23 avril, 2024
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Une flânerie dans Marrakech

Plus qu’une simple étape c’est une vaste oasis, une cité de calme et de vie, une synthèse que personne n’achèvera tant il semble évident que toujours, elle sera en train de se remodeler. Elle est encore aujourd’hui riche de son passé.

Les Almoravides

A sa création lorsque Youssef le Maure arriva du Sahara au milieu du XIème siècle, le site de la future cité devait être au pied des cimes enneigées de l’Atlas, une plaine très ouverte, aride aux cultures encore inexistantes. Bâtisseurs, les Almoravides virent grand et alignèrent des kilomètres de canalisation pour drainer l’eau des montagnes. Ils montèrent de hautes murailles pour protéger les habitants de ce qui allait devenir un jardin privilégié. Avec ces hommes venus du sud, palmeraie, palais, fontaines surgirent du désert.

La Koutoubia

Deuxième ville impériale et deuxième agglomération du Royaume, Marrakech est la plus colorée ; celle où la population la plus mêlée vit à un rythme infiniment différent de notre monde. La ville rouge est tout autant africaine qu’orientale.

Il y a la Marrakech silencieuse, que l’on ne pénètre qu’en flânant sous les oliviers, dans les jardins, à l’ombre des remparts, là où ne vont pas les groupes de touristes.

Il y a les incontournables visites : l’impressionnante Koutoubia qui domine la ville, les palais et les fontaines, les tombeaux des Saadiens au cimetière oublié pendant des siècles, redécouvert en perçant une muraille il y a à presque cent ans et Djemaa el Fna, la place centrale, touristique et authentique à, la fois mais que les grandes migrations de visiteurs ont altéré quelque peu le caractère.

Place djelmaa El Fna

Au petit matin de longues files d’ânes aux panières surchargées alimentent le marché aux légumes et aux fruits sur lequel flottent les odeurs chaudes de la menthe, des roses, des épices. En fin d’après-midi la place est un théâtre où chacun vient chercher quelque distraction : conteurs de tout et de rien, montreurs de singes, charmeurs de serpents, charlatans, acrobates, arracheurs de dents, musiciens et danseurs donnent leur représentation.

Le rythme lancinant de trois ou quatre orchestres lançant des mélopées très simples dans lesquelles reviennent trois ou quatre notes, les cris des marchands se disputant les chalands, les rires du public toujours bon enfant, tout cela, vieux comme le monde, semble ne devoir jamais s’arrêter comme l’ondulation infinie, à la fois verticale et horizontale, qui scande les mouvements des danseurs.

A deux pas dans le souk, six mille artisans sont encore à l’ouvrage. A chaque corporation sa ruelle, couverte de roseaux : savetiers, bijoutiers, dinandiers, marchands d’étoffes. Plus loin, à l’est de la ville, en bordure des remparts se propagent les odeurs nauséabondes de la tannerie. Ils sont des dizaines chaque jour, dans les quarante ateliers que compte encore l’enceinte de Dar Ddbahk el Kbira, la grande maison des tanneurs, des dizaines prêts à continuer à faire un métier qui nous semble une punition. C’est le sens que lui donne d’ailleurs la légende du Roi Soulimane qui obligea des rebelles matés de finir leur jour à tanner des peaux de taureaux pour faire des semelles de babouches.

Un très vieil artisan me guide à travers les ateliers et me montre une vaste esplanade, vide, devant un petit marabout en ruines :” Autrefois il y avait ici beaucoup de fosses, autant que celles que tu as vues. Mais demain ?quels apprentis voudront encore travailler dix heures chaque jour, suer dans le tanin et la chaux ? Quand il n’y aura plus de demandes pour ces cuirs si souples, si beaux, qu’on en oublie la peine des hommes qui la façonnent, on installera des usines. Alors plus de pierre de battage, de mortier et de pilon pour les grenades les coquelicots, les noyaux de dattes qui servent à la teinture. Alors ce sera l’âge de l’industrie.

Du sommet du petit minaret de Sidi Yaqoub, le muezzin appelle les fidèles à la dernière prière. Dans la grande maison des tanneurs on étend sur les fosses d’épaisses nattes protectrices avant d’aller flâner sur la place Djemaa el Fna.

Si les palais de Marrakech sont aujourd’hui souvent trop vastes, ce forum populaire ne l’est jamais. L’étonnement est encore ailleurs : peut-être dans le fait que, de ce rassemblement multiforme émane une sensation autre que le simple pittoresque …. Un sentiment de fierté dans la pauvreté et de sagesse dans le rêve.

Récit écrit par Jacques BASCHIERI dit « Vinicius »

Jacques est l’auteur de plusieurs livres dont :

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