6 octobre, 2024
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Spoutnik V : pourquoi le vaccin « rouge » cartonne en Amérique Latine

Le vaccin anti-Covid Spoutnik V développé par l’institut d’état Gamaleïa appartenant à la Fédération de Russie suscite désormais l’intérêt de l’UE qui fait face à des problèmes d’approvisionnement en vaccins Pfizer, Moderna et Astra Zeneca déjà approuvés par l’EMA, l’Agence européenne des médicaments.

En Amérique Latine, où les premières doses du Spoutnik V sont arrivées en janvier dernier, il est difficile de savoir si le succès commercial du vaccin est dû à la pénurie d’autres produits similaires disponibles sur le marché, au fait que -pour son transport et distribution- il ne nécessite pas d’une chaîne de froid aussi extrême que celle de ses compétiteurs, à son bas coût (environ 10 US$ pour les deux applications) ou à un choix plutôt politique auprès de certains dirigeants des pays évoluant dangereusement dans l’orbite du « nouveau socialisme » sur des modèles de gouvernance autoritaire.

Sous fond de crise sanitaire et économique, cette nouvelle guerre froide transposée au sud du monde, confronte sans merci idéologie et science à coups d’opinions tranchées et surtout d’une grande nostalgie du passé. Un legs peu glorieux, certes, vu les conséquences actuelles sur les sociétés de l’ex-bloc soviétique et de Cuba. Le fait est que, jusqu’à la semaine dernière et suite à une publication sur la revue scientifique The Lancet qui a donné un avis positif sur le vaccin russe, l’accès aux données cliniques n’était pas disponible. Nostalgie du communisme, manque habituel de transparence dans la communication, lancement trop rapide d’un vaccin avant la fin même des essais cliniques… Puis, Poutine annonçant à la télé nationale qu’il ne se l’appliquerait pas lui-même, car le Spoutnik V n’était pas efficace pour les plus de 60 ans, avant de faire marche arrière dans ses déclarations quelques jours plus tard.

À tout cela, s’ajoutaient les nouvelles sur les pays qui avaient passé les premières commandes à Moscou : la Biélorussie, une longue, affreuse dictature dans le rôle de meilleur allié de Poutine ; et l’Argentine, pays à la dérive gouverné par une classe politique inopérante et ultra-corrompue. Dans le sillon des dynasties politiques qui intronisent des délinquants au pouvoir suivirent le Venezuela et la Bolivie. Pas plus tard que la semaine dernière, dans la mise aux enchères vaccinales, le Mexique de Lopez Obrador s’est déclaré acheteur, un président dont les discours de gauche et ses promesses en termes de politique sociale contrastent beaucoup avec l’économie locale, résolument tournée vers le libéralisme et les échanges avec les États-Unis, son principal partenaire commercial. À la liste de « pays épouvantail » de l’Occident, tous acquéreurs du convoité Spoutnik, se sont greffés la Palestine, la Serbie et l’Algérie. Pas de quoi donner envie de graviter autour de cette découverte pharmaceutique, aussi miraculeuse soit-elle…jusqu’aux récentes déclarations d’Angela Merkel souhaitant l’homologation du Spoutnik V par l’EMA afin de pouvoir le produire rapidement à l’intérieur des frontières de l’UE.

Mais revenons à l’hémisphère sud. Les USA, très présents dans les années 1970 à 2000, ont levé le pied du continent vers le tournant du siècle, moment où l’on a assisté soit à l’émergence, soit à la consolidation de fronts liés à la gauche radicale un peu partout : Farc en Colombie, Zapatistes au Chiapas, Sandinistes au Nicaragua, les cocaleros d’Evo Morales en Bolivie…et enfin le chavisme vénézuélien. Cuba est depuis toujours le QG depuis lequel partent les consignes pour l’implantation panaméricaine du courant appelé le « socialisme du XXIe siècle », tandis que le Venezuela fait office de base arrière en cherchant des candidats pour rejoindre « l’axe bolivarien » (en référence à Simon Bolivar, l’un des héros indépendantistes) et rependre le Castro-chavisme, un projet politique dont les idéaux ne ressemblent en rien à ceux de la révolution cubaine, mais plutôt au populisme démagogique consolidé autour du clientélisme, de la perpétuation dans le pouvoir et du pillage des ressources de l’Etat.

Les « bons élèves » du continent comme l’Uruguay ou le Chili, deux nations stables du point de vue économique et avec une tradition démocratique consolidée, commencent-elles aussi à s’intéresser au vaccin russe qui affiche un taux d’efficacité de 91%, bien plus que les 60% d’Astra Zeneca, pourtant basé sur la même technologie. De son côté, le Brésil du cowboy Bolsonaro ne devrait pas se tourner vers la Russie, préférant avancer sur son propre vaccin en collaboration avec les chinois de Sinovac.

Alexeï Navalny

Sans doute, dans un contexte actuel de tensions géopolitiques, la réussite du vaccin russe se joue également sur un terrain diplomatique au moment même où pourraient tomber les sanctions internationales liées à l’affaire Alexeï Navalny, l’opposant de Poutine qui devrait purger une peine de prison de deux ans et demi après avoir été empoisonnée par ordre du Kremlin.

C.A.T.

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