27 avril, 2024
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On évoque encore un Booking à la française…

Lors du congrès de L’UMIH, l’Union des Métiers des Industries de l’Hôtellerie, on a évoque à nouveau l’idée d’un Booking.com à la française. Cette organisation représente notamment les professionnels indépendants de l’hôtellerie dans toutes les régions et départements de France. C’est une organisation puissante qui est présente et active sur tout le territoire avec 300 collaborateurs et plus de 2 000 élus répartis en 106 fédérations départementales. 

Le logo de l’UMIH

Contrer les plateformes de réservations en ligne

Lors du congrès 2023 de l’Umih, c’est son président Thierry Marx, qui a suggéré de construire une alternative en lançant une plateforme France, qui rassemblerait tous les établissements du secteur. Nous avons repris les propos de notre ami Mark Watkins qui reflète à 100% notre point de vue. Il est patron de Coach Omnium et c’est un vrai pro de l’hôtellerie.

Thierry Marx, président de l’UMIH

Sur le papier, les arguments de Thierry Marx sont séduisants 

Thierry Marx annonce “Avec un secteur français fort de 170.000 hôtels et restaurants, il s’agit d’organiser et de structurer intelligemment l’offre touristique du territoire. Selon lui, pour fonctionner, le projet peut s’appuyer sur des entreprises françaises innovantes comme la french tech susceptibles de rivaliser avec Microsoft, Google et Meta » (sic) et trouver des financements avec des partenaires, dont BPI France, mais aussi via les professionnels eux-mêmes. Si tous investissaient 500 € par établissement, cela pourrait représenter 60 millions d’euros. Soit une belle somme pour amorcer ce fonds”.

Revenons sur terre..

Mark Watkins écrit : “En reposant les pieds sur terre, on imagine mal comment une telle structure pourrait être lancée, être performante et surtout survivre. Avant cette annonce, il y avait déjà eu beaucoup de tentatives qui ont toutes été des échecs, parfois à grands frais. Le cimetière est déjà bien rempli avec les feux France Guide, ResInFrance, Hexatourisme, Le Bon Guide, France.fr…

La dernière en date avait été celle de la marketplace du groupe Accor, ouverte aux hôteliers indépendants, dont la vocation annoncée avec tambours et trompettes n’était pas moins celle de concurrencer Booking et cie. Lancée en 2015, elle n’aura duré que 2 ans, enterrée avec pertes et fracas en 2017. On attend la suite avec Alentour, créé il y a un certain temps, qui propose des hébergements mais aussi des activités touristiques périphériques”

Pourquoi les hôteliers choisissent de travailler avec les grandes plateformes de réservations ?

Comment se détacher des OTAs (plateformes de réservations) et les remplacer par une option collective moins onéreuse en coûts d’acquisition de clients ? Personne n’a pas encore trouvé la réponse. Déjà, selon les dernières études de Coach Omnium, 92 % des hôteliers français travaillent avec elles. Les restaurateurs sont moins nombreux (les principaux intervenants sont le Michelin et La Fourchette) en ayant surtout une clientèle locale.

Pourquoi travailler avec les OTAs ? Ce sont des apporteurs d’affaires incontournables. Leur référencement magistral leur donne une visibilité inégalable sur internet et les place en premières lignes des réponses des moteurs de recherches. Si beaucoup d’hôteliers disent détester ces plateformes en ligne, à cause notamment des commissions à leur payer, ils se créent eux-mêmes leur propre dépendance par manque de commercialisation active. 52 % acceptent que plus de la moitié de leur taux d’occupation soit généré via les OTAs et pour 1/4 c’est même plus de 70 % des chambres louées !

Du côté des clients, on aime aussi

Nos études auprès des clientèles hôtelières européennes, dont françaises, confirment que 66 % des voyageurs passent occasionnellement ou régulièrement par les OTAs pour réserver à l’hôtel. Ils étaient 13 % en 2009… 16 % seulement font appel aux centrales de réservations des chaînes hôtelières, contre 32 % en 2010.

