28 mars, 2024
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Et tout n’est que marketing et poursuite du vent …

Cela s’est fait lentement, au fil des jours, des mois, de quelques années. Nous avons dérivé. Nous ne distinguons plus les frontières. Tout est devenu marketing… et poursuite du vent.

Nos métiers de journalistes d’une part et d’attachés de presse d’autre part semblaient bien définis. Ce n’est plus le cas. L’occasion de se demander où nous nous situons les un(e)s et les autres.

Journalistes ?

La grandeur du métier tenait dans les termes de la charte dite des droits et devoirs des journalistes, Concernant nos devoirs, les deux premiers articles sur les dix de la charte de Munich (le reste, pour qui s’y intéresse sur http://www.snj.fr)  « Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la rédaction et le commentaire des événements, sont :

1) respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître ;

2) défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique 

Rien de plus vrai que la formule de Caron de Beaumarchais, « sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur ». Donc savoir que vos destinations sont systématiquement décrites comme idylliques, vos croisières sans défaut, vos hébergements paradisiaques ne trompe pas grand monde. Quelques belles photos suffisent et les Influenceurs font très bien le reste. Ces lobbyistes individuels ont pris le relais et nous sommes face à une multitude de catalogues de vacances. On ou off line.

Ce qu’on demande aux journalistes, c’est d’être des « influenceurs de presse » ce que nous pourrions être d’une façon extrêmement pertinente si nos écrits ne finissaient pas, de plus en plus par être systématiquement consensuels. Heureusement quelques-uns résistent. Certes va-t-on rétorquer, ce sont les destinations, les hébergeurs, les restaurateurs ou autres qui nous invitent donc il nous faut savoir d’avance que tout ce que nous allons voir, goûter, ressentir, va être positivé.

N’est-ce pas dérangeant à la longue ?  Car même si nous n’œuvrons pas dans les rubriques politiques ou sociales, nous sommes tous des petits rouages de la liberté d’expression. En accepter les entraves, c’est accepter que la censure même douce ou l’auto-censure deviennent progressivement une réalité. Etre journaliste ce n’est pas être un touriste lambda mais vouloir aussi soulever parfois, au moins un peu, le voile de ce qu’on ne veut pas que nous voyions. Un journaliste-de-tourisme est avant tout un journaliste tout court.

Attachés de presse ?

Selon la définition du SYNAP (Syndicat national des attachés de presse) « l’attaché de presse / conseil en relations médias définit, met en œuvre et assure le suivi opérationnel des stratégies et des actions relations presse et médias. Il gère les relations d’une entité (entreprise, institution, collectivité ou personne) avec les journalistes et les médias.

Il crée, renforce et maintient la confiance entre l’entité et ce public spécifique afin de participer à sa réputation. Il informe les médias (presse écrite, radio, audiovisuelle, internet) sur l’activité de l’entité ou de la personne, à l’exclusion de toute propagande et de tout lien financier et commercial avec celle-ci ».

Alors, est-il temps de débaptiser nos métiers ? Un journaliste, en tout cas dans le secteur qui nous occupe n’est-il qu’un communicant parmi d’autres et plutôt sous forme de guest star ? Un attaché de presse n’est-il plus qu’un influenceur parmi d’autres et plutôt en retrait sur la grande scène du marketing d’influence ?

Parce que voilà : depuis quelques années ce sont de très grosses agences « block-busters » de communication (le terme agences de presse semble inapproprié) qui mènent la danse côté relations presse. J’ai vraiment des doutes sur les miracles que certaines destinations croient pouvoir obtenir, à très grands frais, en doublant le travail de fond de l’attaché de presse en interne avec celui d’une agence externe, foisonnante de budgets. Il n’est pas rare d’y tomber sur des débutants ne connaissant rien à la destination et encore moins au parcours du journaliste souhaitant faire un reportage ou à la ligne de son journal.

Tout ce que demandent aux journalistes certaines grandes agences de stratégie, c’est de devenir des « prescripteurs ». Il faut être « bankable » aussi bien côté journalistes (et pour être plus précis par rapport à la marque du journal, même à moindre tirage) qu’attaché de presse. Ils sont tellement transparents ces remerciements en ligne d’articles parus…dans un tout petit nombre de titres prisés.

Tellement lisibles parfois ces lignes laudatives sans nuances de journalistes reçus en grande pompe fut-ce dans un pays à régime, disons… autoritaire ? . Nous nous aveuglons beaucoup. Trop sans doute. Et nous sommes tous victimes de ces stratégies d’influence que la civilisation 2.0 a mise au pinacle. Il n’est pas question de reprocher à quelque entreprise que ce soit de rémunérer tout intermédiaire susceptible de booster sa visibilité et surtout ses ventes. Mais dans la mesure où tout semble désormais se valoir,  il est question de se rappeler –et merci au Figaro de développer ces temps-ci une campagne de communication sur cette thématique- que sans la liberté de blâmer il y aura moins que jamais d’éloges flatteurs.

Nous avons contribué à faire naître et croître les avis critiques (critique positive ou négative) des TripAdvisor et consorts avec toutes les réserves qu’on peut émettre à leur égard. Tout devenant marketing et poursuite du vent…

Evelyne Dreyfus

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2 Commentaires

  1. Bravo ! Voici une vérité bonne a lire. Les influenceurs sont également des «invités » des agences réceptives qui, puisqu’ils voyagent gratuitement, ne diront jamais de mal du pays ou du DMC! À même titre que les journalistes ou les attachés de presse…. Mais voila qu’ils demandent même des commissions pour recommander nos pays et services ! Restons objectifs le paradis sur terre n’existe pas mais certains pays s’en rapprochent, suivant la conception que l’on a du paradis. ????
    Merci pour votre honnêteté de journaliste.

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