25 avril, 2024
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Un livre à ne pas manquer : L’écriture ou la vie de Jorge Semprun.

Est-il possible de communiquer l’expérience du mal radical ?

Brillant étudiant du Lycée Henri IV, lauréat du Concours Général de Philosophie, Jorge Semprun est déporté à Buchenwald en 1944. Il est libéré par les Américains en avril 1945 du camp de Buchenwald, à un jet de pierre de Weimar, la ville de Goethe. Weimar qui a vécu indifférente et complice pendant sept ans à l’ombre des cheminées des crématoires.

L’écriture ou la vie c’est le témoignage d’un homme qui a traversé la mort et qui se demande comment transmettre l’indicible à des gens du dehors qui vous posent toujours de mauvaises questions.

Pour l’Auteur, seule une œuvre d’art, l’écriture littéraire, peut rendre crédible la vérité du camp. À l’inverse de Primo Levi que l’écriture apaise, pour Semprun « Le bonheur de l’écriture, je commençais à le savoir n’effaçait jamais ce malheur de la mémoire. Bien au contraire il l’aiguisait, le ravivait, le rendait insupportable ». C’est à ce dilemme, l’écriture ou la vie, que l’auteur est confronté. Comment « fabriquer de la vie avec toute cette mort ». Comment écrire quand chaque ligne réveille en vous l’angoisse. Il faudra 15 ans, l’amour d’une femme, et le suicide de Primo Levi pour que Jorge Semprun révèle son expérience du mal radical si difficile à partager. L’écriture ou la vie est une ode à la culture, une fantastique galerie de portraits qui nous invite à de nouvelles lectures.

Jorge Semprun portait en lui le rêve d’une nouvelle société. Elle serait communiste, malgré la trahison du pacte germano-soviétique et l’énigme de l’attitude cruelle et individualiste des jeunes Russes du camp. Semprun deviendra un responsable du Parti Communiste clandestin Espagnol pendant près de dix années, avant d’en être exclu en 1964.

Un dimanche de Mars 1992, invité par la télévision allemande, Jorge Semprun revient à Weimar et à Buchenwald avec ses petits-enfants. Il y apprend que le détenu, un communiste Allemand, qui l’avait inscrit à son arrivée au camp lui avait sauvé la vie en n’inscrivant pas étudiant sur sa fiche, mais Stuckateur. (Plâtrier)

L’ouvrage de Jorge Semprun n’est pas un récit linéaire, non c’est une écriture fragmentaire, découpée en trois parties et dix épisodes. Chaque épisode ayant un motif dominant. On ne peut échapper à une telle œuvre rare, qui nourrit nos vies. Un livre d’une richesse extraordinaire, d’un revenant de la mort, hanté par le souvenir de Buchenwald, pour que personne n’oublie jamais les hommes et les femmes, partis en fumée par les cheminées des camps.

L’écriture ou la vie -Jorge Semprun – Folio 397 pages.

Jean-François Colonna

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