16 avril, 2024
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Brésil : notes en vrac pour les amoureux de ce grand pays

Rio, ville merveilleuse, Brasilia, capitale du futur, Manaus à la splendeur déchue donnent une image d’un Brésil à paillettes, poudre aux yeux de tours de villes hâtifs, vision minimum d’un pays quand tout au Brésil parle démesure, excès, générosité.

Bouillonnement vital, énergie libérée par une surabondante population jeune, fusion étonnante de races et de cultures, le Brésil s’est offert à moi comme un pays palpitant, une onde oscillante qui s’est adressé plus à mon cœur qu’à mon esprit.

Au commencement était un arbre : C’est le pau brasil, le bois couleur de braise aujourd’hui rare, qui a donné son nom au pays. Dès que furent fixées ses frontières, encore floues et établies ses premières institutions, on l’identifia à la terre qui l’avait nourri.

 Rio de Janeiro

Comment évoquer de façon originale le paysage où la nature et les constructions urbaines se mêlent pour former un site exceptionnel tant de fois décrit par des auteurs inégalement inspirés ? Comment résister à l’envie de s’émerveiller sans frein, à son tour du spectacle si souvent célébré de la baie dans laquelle mon avion a trouvé refuge quelques heures auparavant. Comment ne pas plonger vertigineusement dans l’azur uniforme du ciel et de l’océan ?

Le carioca se plaît à dire que si Dieu a eu besoin de six jours pour faire le monde, cinq ont été consacrés à la Baie de Rio …

Claudel, lui, s’était contenté de n’y voir qu’un amas de tout ce que Dieu avait renoncé à disposer ailleurs…Il faut pourtant croire que Dieu a eu la main heureuse car la mer et la montagne s’y sont en effet donné rendez-vous. Le béton consacre aujourd’hui leurs singulières épousailles. Ils les lient et les transpercent : mer, lagunes, montagnes ont été « travaillées » pour créer de vastes places, des parcs et des installations balnéaires, le tout relié par un écheveau de routes, tunnels et ponts.

Les sens humains ne sont pas dès l’abord habitués à embrasser tant d’espace et tant de tumulte à la fois car près de six millions d’âmes peuplent la « cidade maravilhosa ».

Toutes les agences de voyage du monde, tous les magazines illustrés ont reproduit et célébré à l’envi les fameux belvédères du Pain de Sucre, du Corcovado, du Alto-da-Boa Vista, du viaduc des Canoas et de la plus grande forêt urbaine du monde,Tijuca d’une incroyable luxuriance. Il n’en demeurait pas moins vrai que les spectacles qu’ils offraient au voyageur curieux que je suis étaient nécessaires à la compréhension de Rio.

C’est pareil pour les plages partout évoquées : Copacabana, la « petite princesse de la mer Ipanema et Leblon qui sont des havres charmants où la jeunesse s’ébroue en liberté. Cette jeunesse je l’ai retrouvée au superbe jardin botanique, au musée d’art moderne et au parc du Flamengo. Je l’ai suivie et me suis un peu perdu dans les quartiers résidentiels.

Santa Teresa un quartier bohème et délicieux ouvre au visiteur le Rio historique.

On a une idée plus complète de la ville quand on la surprend à son berceau et que l’on voit ce qu’il en demeure : les couvents de santo Antonio et Sào Bento, ruisselants d’or, bâtis avec ferveur aux XVII ème et XVIIème siècles, les dernières rues de la capitale du vice-royaume et de l’Empire, la zone nord, Sào Cristovào son beau palais et son parc proches du stade du Maracanà, temple du futebal le plus délié du monde. On peut parler à ce propos au superlatif sans choquer personne d’autant que les brésiliens eux-mêmes voient leur pays au superlatif.

En poussant au plus large l’inventaire des richesses du carioca j’ai eu un regard d’amoureux pour Paquetà petite île romantique, charmante à souhait au décor désuet, séjour préféré du roi Jean VI.

La région des « salines » centre de pêche sous-marine et autres sports nautiques, Buzios , le Saint-Tropez carioca…

De l’autre côté de la baie Niteroi offre de ses plages une vue incomparable sur Rio. J’ai aimé ma visite du MAC (musée d’art contemporain). On peut apercevoir sa forme de soucoupe volante, chef d’œuvre d’Oscar Niemeyer, quand on observe la baie de Guanabara depuis le Pain de Sucre.

