tourisme et ailleurs !
MisterTravel : La presse touristique a, dans son ensemble, relayé toutes les aides apportées par le gouvernement en faveur du secteur du tourisme. Il y a quelques oubliés comme les dirigeants non-salariés et les commerciaux indépendants. Mais, il y a aussi la presse tourisme gratuite, elle-même, dont on ne parle pas. La publicité qui fait vivre ces organisations est rare. Par voie de conséquence, nombre de journalistes indépendants et pigistes vivent des moments très difficiles. Avons-nous une idée de leurs conditions actuelles ? Que peut dire et que peut faire l’AJT pour les soutenir ?
Dominique de la Tour : La venue de la crise a dopé le lancement de ces supports de très bonne facture : « Bee Travel », « Sport et Tourisme » et bien entendu le très suivi « Mister Travel ». Initiatives hardies, pour ne pas dire épiques, qui viennent à point nommé en une période de sidération du secteur, qui se débat en ordre dispersé. L’AJT a chaque fois appuyé ces créations. Avec tous ses moyens : un soutien moral ! Que faire de plus ? Pas grand-chose, je crois – jusqu’à plus ample informé ! Mais pour être plus clair, permettez-moi un rappel historique. Née il y a 20 ans de la fusion de deux associations de journalistes du tourisme, l’AJT avait un dogme indépassable : être réservée aux seuls détenteurs de la carte de presse. Concrètement, on ne pouvait donc y adhérer qu’en tant que journaliste “en pied” dans un seul “canard”, ou en tant que journaliste à temps partiel pour plusieurs supports – les fameux pigistes ! Dans tous les cas, il fallait être salarié.
Nos métiers ont évolué. Il s’est avéré que trop de professionnels, photographes en particulier, faisaient un formidable travail de journaliste, mais en étant payés autrement qu’en salaire. Du coup, en octobre 2015, une assemblée générale extraordinaire a réexaminé nos statuts, mettant aux prises zélateurs du statu quo “carte de presse”, et partisans d’une ouverture plus large. Personnellement, je défendais une solution bâtarde : en rester à la carte de presse mais rajouter dans nos textes qu’on pouvait s’ouvrir à d’autres cas à titre exceptionnel. Un point de vue médian qui a tranché le débat : désormais, une commission d’adhésion indépendante du conseil d’administration est chargée d’appliquer la nouvelle règle. Elle regroupe trois personnes plus notre permanent – un attaché de presse. Ils ne chôment pas, car c’est un vrai casse-tête !
Quand la crise sanitaire est survenue, le problème de la survie de nos membres (couverts par le chômage partiel s’ils avaient été tous salariés) a révélé d’un coup le nombre de membres faisant exception, et la variété des modes de rémunérations, souvent panachés, d’ailleurs ! Certes, les détenteurs de cartes de presse sont restés majoritaires à l’AJT, mais le mode d’attribution de la carte a changé : plafond d’un demi Smic, entrée en ligne des droits d’auteur, tolérance ambigüe des rémunérations pour de la com, pourtant interdite à tout journaliste. Peu de nos 186 journalistes œuvrent à plein temps dans un journal. Ils sont plus souvent pigistes, mais aussi payés avec statut d’auteur, voire d’auto-entrepreneur, même si François Hollande avait interdit ce type de rémunération aux journalistes. Et puis nous avons des adhérents, et non des moindres, qui sont de petits patrons de presse, avec à leur tour presque tout l’éventail des statuts de société, mais qui ont un point commun, que vous releviez très justement : vivre d’une publicité de plus en plus rare.
L’AJT n’a aucune mission syndicale ; néanmoins, dès le début de la crise, nous avons envoyé à tous nos cotisants, journalistes et partenaires, un petit guide des formalités, inspiré du travail de titans produit par le SNJ, syndicat majoritaire dans la presse. Le guide donnait d’ailleurs quelques pistes à l’intention des TPE, donc n’oubliait pas les entrepreneurs, mais il faut être modeste : nous manquons cruellement d’expertise. A commencer par le fonctionnement des gratuits.
La question d’une plus grande implication socio-économique de l’AJT s’est posée. Elle est au menu d’un débat qui sera sans précédent, le Hackathon de l’AJT – projet hélas ajourné à deux reprises pour cause de confinement -, mais qui réunira pendant 48h, en lieu clos, le CA en vue de nouvelles orientations. En attendant, l’AJT fait ce qu’elle peut ; déjà, en essayant d’être là, de bouger, d’écouter, de secouer et d’impulser une dynamique. Les retours montrent que nous avons été plutôt bons sur ce point. Notre grand questionnaire diffusé en mai nous a aussi appris beaucoup de choses. Côté lobbying, nous avons aussi tenté des éditos visant à sensibiliser la presse et le secteur sur la situation dramatique des journalistes du tourisme – je suis moi-même pigiste ! Leur audience est ce qu’elle est. Historiquement, l’AJT s’est longtemps maintenue à l’écart des institutions. Avec la venue d’Evelyne Dreyfus, nous avons commencé à y remédier, et cette année, le Seto et l’Adonet m’ont invité à leurs manifestations à l’étranger : c’est un bon signe, mais entrer dans le champ de vision des décideurs, n’est pas forcément avoir leur oreille, loin s’en faut ! Mais nous, sommes à l’écoute de toute suggestion.
Super bonne idée. Et les retraités du tourisme ne sont pas les derniers à lire toutes ces chroniques et ses interviews passionnants