20 avril, 2024
spot_img

Prélude amoureux à un voyage dans le Sud Tunisien

Il n’y a pas de paradis sans purgatoire. Pour le voyageur qui part à la découverte des grandes oasis du Sud tunisien, Gabès, Gafsa, Tozeur, Nefta, le purgatoire c’est l’ennui des mornes steppes caillouteuses misérablement parsemées de touffes d’alfa, l’aspect lunaire du Chott el Jerrid avec sa croûte salée, semée de trous où se concoctent les fascinants mirages. C’est aussi la douceur trompeuse et les langueurs mortelles des dunes de sable. Des paysages que ne parviennent pas à animer les chameaux en liberté qu’on y croise, ces “vaisseaux du désert” qui seront bientôt les derniers à faire connaître à l’homme les affres du roulis et du tangage, que n’arrivent pas à humaniser les quelques bédouins que l’on rencontre qui semblent n’être là que pour rappeler au touriste frivole que l’homme sorti du néant y retourne

Un purgatoire que d’excellentes routes ou des pistes très convenables permettent de traverser en voiture par étapes de deux à trois heures, où l’on risque de souffrir d’une chaleur d’enfer, en été tout au moins, si l’on ne prend pas la précaution élémentaire de partir tôt le matin ou de rouler en fin d’après-midi.

Mais dès les premiers palmiers épars dans le désert, annonciateurs de l’oasis, comme les chiens qui courent autour annoncent le troupeau, le voyageur verra la terre promise avec les yeux du naufragé perdu en mer qui aperçoit une île.

Vision nécessaire et juste puisque Gabès est une oasis maritime enserrée entre un océan de sable et un désert d’eau et que d’ailleurs océan et désert suscitent les mêmes images : tempête, mer de sable, sable par vagues que le vent fait frissonner, onduler, avancer et soulève comme l’écume. Il passera d’un coup du règne minéral au règne végétal, des silences effrayants des espaces infinis aux bruits de la vie…

…Et tout lui sera alors donné, ces jardins que Gide a chantés “pleins de fleurs et d’abeilles où les parfums rôdaient si forts qu’ils eussent tenu lieu de mangeaille et nous grisaient autant que des liqueurs”.

Il découvrira un monde qui se suffit à lui-même et qui tire de sa pauvreté, sa richesse alors que nos pays surdéveloppés, de leur richesse font leur misère : le bois des palmiers fournit les traverses des toits, les portes des maisons, les pont-troncs qui enjambent les seguias. Comme au temps de Pline l’Ancien, toujours ” à l’ombre du palmier superbe s’élève l’olivier, sous l’olivier le figuier, puis le grenadier et la vigne, sous la vigne le blé et les légumes, et tout cela produit en une même année et tous ces produits vivent de leur ombre mutuelle”.

La fraîcheur se sent, se respire, se voit, se palpe. Elle a la délicate verdeur des palmes, la rondeur des abricots, elle serpente en chantant dans les seguias. L’eau cache et enfouit ses sources comme un trésor car, il ne faut pas croire les apparences, elle est rare et donc précieuse : Les paysans attendent quinze jours qu’elle coule pour eux. Au détour des chemins encaissés soudain la coupole blanche d’un marabout qu’on s’attend à voir éclater comme un fruit trop mur et qui ne se fendra sans doute qu’au jour du jugement dernier.

Il est bien que Gabès soit la première étape des oasis. C’est la plus riante, la plus bucolique avec ses villages berbères comme Chenini, nichés au bord de l’oued dont les sources sont rassemblées dans un bassin en forme de cœur qui date peut-être du temps des Romains et qui palpite encore quoique faiblement.

A Gafsa l’oasis est moins belle, mais il faut aller voir les piscines romaines en gros appareil dont l’ocre tire sur le rose, dominées par des palmiers qui ploient sous les grappes d’enfants qui suspendent pour se laisser tomber dans l’eau à l’étonnement des touristes qui doivent d’une obole de quelques centimes récompenser l’exploit.

Tozeur, capitale du Jérid est célèbre pour ses maisons de briques claires, cuites au soleil, agencées en savantes compositions qui donnent l’aspect des tapis à dessins géométriques, gloire de Gafsa.

Comme Gafsa a son belvédère, Nefta a sa corbeille d’où l’on voit au creux du désert qui l’enchâsse un amphithéâtre doré, comme le chaton d’une bague met en valeur une pierre précieuse, l’oasis tout entière. Des bords de la corbeille ou mieux encore, si l’on peut de la piscine du Sahara Palace on contemple quatre cent mille palmiers et l’on devine plus qu’on ne les voit les cent cinquante sources qui leur permettent de produire de succulentes dattes, les Deglat-en-nour “rayon de soleil”.

Lui qui se débat dans un monde pollué et trépidant qui le rend parfois fou, il n’y a sans doute qu’un étranger pour goûter pleinement l’exquise fraîcheur du matin, l’éveil de l’oasis, cette arche de Noé sur l’océan des âges, avec ses bruits familiers venus du fond tes temps.

Jacques Baschieri

A découvrir dans la même catégorie..

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

L'Actualité du jour