Grégoire Labadie n’a que 22 ans, une allure d’adolescent, et déjà de très nombreuses heures de vol à son actif: 150 allers-retours en moyenne par an. Sur Air France, sinon rien ! Au point qu’il possède un sésame que même un voyageur fréquent -version commun des mortels- a peu de chances d’obtenir: le nec plus ultra des privilèges d’Air-France, la carte Ultimate.
Si vous voulez rencontrer ce garçon hors du commun, le mieux serait de prendre un vol Air France (what else?). Inutile de lui parler des autres compagnies. Mais, pourquoi cet amour inconditionnel? « Parce-que c’est l’excellence à la française, le patrimoine français, l’un des plus grands réseaux dans le monde » explique-t-il. Mais encore ?
Passionné d’aérien depuis l’enfance, il détient un brevet de pilote privé. Evidemment. Et il suit de près l’évolution de la compagnie nationale estimant « excellente » la direction en place actuellement. « Ben Smith et Anne Rigail : un bon duo qui a redoré l’image et assuré une montée en gamme, principalement premium mais aussi en classe éco et particulièrement en Europe ». «D’ailleurs» ajoute-t-il, «selon le jury Skytrack des passagers, Air France est passé du 25ème à la 7ème meilleure compagnie dans le monde». Si Grégoire le dit….
C’est bien la première fois, je l’avoue, que je rencontre un tel amoureux transi de la compagnie nationale. A ce stade de passion, j’ose à peine évoquer les nombreuses grèves qu’ont dû subir les passagers et leurs récriminations récurrentes au fil des ans. Il aurait sûrement des alibis à m’opposer.
Greg, je l’ai connu à la radio où j’égraine mes chroniques tourisme. Moi devant le micro, lui derrière la vitre technique. Ce jeune homme a plusieurs vies malgré son jeune âge et deux grandes passions : le son, donc la radio et le voyage. Technicien du son fort doué, il assure la technique tous les matins à partir de 6h et pose ses congés en fonction des voyages business ou loisirs programmés mois après mois. « Je n’ai pas besoin de beaucoup de sommeil » souligne-t-il. On l’aura compris.
Mais comment un jeune homme de 22 ans peut-il voyager autant et « exclusivement en business » s’il vous plait ?
C’est là qu’on est éblouis. Le secret, selon lui, se nourrit de deux sources : son enfance et son incroyable toupet sous ses airs d’enfant sage. Tombé dans le bain dès l’enfance avec un père directeur international d’une grande entreprise et donc en voyage permanent. L’absence est à chaque fois compensée, à son retour, par une cargaison d’histoires et autant de cadeaux exotiques pour Grégoire et ses deux sœurs.
Avec cela, le papa voyageur possédait un portefeuille de « miles » aussi bien garni qu’un étui rempli des meilleures actions boursières. De quoi offrir, chaque année à toute sa famille, trois semaines de vacances marquantes. Greg constate que le voyage est quasi génétique et héréditaire dans sa famille et qu’il n’a jamais été regardé comme pouvant intégrer un danger potentiel. Dès quatre ans on envoyait Grégoire seul, en UM (mineurs non accompagnés), de Bordeaux où il vivait vers Dijon où habitait le reste de la famille. A 17 ans, il partait seul en Nouvelle Zélande chez des amis de la famille ne parlant pas un mot de français, avec une escale d’une semaine à Singapour. Histoire d’apprendre l’anglais.
Arrive le long épisode Covid, coupant les ailes aux voyageurs les plus passionnés, Grégoire commence à travailler et à se payer son voyage en Martinique entre deux confinements, bénéficiant d’une super-promotion à 1500 € A/R en classe business. Cet oiseau migrateur avoue une fascination absolue pour les cabines Premium et First. « Quand vous serez grands, disait papa, vous pourrez peut-être vous offrir ces cabines ». Greg est devenu grand très vite à plein d’égards. C’est en se jetant à l’eau qu’on apprend à nager. Et visiblement même à voler.
Le deuxième secret découle de cette confiance donnée très tôt à des enfants entourés, mais rendus autonomes et ouverts au monde. Quand voyager –qui plus est dans des conditions luxueuses- est une passion si dévorante, il faut une sacrée imagination pour l’assumer. Et franchement Grégoire n’en manque pas. Déjà, il connait depuis longtemps toutes les astuces pour voyager au mieux avec sa compagnie du cœur et optimiser ses itinéraires afin de gagner un maximum de points pour alimenter sa carte Ultimate. Mais il y a mieux. Beaucoup mieux.
Il faut savoir que les clients porteurs de l’Ultimate sont un petit cercle de happy few bénéficiant de privilèges dus à leur rang: dans les salons lounge très privés, on vous connaît et on sait parfaitement ce que vous aimez ou pas. Priorités, bien sûr, à l’aéroport. Que vous ayez 22 ou 77 ans, on vous escorte partout pour passer en coupe-file. A ce stade, comme le constate Grégoire, passer une demi-heure d’attente avec Catherine Deneuve ou avec des PDG de très grandes entreprises, ça crée des liens et un super carnet d’adresses. La tête bien pleine, Greg a réfléchi vite et bien.
Son jeune âge étonne dans cette catégorie de voyageurs. Dans les salons privés, en attendant l’embarquement, on discute facilement entre un café-amuse-gueule du lounge et les agapes hautement gastronomiques à bord. Alors quand le jeune homme parle à certains PDG de ses réflexions argumentées pour générer de meilleurs profits grâce à une stratégie tarifaire optimisée sur les vols dont il semble connaître tous les mécanismes, on l’écoute. Pourquoi pas… Certains se disent: ça semble tenir la route son raisonnement puis testent ses conseils.
Quand l’essai se montre concluant, on le rémunère comme consultant en stratégie tarifaire. Son exigence majeure: qu’on lui prenne des billets business pour venir faire un aller-retour ou parfois passer quelques jours au siège d’une entreprise afin d’étudier les meilleurs moyens de compresser les prix pour le personnel qui voyage. Une stratégie qui, bien sûr, lui ajoute des points sur sa carte de fidélité gavée de privilèges. Il dit voyager environ à 70 % à ce titre d’activité professionnelle et le reste pour ses loisirs. Un extraterrestre qui mange des kilomètres, manifestement plus doué pour alléger les bilans de société que son propre bilan carbone…
150 AR par an s’il s’agit d’AR journée cela fait presque 1 jour sur 2.
faut-il envier ce jeune homme ?
très interessant cet article