Hors de Rio j’ai le souvenir de Petropolis, ville bâtie sur les montagnes qui ferment la baie de Guanabara à l’initiative du dernier souverain du pays Pedro II. Le musée impérial évoque son règne et la dynastie des derniers Bragance brésiliens entre les murs du délicieux palais d’été.

Et puis vers le sud il y a, protégée de l’océan par l’Île grande, ponctuée de rochers et d’îlots, une admirable baie qui sert d’écrin à Angra -dos -reis dont les ruines des couvents se détachent sur un fond de montagnes sombres et à deux pas j’ai découvert sa contemporaine Parati qui est restée longtemps ville morte et qui a dû sa résurrection au tourisme.

Sur les routes du sud

La nature a doté Foz de Iguaçu des plus belles cascades du monde. Encore un superlatif !

Les eaux baignées de soleil y dessinent de merveilleux jeux de lumière que l’on contemple depuis des passerelles, des belvédères et des chemins tracés sur des escarpements de basalte.

Comme par magie en pleine forêt, les eaux tombent en formant des arcs-en-ciel.

Entouré par la « Mata Atlantica », le spectacle des chutes est d’une impressionnante beauté. C’est mon cœur qui a réagi devant la beauté sauvage de ces chutes, tonnerre, déluge, tremblement de terre, spectacle premier d’une nature déchirée.

Mato Grosso et Goias

Tout près de Campo Grande dans le Mato Grosso du sud une nuit dans une fazenda moderne où se rencontrent touristes et chasseurs attirés par l’immense parc du Pantanal et d’un coup d’aile cap sur Goiania la capitale du Goias voisin. Depuis le transfert du district fédéral dans la région la ville a pris une importance inespérée.

La route qui de Goiania mène à Brasilia permet de découvrir le paysage du plateau central.

Brasilia

L’empire ébranlé par l’affaiblissement économique consécutif à l’abolition de l’esclavage devait céder sa place à la République qui prévoyait dans la nouvelle constitution de 1891 l’installation d’une capitale au centre géographique du pays.

Elle surgit à l’horizon de la savane infinie comme le ciel. D’aucuns parlent à cet instant de miracle. C’en est un : d’architecture je veux dire. Les deux faiseurs de miracle Costa et Niemeyer, ont en effet multiplié les prouesses pour cristalliser dans le béton, le marbre et la pierre, les aspirations du peuple brésilien.

Loin des inspirations fantaisistes auxquelles la création de Brasilia est parfois attribuée, la nouvelle capitale est née d’une décision historique.

Brasilia rayonne dans le monde entier comme le phare d’une civilisation et dans celle-ci le Brésil y joue un rôle de premier plan.

Brasilia s’ingéniait à charmer le nouvel arrivant que j’étais. Sur l’immense lac artificiel des pétales multicolores : C’étaient des voiliers qui frémissent dans le lointain et aussitôt revenu de ma surprise, plus loin la station routière et la belle université.

Brasilia sait rester jeune. Le caractère gravement monumental de son axe ne semble pas l’intimider. C’est que l’audace des architectes a donné naissance à une théorie de bâtiments disparates :  coupoles alternées du congrès, bloc jumelé des archives, ostensoir géant de la cathédrale et rigoureux alignements des immeubles gouvernementaux.

Il est vrai aussi qu’à tant d’officialité magistralement pétrifiée, de belles arcades apportent le correctif de la grâce, et le superbe jardin aquatique du palais Itamaraty qui abrite le ministère des relations extérieures, celui de la luxuriance de la nature.

Au pays de l’or…En route pour Belo Horizonte

Belo Horizonte, centre du district « des mines générales » est une sorte de Brasilia de la fin du 19ème siècle où les portugais sortis du siècle des lumières vinrent puiser leur or.
Sabara est à ses portes qui fut en son temps la cité de l’or avant de tomber comme tant d’autres dans un sommeil que rien ne trouble plus que le visiteur que je suis.

Ouro Prêto, la vieille capitale des mines avec ses blancs monuments qui opposent leur allégresse de rocaille à la rigueur farouche du paysage qui les sertit, paysage dramatique empreint de spiritualité. Congonhas Do Campo n’est pas loin, sans avoir la beauté magique d’Ouro Prêto, elle renferme un trésor baroque, unique exemple d’un génie dont l’inspiration fut spontanée c’est le sanctuaire du Bom Jésus, le chef d’œuvre d’Alejadinho, Mariana une ville qui s’articule autour de trois superbes places et qui doit son nom à la reine du Portugal Maria ana d’Autriche. Un autre haut-lieu de l’art colonial domine de ses 1 200 mètres d’altitude le Minas Gérais : c’est Diamantina qu’une route âpre et fantasque relie à Belo Horizonte.

