26 avril, 2024
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Tourisme : on a tellement besoin des commerciaux

GENS QUI RIENT ET GENS QUI PLEURENT

Pendant plus de 20 ans, j’ai dirigé une équipe commerciale. J’avais une équipe qui tous les jours m’apportait la preuve tangible que la clé du succès d’une entreprise, c’est avant tout une présence efficace auprès de ses clients.

Poor lonesome cowboy !

Ils en avaient de la ressource et de l’énergie pour sillonner la France, pour tous les jours avoir la foi d’aller convaincre des agences qui bien souvent n’étaient pas disponibles ou attachées à un concurrent. Ils méritent de la considération, pour ceux qui ne voient là qu’un métier de relation publique. Le paradoxe, c’est qu’ils font un métier éminemment solitaire. Ils sont seuls souvent en région, loin du centre névralgique décisionnel de l’entreprise qu’ils représentent, ils sont seuls à faire des kilomètres vertigineux, seuls à dîner dans leur chambre d’hôtel, ils doivent être habiles quand le forfait de déplacement est réduit au minimum… Pas question de dresser un portrait à la Zola, mais remettons en mémoire la réalité telle qu’elle est ! Enfin leur métier a depuis bien longtemps changé, ils ne sont plus de simples prescripteurs, ils font de la veille concurrentielle, ils assistent et remplissent des engagements et surtout ils sont l’un des maillons majeurs quand il s’agit d’atteindre des objectifs.

Il est si facile de réduire leur action à celle que l’on confierait au simple fou du roi. Certains pensent encore qu’ils sont là pour amuser (ou séduire) l’agent de voyages, animer sans rechigner des éductours jusqu’au bout de la nuit et être présents à des salons loin de chez eux plusieurs week-ends par an.

Ils incarnent la culture du résultat.

Tous, partent en début d’année, avec dans leur besace des objectifs calés sur un même discours : « toujours plus, souvent sans plus de moyens » et cela demande de la pugnacité.

Tous doivent batailler pour faire entendre leurs arguments dans un contexte où l’affect prend souvent le lead sur le factuel et dans un marché ultra-concurrentiel.

Alors oui n’en déplaisent à ceux qui pensent que leur fonction est compromise, les résultats d’une entreprise sont en grande partie le fruit de leur engagement.

Où sont les passés les commerciaux ?

Aujourd’hui où sont ces collaborateurs itinérants, condamnés à rester à domicile ? Comme beaucoup, ils sont en chômage partiel (étrange vocable quand on sait qu’il est plutôt total) et il y a tout un pan de commerciaux, de représentants d’hôtels ou de destinations, qui ont des statuts d’indépendants et qui eux traversent aussi et plus que quiconque une crise sans précédent.

Quand les contrats ne sont pas purement et simplement coupés, quand leur rémunération n’est pas diminuée de 50 %, ils doivent répondre aux exigences de leurs clients du bout du monde. Visiter des agences, organiser des réunions zooms, continuer le contracting, animer sans cesse là où la plupart du temps les portes sont closes.

Ils vivent aujourd’hui sur le fonds de solidarité, dont nous connaissons l’irrégularité des versements, certains essayent de mutualiser leurs rendez-vous avec d’autres, qui comme eux peinent à être reçus.

Gens qui rient et gens qui pleurent.

Hier deux d’entre eux étaient dans mon bureau, je connais trop leur métier pour ignorer leur démarche, je pense que nous avons toujours à apprendre sur un produit, une actualité, une anecdote qui nous aurait échappée…Et puis tous gardent finalement un humour singulier et souvent caustique pour raconter leur quotidien, d’oubliés du système.

Nous avons ri de leur agilité à remplir un planning quand déjà en temps normal, il était sage de ne pas aller en agence les lundis et mercredis, faute d’effectifs, mais là, il faut trouver l’angle de tir entre 14h et 16h30, le mardi, mais pas le jeudi, le vendredi le matin et le lundi plutôt pas…Un logiciel d’intelligence artificielle serait le bienvenu pour organiser un tel agenda.

Tous sont devenus, des commerciaux en zone désertique, le mot d’ordre ne pas boire, pour ne pas avoir envie d’aller aux toilettes. Cette question hautement importante est un sujet non- négligeable quand il n’y a ni cafés, ni restaurants ouverts pour satisfaire des besoins simplement essentiels. Ils sont imbattables sur les meilleurs abris de bus, ou jardins capables de les accueillir le temps d’un festin/sandwich pour faire une drôle de pause dans une journée qui peine à remplir des objectifs pourtant imposés.

Nous avons ri des contrôles de Police surréalistes où il faut justifier que l’attestation de déplacement est faite pour eux-mêmes, dirigeants d’entreprise qui travaillent pour le compte d’autres.

Nous avons pleuré de ceux qui pourtant talentueux, ont perdu leur emploi comme cela sans préavis ni ménagement. Eux comme nous, sont lassés des réunions zooms qui tournent en boucle pour parler d’un marché atone, eux sont les premiers témoins de leur incapacité à faire bouger les lignes alors qu’ils ont tant à prouver à ceux qui leur accordent encore quelques fees pour vivre.

Welcome (back) !

Je salue leur endurance, je salue leur ténacité, je respecte infiniment ce travail qui est la première vitrine d’une entreprise et je voulais remercier ces hommes et ces femmes qui tentent d’avancer sans jamais faiblir (du moins en apparence).

Je vous souhaite, bonne route !

Le tourisme sans vous, ne serait pas ce qui le rend encore humain et convivial et l’après crise remettra le commercial au cœur de toutes les stratégies gagnantes, j’en suis certaine !

J’ai l’intime conviction que vous serez nombreux à vous reconnaitre, je ne vous ai pas cité par souci de confidentialité, mais soyez certain(e)s que ma porte restera toujours ouverte pour vous.

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4 Commentaires

  1. Nathalie,
    Merci pour cette rubrique, je connais tellement ce métier, que bien sur je connais ces anecdotes par cœur. Tu aurais pu aussi rajouter les dimanches en Salon, les bouchons, les excès de 82 au lieu de 80 km/h (ou 92 pour 90 pour les plus anciens, les soirées workshops (pas toujours récupérées) les agences qui imposent des demandes de RDV mais pas dispo le moment venu etc….

    Je fais aussi le constat qu’il manquera du monde a la reprise. Des habitudes différentes se prennent et on ne sait pas a quoi ressemblera le visage du tourisme. Mais j’espère aussi, que Voyagistes et Agences de voyages, vont s’apercevoir que ce lien entre les deux est très important.

    Amicalement

    Amicalement

  2. Très interessant article…J’ai un peu fait ça aussi , en fin de carrière..
    J’ai remarqué que lorsqu’une entreprise ne va pas bien on appelle des comptables pour gérer la crise et on vire les “commerciaux” Alors qu’il faut faire le contraire : garder les commerciaux pour trouver des affaires et ensuite embaucher les comptables pour ” cadrer” les commerciaux …

  3. Bel article qui résume assez bien une profession enviée, raillée mais souvent assez méconnue…
    Avec + de 20 années de commercial derrière moi en BtB, BtC, dans le secteur du tourisme en grande majorité mais pas seulement…je reconnais que notre job n’est pas des + faciles mais il est si …amazing ! ????

    Commercial sur le terrain un jour…commercial dans l’âme, toujours !

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