La clientèle hôtelière apprécie ces intermédiaires connus sur le Net (près de 9 voyageurs sur 10 font leurs recherches d’un hébergement sur Internet), parce qu’elle les juge « pratiques », « efficaces », « rapides », « sécurisants commercialement », « disposant d’un large choix d’offres » et « apportant de nombreuses promesses tenues » (citations recueillies auprès des voyageurs dans nos enquêtes).

Cela n’empêche pas bon nombre de voyageurs de trouver leur hôtel sur une plateforme pour ensuite réserver en direct auprès de l’hôtel présélectionné, ce qui est une tendance nouvelle. Donc, les OTAs ne sont pas si dérangeantes que cela…

Un projet concurrentiel irréaliste

Il faut se lever de bonne heure pour espérer concurrencer les grandes plateformes de réservations en ligne en hébergements touristiques et en restauration. Rien que pour le leader — Booking — que tout le monde jalouse et aimerait mettre au pas, comment lui faire de l’ombre ? A moins de le racheter à coups de milliards, ce qui n’est pas à la portée du moindre passant.

Petite start-up néerlandaise créée en 1996 à Amsterdam, la plateforme met aujourd’hui en vitrine un catalogue de plus de 2,5 millions d’établissements dans le monde, quand on dispose en France de près de 17.000 hôtels. Cela donne une idée de l’échelle. 

Le portail a enregistré jusqu’à 896 millions de nuitées en 2022, contre 845 millions en 2019 (avant Covid) ! Ces chiffres vertigineux illustrent la puissance commerciale de la machine.

Mais, plus frappant encore, le groupe a dépensé presque 6 milliards de dollars en 2022 pour son marketing (soit environ 5,5 milliards d’euros, à comparer au chiffre d’affaires du groupe Accor qui a été de 4,2 milliards d’euros en 2022), dont une bonne partie revenant à Google pour le référencement.

Avec un marketing relationnel de pointe, la plateforme obtient une efficacité commerciale redoutable ! Malgré ces charges, Booking a réalisé plus de 3 milliards de dollars de bénéfices sur cette même année de reprise après le Covid. Qui peut en faire autant ?!

On comprend mieux que l’offre très volumineuse en nombre d’adresses et en variété, les garanties à la clientèle et les moyens technologiques et financiers investis par Booking apportent un vrai succès, durable. À côté de lui, on trouve d’autres OTAs plus modestes mais qui restent importants, dont Expedia.

Le projet lancé par l’UMIH est impossible à réaliser

Mark Watkins évoque les nombreuses raisons de l’impossibilité à réaliser un “booking” à la française. Nous retiendrons deux éléments importants:

• Trouver l’argent pour monter une telle structure peut éventuellement se faire pour sa conception de départ, mais quid des budgets annuels colossaux qui seront nécessaires pour la faire tourner (techno, personnel, locaux, etc.) et surtout pour son marketing, année après année. Et c’est sans compter que la plateforme doit se faire connaître à l’international : rien qu’en hôtellerie française, 1/3 des nuitées proviennent des visiteurs étrangers. Il faut avoir à l’esprit que Booking investit au moins 6 milliards de dollars en marketing (essentiellement sur Google)

• Rattraper l’avance de Booking et compagnie est un vœu pieux et une lettre au Père Noël. Ce serait opposer un gilet pare-balles à un char Leclerc. Il faut être très candide pour chercher à s’aventurer dans ce marécage qui risque d’être très coûteux en argent, en efforts (vains) et en image, comme de décevoir beaucoup de gens.

Il vaudrait mieux cesser les bêtises, et aider et conseiller les hôteliers et les restaurateurs dans leur commercialisation, pour obtenir davantage de réservations en direct, plutôt que de faire des rêves impossibles, racontés à voix haute.

Mark Watkins

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