25 avril, 2024
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Rétro … à la locanda de Torcello

On débarquait, on se croyait au bout du monde…

… Le soleil y était chaud ou tiède, il faisait bon boire dans le jardin qui était resté sauvage et ressemblait à celui des pêcheurs.

Écrivains, musiciens, peintres, acteurs y venaient s’y cacher, s’y détendre…

…Mais c’est la figure d’Hemingway qui, la première hantait.

L’air sent la rose chaude et l’herbe sèche, la douce odeur de la mer, des rives humides et tendres parmi les roseaux.

L’île repose sur la lagune, ceinte de silence et de rires des mouettes, blonde, rose dans la lumière, avec en son cœur, plus rose encore, l’église romane aux minces colonnes, aux arcades basses, qui contient ses mosaïques d’or comme on retient le feu.

Torcello tranquille où l’on fait un pacte avec le bonheur, avec la paix du cœur. Oasis au large de Venise la rouge, la flambante, la belle en labyrinthe.

C’est de Venise que l’on vient à Torcello, en bateau…Le Harry’s bar avait son embarcadère, non loin de la place Saint-Marc : “Harry’s” qui appartenait au signor Cipriani dont Hemingway disait qu’il était très intelligent et qu’un jour il posséderait tout Venise. L’Hôtel Cipriani à la pointe de la Giudecca, dépêchait ses motoscaphes vers Torcello.

Via Murano et Burano la proue déchire le sommeil des eaux. On passe le cimetière marin, ses marbres blancs, ses cyprès, Murano et Burano où les vieilles femmes font des dentelles incroyables et où les « bambini » piaillent comme des oiseaux ivres. Filets de pêcheurs, bateaux peints, voiles étoilées…L’eau est pâle, turquoise, presque grise et se froisse.

De Torcello on ne voit tout d’abord que le haut campanile carré, rose comme un cœur de pivoine, son mince toit de tuile, ses fenêtres perchées. Puis on voit des grenadiers, de petits orangers, géraniums, pétunias et roses à profusion. La simplicité très belle du non apprêté…Belle aussi était l’apparence de cet hôtel qui ressemblait à un vieux couvent. Il n’y avait que six chambres délicieusement confortables, une salle à manger rustique qui fleurait le bois, mais on mangeait la plupart du temps dehors en regardant le doux paysage. On avait vite l’impression d’être chez soi. ” rentrons à la maison” disait le colonel dans le si beau roman d’Hemingway « au-delà du fleuve et sous les arbres ». C’est la maison aux murs frais.

Le signor Cipriani raconte :

Ernest Hemingway mangeait et buvait avec goût, avec bonheur. Il buvait des “Montgomery” (quinze mesures de gin et une de martini- quinze contre un !). Ainsi Montgomery gagnait-il les batailles…Il buvait aussi beaucoup de vodka, aimait le caviar, mais dégustait joyeusement des vins “modestes” comme le valpolicella et pendant le repas il picorait des noix pour goûter mieux le vin … Et le « capri bianco » avec le poisson grillé, bien sec et bien glacé. Et enfin Il aimait la dure et âpre grappa…il disait que les vénitiens sous leurs dehors si doux sont durs, et durs sont les gens de Torcello qui ont sereinement vaincu leurs difficultés. Les gens ne vieillissent pas ici, mais ils mûrissent très vite.

A Torcello c’est là que se réfugièrent les gens qui avaient été chassés par les « Wisigoths ».Ce sont eux qui ont bâti cette église avec la tour carrée pour honorer et adorer leur Seigneur. Quand ils eurent fini de la bâtir, l’embouchure de la Sile s’envasa et toute la campagne se trouva inondée. Les moustiques s’y installèrent et apportèrent la malaria. Les gens mouraient les uns après les autres. Les anciens tinrent conseil et décidèrent de déménager vers un endroit plus sain et où les Wisigoths, les lombards et autres bandits ne pourraient les attaquer. Ils chargèrent les pierres de leur maison sur des barges et ils fondèrent Venise.

De ces temps anciens il ne reste que l’église Sainte Maria Assomption fondée au VIIème siècle, une merveille avec ses mosaïques fabuleuses. La Vierge domine, belle comme les aurores sur la mer. Des bleus, des pourpres sombres, des ors brûlés, des visages aux yeux immenses.

La lumière mouillée, tendre, subtile est un enchantement sur cette île pour les peintres mais aussi pour le visiteur qui ressent ce pincement au cœur, cette joie de désirer toujours de que l’on possède, à chaque instant le goûtant et l’aimant.

Jacques BASCHIERI dit “Vinicius”

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