L’Argentine devrait perdre jusqu’à 13 milliards de dollars de recettes en devises étrangères en 2025, soit plus de 1,6 % de son PIB. La raison est simple: il est désormais moins cher pour les Argentins de partir en vacances à l’étranger que dans leur propre pays, tandis que les touristes internationaux perçoivent l’Argentine comme l’une des destinations les plus chères au monde.
La principale raison de cette situation réside dans la lutte efficace du président Javier Milei contre l’inflation, conjuguée à un effet secondaire inattendu. Après avoir ramené l’inflation mensuelle de trois chiffres à un chiffre grâce à des mesures d’austérité strictes et un taux de change quasi fixe, le gouvernement a créé un peso considérablement surévalué en termes réels, une fois l’inflation prise en compte.
Les villes fantômes du tourisme argentin
Alors que les Argentins prennent l’avion et le bus pour voyager à l’étranger, les joyaux touristiques du pays se vident. El Calafate et son célèbre glacier ont enregistré une baisse de 30 % du nombre de touristes étrangers en 2024, ainsi que sept mois consécutifs de baisse du taux d’occupation des hôtels.
La saison de ski hivernale à Bariloche a connu une diminution de près de 12 % des nuitées. Les lodges de luxe près des chutes d’Iguazu et à Mendoza font état de baisses de réservations comprises entre 40 % et 60 %. Les experts qualifient la situation de catastrophique. Les hôtels licencient du personnel, les restaurants ferment en semaine et les voyagistes vendent leurs bus pour survivre.
La bombe à retardement macroéconomique
Chaque dollar dépensé par un Argentin à Rio ou à Miami est un dollar que la banque centrale ne gagne pas, et ses réserves sont déjà au plus bas. Les économistes préviennent qu’une perte de 11 à 13 milliards de dollars de recettes touristiques est tout simplement insoutenable.
À un moment donné, le peso devra être ajusté. Cela pourrait se traduire par une dévaluation progressive, avec le risque d’une nouvelle inflation, ou par un effondrement brutal qui anéantirait l’épargne. Dans tous les cas, le modèle actuel ne peut perdurer. C’est une situation paradoxale : la classe aisée argentine profite des voyages à l’étranger les moins chers depuis des décennies tandis que le tourisme intérieur s’effondre.
Une ironie cruelle
L’Argentine possède tous les atouts pour devenir une superpuissance touristique : glaciers, cascades, montagnes, vin et tango. Pourtant, sa situation économique actuelle l’empêche d’en tirer profit. Avec un peso si fort, ses citoyens désertent le pays, tandis que le reste du monde reste chez lui.
Tant que ce déséquilibre du taux de change ne sera pas résolu, la crise touristique argentine continuera de peser lourdement sur les recettes fiscales et de détruire des emplois. Elle menace de transformer l’un des plus grands trésors naturels du continent en un luxe inaccessible, même pour de nombreux étrangers.
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