Loin, très loin au nord derrière ces montagnes c’est Bahia

Un monde Atlantique une terre magique de brises de parfums dorés.

De mers éternelles, poissons légendes et sirènes.

Un paradis de peaux brunes qui dansent sous le regard des anges baroques

D’influences africaines et de divinités sacrées.

Salvador da Bahia

La « Rome Noire » a son histoire, mélange de gloire de larmes et d’amour. Des forteresses, des palais, des églises et des couvents en témoignent obstinément.

De son statut de capitale, avant que la cour ne lui préfère Rio de Janeiro, elle a gardé la majestueuse ordonnance de ses places et de ses avenues et un goût de l’opulence qui éclate chez le moindre de ses enfants.

Fraîcheurs des cloîtres tapissés d’azulejos, enchantement des façades multicolores, enjouement d’une population cordiale qui teinte d’ironie sa généreuse exubérance, Bahia est le lieu du monde où le voyageur se sent accueilli, aimé, compris. Il est chez lui prisonnier du charme vivant d’une ville admirable, à l’entrée de la baie de Tous Les Saints parsemée d’îles, baigné par la musique des rues et le chant du vent dans les palmiers.

De plage en plage, d’Amaralina à Itapoà on pourrait rejoindre Recife. Mais l’avion une fois de plus moderne tapis de contes de fées est là, pour franchir les kilomètres qui nous séparent de Recife, Olinda, Sào luis…

Recife

Centre économique du nord-est, port privilégié de toutes les terres à sucre, Recife a gardé quelque chose de l’âme de ces marins hollandais qui fondèrent il y a bien longtemps, la ville devenue la quatrième en importance au Brésil. C’est d’Olinda, plantée au sommet des collines faisant face à l’infini vert clair et bleu profond de la mer que tout est parti.

Le temps a enseveli le faîte des couvents et des chapelles dans les frondaisons palmées de cocotiers. Visite en promenant à pied bien sûr et puis je suis revenu vers Recife ses églises, ses palais. L’eau est à leurs pieds et reflète leurs frontons. Cette eau est celle de deux rivières qui vont, à quelques pas de là, l’abandonner, par-delà le fameux récif qui a donné son nom à la ville, à l’immensité de l’océan.

Boa Viagem est une plage de rêve frangée de cocotiers où j’ai dégusté comme il fallait la fraîche eau de coco et les crabes grillés.

En faisant route au nord on se rapproche de l’Équateur : par-delà la baie de Saint-Marc sur la terre face à l’île de São luis, le village typique d’Alcantara offre un voyage dans le passé du pays. Ancienne ville d’esclaves, le village est aujourd’hui peuplé en majeure partie par les descendants des travailleurs des plantations de canne à sucre. Cette ancienne cité fût la résidence secondaire favorite de l’aristocratie de l’état du Maranhào. Il en demeure les vestiges des anciens maîtres, investis par leurs anciens esclaves depuis des générations. Palais bourgeois, ruelles pavées, petites places… Une ambiance entre colonie et western, avec des ânes au milieu de chaque rue, une chaleur très présente, des carrioles, des taxis brinquebalants… Un village atypique puisqu’il compte seulement 8000 habitants, autant dire rien pour le Brésil. Pour se rendre à Alcantara, le bateau est le seul moyen. Il faut traverser la baie de Sao Marcos au départ de Sao Luis. La traversée dure environ une heure et demie, et la mer est parfois très forte à cet endroit, attention au mal de mer ! 

Le Grào Para

La forêt née dans les Guyanes a très largement débordé l’Amazone pour mieux en révéler les dernières ramifications. Nous y voilà c’est le para qu’administre Belem. La cité éclatante a gardé l’euphorie du caoutchouc qui s’est terminée avec le XXème siècle. Le théâtre de la Paix, les halles rappellent au souvenir de ses habitants ce qu’ils doivent à la belle époque, justement qualifiée ici. Les façades carrelées du quartier du port et l’admirable cathédrale, dont le parvis se trouve exactement en face de celui de la lointaine « Sé » de Lisbonne, sont au contraire résolument coloniales.

