29 mars, 2024
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Une destination, une chanson : Les garçons de mon quartier de Juliette

Il semble évident que Juliette Noureddine avait en tête soit La vierge des tueurs, le film de Barbet Schroeder sorti en 2000, soit le roman homonyme de l’écrivain colombien Fernando Vallejo à partir duquel le film s’est inspiré, quand elle composa son morceau en hommage aux mauvais garçons.

Les scènes de rue de ce film franco-allemand tourné à Medellin n’ont rien d’une caricature de la violence urbaine, mais un portrait hélas très réel d’un très jeune tueur à gages, presque naïf, qui n’est autre qu’un sicaire -du latin sicarfus-, un substantif dérivé de sica, couteau. À l’origine, ce nom qui autrefois servait à nommer les pillards des villes de l’Empire romain qui « gagnaient leur vie » à pointe de couteau, est passé dans la Colombie de la fin du XXe siècle à désigner membres et associés des gangs du trafic de drogues, qui manient avec plus de dextérité la mitraillette que le poignard.

Tant le film de Schroeder que la chanson de 2005 de Juliette jouée au piano au rythme de la cumbia colombienne paraissent aujourd’hui des portraits édulcorés du crime organisé, de la fureur des cartels et des mafias. Un pâle reflet de la réalité. Entre temps, il y a eu les séries de fiction Gomorra, Suburra ou Narcos sur Netflix, et le regain de violence réelle à travers le monde sans aucun doute lié à l’augmentation du pouvoir et des activités des groupes criminels engagés dans le trafic de drogue et d’autres activités illicites, allant de l’extorsion et des enlèvements à la contrebande et à l’industrie de la contrefaçon, en passant par la traite des êtres humains.

L’ange exterminateur au visage d’enfant du film de Schroeder, prénommé Alexis, répond aux considérations de l’auteur du roman à propos des noms des personnages : “c’est la seule chose que les pauvres peuvent donner à leurs enfants pour commencer une vie misérable », dit Vallejo, « un prénom aux accents étrangers, vaguement exotique ou inventé, vain, ridicule et flashy “. Et si l’on considère le prénom comme élément central dans la constitution de l’identité, Juliette, à son tour, choisit Nelson et Brian pour la version musicale à la française : « des prénoms d’acteurs américains, (comme) s’il suffisait d’un nom, pour changer de destin ».

La sociologie ou l’écologie urbaine et la géographie culturelle étudient les stratégies d’une survie possible au sein d’un environnement donné, -en l’occurrence le quartier-, que l’on peut définir comme une subdivision d’une ville, ayant sa propre identité et dont les habitants ont un sentiment d’appartenance, dont le début aurait pu être le produit d’un développement historique, d’un développement immobilier ou d’une décision administrative-politique-juridictionnelle. Le sujet n’est pas nouveau et le problème social reste entier concernant la violence dans les banlieues, qualifiés de « sensibles » ou carrément de « ghettos ».

Dans son texte, Juliette n’a fait que rapprocher de manière poétique l’univers du quartier à la française de celui du « barrio » en Amérique Latine et même aux USA ; un débat sur l’échec des effets d’intégration dans les zones reléguées des grandes villes. Ni plus, ni moins que la dimension territoriale de la pauvreté contemporaine, la concentration spatiale des pauvres et des immigrés comme cause majeure de leur exclusion sociale.

C.A.T.

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