24 avril, 2024
spot_img

S’il vous plaît, libérez-nous d’Ibiza !

C’est le printemps, les beaux jours qui arrivent. Mais c’est aussi l’été qui approche et la névrose des réservations qui revient sur le devant de la scène. Après une année très, très difficile pour notre secteur, on veut donc lancer un appel aux agents de voyages :  s’il vous plaît, libérez-nous d’Ibiza. Et de tous ces lieux touristiques qui offrent une euphorie artificielle à bon marché. Tous ces lieux à la mode pour les jeunes et pas seulement. Tous ces lieux où la promiscuité contribue à faire exploser les chiffres de la contagion.

Arrêtons de faire semblant de ne pas le savoir : des hordes de filles et de garçons migrent l’été vers ces non-lieux qui promettent discothèques, clubs, alcool, drogues, sexe et émotions, un cocktail explosif d’aliénation concentrée. Et avec eux, des troupeaux d’adultes dans la trentaine, la quarantaine et au-delà, d’éternels adolescents dans des corps d’adultes. Pour l’amour du ciel, rien (ou presque, si l’on exclut le trafic de drogue ou le tourisme sexuel) d’illégal ou d’illicite, après tout, chacun s’aliène comme il veut ; il y a ceux qui le font avec Instagram, d’autres avec le travail, ou encore avec la recherche exaspérée de la beauté artificielle qui enrichit les chirurgiens plastiques. Toutefois, beaucoup continuent de se déchaîner en partant à l’étranger à la recherche de la vie nocturne locale et des tournées sordides dans les bars du coin.

Mais toute cette recherche exaspérée d’excès d’émotions, de dépassement des limites du plaisir, ne nous interroge-t-elle vraiment pas ? Ce phénomène lié à la désinhibition atteint son pic annuel lors des rituels de vacances dans les usines méga-touristiques sur lesquelles on peut juger avec des catégories morales et les condamner. Ou encore avec des catégories liées à la santé, car l’usage d’alcool et de substances à un âge précoce expose les cerveaux des adolescents à des nombreux risques.

Je voudrais parler de ce phénomène à la lumière d’une radicalisation de notre société entre deux pulsions psychosociales opposées : l’alexithymie et la recherche de sensations. Je m’explique. D’une part, dans nos sociétés basées sur la productivité et l’efficacité, il faut être déterminé, habile, imperturbable et implacable et, pour ce faire, il faut supprimer les émotions (alexithymie : incapacité à reconnaître et à verbaliser les émotions ; du grec lexis: parole et thymos: émotion). D’autre part, ces jeunes et adultes se transforment en sujets ultra émotionnels lors d’un concert de rock, ou dans une discothèque à la recherche d’une euphorie folle avec du speed et des rapports d’une nuit. Un sentiment de vide émotionnel qui doit être comblé par la quête d’émotions enivrantes.

Nous sommes tous traversés par deux forces dissociées et opposées : l’efficacité imposée par l’alexithymie et l’insouciance qui procure la recherche d’émotions fortes. Tous efficaces du lundi au vendredi, puis amateurs de l’extrême le samedi soir et quand nous partons en vacances. La différence réside dans la quête de l’adrénaline : on peut parfaitement songer à un séjour exotique en juillet-août attachés à un élastique pour nous jeter dans le vide lors d’une séance de bungee-jumping plutôt qu’à des tournées arrosées avec les potes d’un soir. Heureusement, il y a encore de la place pour la modération, l’équilibre et le plaisir sans forcément nuire ni à notre santé, ni à notre environnement. Ou pas ?

C.A.T.

A découvrir dans la même catégorie..

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

L'Actualité du jour