L’Amazone à contre-courant

Le voyage se poursuit par bateau d’une ligne maritime régulière qui relie Belem à Manaus la capitale de l’Amazonie située à 1300 km environ dans les terres. Celles-ci, s’il fallait croire l’écrivain, sociologue, ingénieur Euclides da Cunha, offrent encore l’aspect « du dernier jour de la genèse »

Le trajet dure quatre jours pendant lesquels j’ai pu voir tout à mon aise quelques rares villages mais surtout la forêt, démesurée, peuplée en bordure du fleuve de fauves, de mammifères aquatiques, de reptiles, de sauriens,d’oiseaux couleur de flamme et de papillons géants. Dans l’eau des poissons étranges et au pied du bateau quelques « seringueiros » travailleurs des plantations d’hévéas encore exploitées.

Dernières notes : Manaus

Le voyage s’achève ici à Manaus dont le décor a servi si souvent aux héros de films et de romans sur la jungle.

Ironiquement ce grand centre amazonien se trouve sur le Rio Negro, à quelques centaines de mètres de son confluent avec le fleuve-mer.

Port-franc Manaus continue à faire ingénument étalage des fastes du mythique âge d’or, offrant avec insistance aux regards la coupole de son théâtre dont l’ardent soleil exalte le revêtement vert et jaune. On doit visiter ce monument composite à l’extrême car s’en priver affecterait douloureusement les habitants de la cité, descendants de ces vieux millionnaires du caoutchouc qui le construisirent au cœur de la jungle, pour marquer leur soif de civilisation. Oui, j’ai trouvé ce théâtre émouvant.

Certains, aventuriers, lui préféreront le spectacle des « igarapès » canaux, bras de fleuve, dans la forêt amphibie.

C’était la fin du jour. Je suis rentré dans ma chambre climatisée et j’ai regardé la télévision retrouvant ainsi un peu de mes habitudes. J’ai bu un verre de whisky étendu d’eau de coco, la boisson locale, et relu mes notes.

De Manaus à porto-Alegre, de Bahia à Belo Horizonte, Rio de Janeiro j’ai découvert un monde multiple, formidablement contrasté. Et pourtant ce monde m’est apparu étrangement homogène. Une cohérence instinctive surgissait de ce chaos de couleurs, de races, de paysages, de milieux.

Il existe encore, je crois, inachevée et tâtonnante toute en proie à la difficulté d’être « une civilisation brésilienne » et créer une civilisation n’est pas le privilège de tous les pays neufs. Le Brésil fait bien autre chose que séduire ; il marque, atteint l’être et l’engage. Il impose un choix. On le refuse ou on l’accepte en bloc.

Bien davantage qu’un pays continent c’est devenu un mythe mais il ne faut pas s’effrayer pour autant. Le Brésil sait mieux que tout autre pays s’offrir à bras ouverts sans voile ni faux mystère.

Même si  je suis parvenu à découvrir dans le breuvage qu’il me proposait des ingrédients plus subtils, plus inquiétants que j’avais pu l’imaginer, même si j’ai vite appris à discerner, derrière la douceur de cette vie, ses extases, sa tendresse, l’ombre toujours et encore présente d’une angoisse, j’ai reconnu aussi , instinctivement, cette saveur douce-amère, cette saudade comme l’on dit là-bas, comme celle d’une nostalgie familière qui arrive de très loin à travers l’océan et les siècles : du Portugal des navigateurs conquérants à l’Afrique des esclaves déportés.

Voyager au Brésil c’est plonger aux racines de l’humain, se laisser gagner par la chaleur ambiante et sentir germer en soi un sentiment de parenté ou d’identification avec son peuple.

Notes en marge sur mon carnet de voyages

Jacques BASCHIERI dit Vinicius

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2 Commentaires

  1. Je n’ai visité que RIO / BRASILIA / S. de BAHIA / SAO PAOLO / CURITIBA / IGUAZU / BELO HORIZONTE / RECIFE;
    IL me reste le Nord mais le climat de me conviendra pas …
    Très beau pays à voir et à revoir

    • Cathy, merci de ne pas m’avoir fait remarqué que je ne parle pas de la musique . De ce fil d’Ariane musical qui me guettait dès mon arrivée à Rio, cette rengaine façon “aquarela do Brasil” ou “a garota de Ipanema” et toutes les autres musiques glanées tout au long du séjour.

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