25 avril, 2024
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Au large de Naples, baptisée par Homère “L’île de l’aurore” voici Ponza

…C’est sur cette île qu’Ulysse oublia Ithaque.

En descendant vers le sud, le long des côtes de la mer Tyrrhénienne le souvenir des temps mythiques est sans cesse plus présent on se rend de plus en plus compte que les routes s’entrecroisent avec celles des héros de l’antiquité. Le nom des îles, des montagnes qui dominent les côtes me rappellent les poèmes d’Homère et de Virgile et leurs vers reviennent à ma mémoire tandis que le bateau inscrit son sillage dans le bleu des profondeurs.

Ainsi ce voyage vers le sud est-il comme un retour à la légende. La mer toujours plus turquoise, le soleil toujours plus brillant et les flots toujours enchantés persuadent de la réalité des mythes. Les Dieux autrefois habitèrent cette mer et ils semblent ne jamais l’avoir quittée. Leur image domine l’horizon, surgit de l’Olympe des nuages, se dissimule dans les recoins d’ombre des ports. Les habitants de ces contrées sont habitués à leur voisinage et, depuis des siècles, ils en méritent la confiance.

Cela est vrai pour les les côtes de la péninsule et davantage encore pour les îles qui les bordent et que le navire rencontre, parfois à l’improviste, ces joyaux sertis dans l’immensité de la mer ou noyés dans la brume lumineuse de l’horizon. Chacune de ces îles a un nom, une histoire, une population différente même si elles se ressemblent beaucoup parce qu’elles plongent dans le même azur et parce que sur leurs flancs ont poussé buissons de genièvre et de romarin, arbres et arbustes odoriférants de la Méditerranée éternelle.

Ponza est, sans conteste, l’une des plus belles de ces îles, des plus préservées, de celles qui ont le mieux conservé l’authenticité de leur caractère. C’est la plus grande île d’un archipel qui n’est qu’à environ trois heures de navigation de Formia, le port le plus proche de la côte de la Campanie. Parmi d’autres récifs d’origine volcanique, les autres îles ont pour nom Zenone et Palmarola .

La géologie nous enseigne ce que Ponza doit à ses origines : la variété de ses rochers et la richesse de leurs coloris. Même l’expert reste stupéfait de la richesse de ces teintes, surtout celles de certaines de ses parois immaculées ou très sombres ou encore bigarrées de toutes les couleurs de la nature, rouge, jaune, vert et même le bleu qui n’a rien à envier, en pureté, à celui du ciel ou de la mer.

D’autres îles volcaniques, les Éoliennes par exemple, se distinguent par leur forme quasi circulaire et leur profil compact, presque conique alors que Ponza s’allonge en une espèce de longue crête continuellement creusée par l’assaut des vagues. C’est comme une longue ligne sinueuse offrant une variété de parois à pic et de rives accueillantes très voisines souvent les unes des autres. On croirait avoir sur à peine un kilomètre l’échantillonnage de ce qui fait une île parfaitement belle et que l’on peut apprécier à peine débarqué mais qui change à l’infini à mesure que l’on marche le long des plages ou que l’on escalade les pentes des collines.

Certains affirment que Ponza n’est autre que la mythique Île de l’aurore, l’Eea d’Homère. Si l’on observe sa forme et son exposition c’est bien possible après tout. A l’aube elle est offerte au Levant, de plus il y a pour justifier cette hypothèse, une indication plus valable encore, celle que constituent les circonstances à la suite desquelles Homère lui donna le nom d’Eea : Il la place en effet, sur la route d’Ulysse à son retour du royaume d’Averno. Pendant cette phase de l’Odyssée, Ulysse fut jeté par la tempête sur le rivage de l’île. C’était le royaume de Circé, la magicienne qui retint le héros auprès d’elle par son art de l’amour et qui finalement le laissa partir après lui avoir rendu ses compagnons qu’elle avait auparavant changés en porcs et après lui avoir donné les précieux conseils qui lui auraient permis d’affronter avec succès l’épreuve du passage au large de l’île des Sirènes.

Certainement connue des Grecs et habitée quelques temps par eux, habitée même dès l’ère préhistorique comme les autres îles de la mer Thyrrhénienne, Ponza fut très florissante sous les Romains. Aujourd’hui encore on peut y voir çà et là des vestiges de constructions romaines. Ce qui m’a le plus frappé ce sont les grottes que les Romains avaient équipées pour l’élevage des murènes. Une légende moyenâgeuse veut que Ponce-Pilate le célèbre gouverneur de Judée ait été aussi gouverneur de Ponza. On a donné son nom à une grotte dont la visite est des plus intéressantes. L’ensemble se présente comme une grande piscine reliée à d’autres bassins par un système de galeries souterraines qui aboutissent finalement à une grande villa.

Carlo Piscane

L’île a été le siège d’un pénitencier où étaient envoyés les exilés politiques. Elle connut un moment historique lorsque le 27 juin 1857 y débarqua Carlo Piscane qui à la tête d’un groupe de volontaires avait décidé de rejoindre Capri pour y déclencher un mouvement de révolte, lequel aurait dû conduire avant même l’expédition de Garibaldi, à la libération de l’Italie Méridionale. Or c’est de Ponza que partit, une nuit sur un bateau de pêche, un traître qui est allé avertir les autorités fidèles aux Bourbons de son imminent débarquement.

Piscane et les meilleurs patriotes qui le suivaient, moururent, on le sait misérablement, massacrés par les gardes des Bourbons et par les paysans qui les avaient pris pour des bandits.

Aujourd’hui, sur les pentes tranquilles de ses collines, au milieu des vignes qui dominent le bleu de la Méditerranée, sur ses écueils et dans ses grottes, Ponza porte les traces de toutes ces histoires. Le tourisme, même s’il s’est quelque peu développé, n’a heureusement pas bouleversé, comme c’est trop souvent le cas ailleurs, le caractère original de cette terre. Et même les carrières de Pozzolana, si désastreuses soient-elles, qui blessent sa partie septentrionale près du village de La Forma, ne réussissent pas à enlaidir le paysage qui, dans le reste du pays, reste rigoureusement intact.

C’est un souvenir inoubliable de prendre au petit jour le bateau postal en partance pour Formia. C’est alors comme si toute la population de l’île s’entassait sur le navire. Le voyage passe très vite, trop vite parmi les passagers pleins d’animation qui ne savent pas contenir un seul moment leur spirituelle gaieté. Une gaieté qui semble devenir peu à peu contagieuse aidée par les reflets des rayons du soleil sur “l’île de l’aurore” et grâce à l’azur de la mer dont jamais l’on ne se rassasie.

Jacques Baschieri dit Vinicius

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