25 avril, 2024
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Un pays sous les projecteurs : le Chili

Le premier tour des élections présidentielles au Chili a eu lieu le dimanche 21 novembre dernier et c’est la première fois depuis le retour à la démocratie en 1990 que les partis traditionnels ne seront pas dans la course au second tour le 19 décembre. Une fois n’est pas coutume : la polarisation de la société chilienne a conduit à l’élection des deux candidats situés à l’extrême gauche et à l’extrême droite. La surprise a été donnée par Franco Parisi, le candidat libéral résidant aux États-Unis, qui n’a pas mis les pieds au Chili pendant la campagne et reste malgré tout à la troisième place. Ainsi va la démocratie de nos jours…

Dans un continent où les crises économiques sont constantes et les populismes de gauche et de droite dominent la scène politique, le Chili est l’une des rares nations à maintenir une certaine réputation de pays stable et sérieux. Cependant, cette identité est désormais en jeu alors que le pays vient de confirmer une élection où les favoris sont l’ultra-conservateur José Antonio Kast et l’ancien leader étudiant de gauche Gabriel Boric, choisis par des électeurs exigeant des changements depuis les manifestations massives d’il y a deux ans et qui pourraient maintenant forcer le plus grand changement politique depuis des décennies.

Les deux candidats représentent les tendances qui divergent de l’alternance des trente ans de gouvernements de centre-gauche et de centre-droit depuis 1990, la période post-dictature qui a donné au pays sa renommée et stabilité. Au cours de ces dernières années, le Chili – l’un des rares pays membres de l’OCDE dans la région – a fortement réduit les taux de pauvreté, a ouvert son économie par le biais d’accords commerciaux avec des marchés sur les cinq continents, a attiré des investissements et a également connu une croissance régulière.

Les indicateurs de la Banque Mondiale sur l’état de droit, la gouvernance et la stabilité politique montrent que le Chili dépasse de loin ses voisins tels que le Brésil, l’Argentine, la Colombie et le Pérou. Cependant, les critiques de ce modèle affirment qu’il ne bénéficie pas à l’ensemble de la société. Fin 2019, la vague de manifestations contre le gouvernement actuel de l’homme d’affaires Sebastián Piñera ont pointé le doigt sur le manque de services publics comme la santé et l’éducation ou encore les faibles retraites.

Ces problématiques, ensemble avec des questions de société comme le pesant conservatisme moral et religieux, les droits des minorités ou l’écart considérable dans les revenus par classe sociale ont nourri une pléthore de réalisateurs chiliens qui incarnent le renouveau du cinéma latino-américain et abordent ces thématiques de manière remarquable. Voici donc notre sélection de films pour mieux comprendre la situation actuelle de ce pays au bout du monde :

Une femme fantastique (2017), de Sebastián Lelio. Ce film a remporté l’Ours d’argent du meilleur scénario et le Teddy Award au Festival du film de Berlin et, en février 2018, il a marqué une nouvelle étape dans la cinématographie chilienne en remportant l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Aux antipodes du film militant, le réalisateur raconte avec pudeur et émotion les singularités d’un pays traversé par de violentes contradictions liées aux fantômes de la dictature, à l’intolérance et aux préjugés. Orlando partage sa vie avec Marina, sa compagne transgenre, loin des regards. Lorsqu’il meurt soudainement, Marina subit l’hostilité des proches d’Orlando: une famille qui rejette tout ce qu’elle représente. Marina va se battre, avec la même énergie que celle dépensée depuis toujours pour devenir la femme forte et digne qu’elle est. Remarquable l’interprétation de l’actrice Daniela Vega qui a le rôle principal dans cette histoire de deuil, de courage et d’amour.

La Once (Tea time, 2014), film documentaire de Maite Alberdi. Une fois par mois, depuis qu’elles ont quitté l’école, cinq amies octogénaires se rencontrent pour boire le thé. Pendant ces rencontres, elles évoquent le passé commun en s’efforçant d’oublier pour un instant les maux dont elles souffrent. Les après-midis passent, et il semble que rien dans leur vie ne change, jusqu’à ce que l’absence de l’une d’entre elles les fasse affronter une période de transformations. Elles discutent et commentent l’actualité, dont elles peinent souvent à comprendre les tendances. Entre rires, maquillage, pâtisseries, divergences et moments de tristesse, la réalisatrice fait jaillir l’histoire récente du Chili et ses changements politiques et sociétaux.

Gloria (2013), l’autre film clé de Sebastián Lelio qui a remporté l’Ours d’argent de la meilleure actrice pour Paulina García à Berlin. Gloria est femme bourgeoise de Santiago qui concentre tous ses efforts à entretenir avec la plus grande stabilité possible les fruits de son travail et de sa routine familiale. Bien qu’au départ le drame de Gloria semble la recherche d’amour, sa véritable crise a plus à voir avec la perte de contrôle qu’elle avait réussi à garder après douze ans de séparation. Le départ de sa fille du Chili, l’échec conjugal de son fils, la tension provoquée dans son espace intime par son voisin drogué ou le chat qui s’introduit chez elle sont des pertes de contrôle partielles qui seront amplifiées par l’apparition du facétieux Rodolfo comme possibilité d’un couple. A partir de là, l’échafaudage du film se construit sur la structure de la comédie romantique classique en mettant l’accent sur les rencontres et les incompréhensions du couple, sur ses liens familiaux insurmontables et, surtout, sur le maelström des situations dans lesquelles Gloria est emportée en partie par son désir émotionnel mais essentiellement par un processus de prise de conscience de l’état irréversible de sa perte.

La nana (La bonne, 2009), un long-métrage de Sebastián Silva. Raquel travaille depuis longtemps comme domestique chez les Valdes, une famille de la bonne société de Santiago. Lorsque sa patronne lui annonce l’arrivée de Mercedes, une deuxième domestique censée la soulager de sa charge de travail, Raquel a l’impression qu’on veut prendre sa place et devient très agressive. Elle va rendre la vie impossible à sa collègue, dans l’espoir qu’elle craque et quitte la maison. Ce film explore avec un humour mordant ce flou pas toujours aisé à raconter entre la barrière patron/salarié et la proximité-promiscuité induite par la présence pérenne des domestiques sous le même toit. Il évite aussi le tract idéologique facile en croisant la thématique de la barrière de classe avec les portraits humains, résistant ainsi à un tableau manichéen qui opposerait des patrons salauds à une domestique victime.

La jeune fille et la mort (1994) est un film franco-américano-britannique réalisé par Roman Polanski adapté de la pièce du même nom du dramaturge chilien Ariel Dorfman, rescapé du régime de Pinochet. La jeune Paulina Escobar (Sigourney Weaver) a été torturée et violée pendant la dictature militaire par le Dr Roberto Miranda (Ben Kingsley). Malgré le traumatisme et le poids de la situation, la protagoniste décide de cacher la vérité à son mari mais, des années plus tard, elle rencontre à nouveau son tortionnaire et entame sa propre procédure judiciaire.

Missing (1982) un film de Costa-Gavras qui raconte les péripéties d’un jeune journaliste américain arrêté avec ses collègues après le coup d’État chilien. A partir de ce jour, sa femme et son père se lancent à sa recherche, butant sur le silence des autorités chiliennes et nord-américaines. Basé sur une histoire réelle, le 2 février 2015, la cour d’appel de Santiago a condamné le brigadier de l’armée Pedro Espinoza à sept ans de prison pour le meurtre du journaliste et de son partenaire Frank Teruggi.

C.A.T.

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