29 mars, 2024
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La sélection du mercredi : L’immeuble Yacoubian d’Alaa Al Aswan

 On peut se demander comment ce livre a pu passer au travers des mailles du filet de la censure. Tous les grands éditeurs égyptiens avaient refusé le manuscrit. Seule une petite maison d’édition l’a accepté. Le succès fut immédiat à l’étranger. Trop tard pour les autorités égyptiennes.

Construit au centre du Caire en 1934, par un architecte Arménien, L’immeuble Yacoubian est le vestige d’une époque où l’Egypte ressemblait à L’Europe. C’est là que Zaki Bey, vieil aristocrate déchu, abrite ses amours, sa passion pour les femmes, pour toutes les femmes. La première révolution de 1954 et l’effondrement brutal de l’Egypte coloniale marque le début de bouleversements qui conduiront Nasser au pouvoir, puis dans les années 1970 Anouar el Sadate.

 La corruption et l’accaparement des richesses par les hommes de pouvoir jettent tout un peuple dans la misère, et entrainent vers la dérive islamiste une jeunesse révoltée par temps d’injustice.  Alaa El Aswany excelle dans la création de personnages symboliques des maux qui rongent l’Egypte et qui vont se croiser dans l’immeuble Yacoubian. Taha, le fils du concierge, refusé au concours de police à cause de sa condition sociale qui ne voit d’autre issue que l’islamisme. Azzam millionnaire qui a fait fortune dans la drogue, trouvera plus salaud, plus corrompu que lui et jusqu’au niveau suprême de l’état quand il voudra entrer en politique.

 L’Egypte, les pays arabes, ont un problème majeur avec la sexualité. El Aswany dépeint le quotidien des femmes face au harcèlement sexuel des hommes, pour travailler il faut s’arranger avec les patrons. Avec Hatem, le journaliste, l’auteur nous plonge dans les affres de l’homosexualité qui conduit à la prison. Affairisme, bigoterie, lubricité telle est l’Egypte que nous propose à voir l’Auteur.

El Aswany aime ses personnages, il ne juge pas, au lecteur de prendre parti.

L’auteur présente avec humanité la vie des égyptiens qui se débattent dans un cloaque sans issue. Malheur aux pauvres. Malheur à ceux qui prônent la démocratie : L’Islam et la démocratie sont deux contraires. La démocratie signifie que les gens se gouvernent eux-mêmes et pour eux-mêmes et l’Islam ne reconnait que le gouvernement de Dieu.

Alaa El Aswany délivre, un immense roman naturaliste qui parle de ce que nous sommes, des hommes.  Un enchevêtrement de petites vies aux désirs étouffés par une société dominée par les tabous et les interdits.

Jean-François Colonna        Mai 2021

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