26 avril, 2024
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Un pays sous projecteurs : La Mitteleuropa et le négationnisme

Ce terme allemand, d’usage surtout en géographie historique et qui signifie « Europe du milieu », ne correspond pas à une réalité géographique actuelle, mais à une représentation du rôle de la langue et des créations littéraires et intellectuelles allemandes en Europe centrale, considérée comme le « mythe habsbourgeois » de l’unité des nationalités rattachées à la monarchie austro-hongroise jusqu’à la Première Guerre mondiale.

La Mitteleuropa

Dès la moitié du XIXe siècle et jusqu’en 1914, la région fut un véritable laboratoire de la modernité. Une Europe confiante dans sa force, mais en même temps tiraillée par des interrogations existentielles qui aujourd’hui font écho aux questionnements de notre société contemporaine. Dans L’Homme sans qualités, le romancier autrichien Robert Musil décrivait la disparition d’un monde qui s’abritait derrière les certitudes inébranlables de la pesanteur bureaucratique mais qui, en même temps, s’interrogeait sur la responsabilité individuelle de l’homme à l’égard de ses actes.

Cependant, l’« Europe médiane » comme aire de diffusion de la culture germanique, a ensuite pris une connotation pangermaniste avec la montée du national-socialisme en Allemagne, ce qui a conduit à un abandon de son usage. Notamment par le « révisionnisme historique », une approche adoptée par des historiens qui consiste à légitimement remettre certains faits en perspective dans leurs contextes en les revisitant, souvent quelques générations après les événements. Le terme révisionnisme reste polémique et, de nos jours, il est généralement utilisé comme synonyme de négationnisme, en particulier en français.

Le négationnisme se cache souvent derrière le révisionnisme historique, pour devenir un soi-disant courant de pensée qui consiste en un déni de faits historiques, malgré la présence de preuves flagrantes rapportées par les historiens, et ce à des fins racistes ou politiques. À l’heure actuelle, on le retrouve sous la forme de mouvements hétéroclites ralliant des individus de l’ultra-gauche aux sectes néo-nazies qui s’acharnent à contester, minimiser ou tout simplement nier, de manière plus ou moins sournoise, la réalité historique ou les données scientifiques.

Depuis le début de la pandémie du coronavirus, ces mouvements ont pris de l’ampleur et, surtout lors des contestations aux récentes campagnes massives de vaccination, on les retrouve avec force dans la zone de l’ancienne Mitteleuropa redessinée aujourd’hui dans les nations modernes qui sont l’Allemagne, l’Autriche, la Slovaquie ou le Tyrol italien. Certes, les manifestants n’appartiennent pas tous à un courant politique extrême, et beaucoup sont des simples citoyens qui n’ont pas franchi le pas pour se faire vacciner par peur, et surtout par méfiance envers leurs gouvernements.

L’Autriche et l’Allemagne vivent dans la tyrannie de la minorité, celle du pourcentage de négationnistes et de personnes qui pour diverses raisons refusent la vaccination contre le coronavirus, décidant ainsi du sort de la majorité de la population. En Autriche ceux qui refusent la piqûre représentent 35% de la population et en Allemagne ils sont environ 32%. Le profil des No-Vax en Europe centrale ? Beaucoup prétendent connaître quelqu’un qui a souffert d’effets secondaires graves, d’autres argumentent la peur de ne pas avoir d’enfants et d’autres encore n’avoir confiance qu’en l’homéopathie…

Fin novembre, l’Autriche a imposé le confinement et annoncé que la vaccination sera obligatoire pour toute sa population à partir du 1er février prochain, alimentant ainsi la polarisation et le rejet des groupes négationnistes. A Vienne, samedi dernier, environ 40 000 personnes sont descendues dans les rues pour protester ; parmi eux, des ultranationalistes, des complotistes, des négationnistes du coronavirus, des défenseurs de diverses théories ésotériques et des mouvements d’extrême droite et néo-nazis qui se sont trouvés côte-à-côte dans leur marche le long de l’avenue du Ring qui entoure la partie ancienne de la ville.

Voici quelques films pour mieux cerner ce phénomène extrême dans la région :

Je suis Karl (2021) de l’allemand Christian Schwochow projeté dans le cadre de la Berlinale de cette année. Le film raconte l’histoire de Maxi, une jeune femme qui perd sa mère et ses frères dans une attaque terroriste. Poussée par le chagrin et la colère, elle rencontre Karl, jeune homme charismatique qui la fait fréquenter le réseau de la soi-disant Nouvelle Droite. Le personnage de Karl est incroyablement intelligent et instruit, donc quelqu’un qui sait mettre les gens sous son charme. Ce drame aborde la montée de la nouvelle droite radicale et mêle à plusieurs reprises la fiction avec des vidéos réelles, de la musique ou des symboles des véritables organisations du spectre extrémiste. Je Suis Karl montre une élite puissante et jeune qui cherche désespérément la prise violente du pouvoir et qui, parfois, semble plutôt une représentation de la façon dont ces groupes aimeraient se voir.

Le procès du siècle (2016) film de l’américain Mick Jackson. Deborah Lipstadt, une historienne américaine se voit confrontée à David Irving, un universitaire extrémiste, avocat de thèses controversées sur le régime nazi, qui la met au défi de prouver l’existence de la Shoah. Sûr de son fait, Irving assigne en justice Lipstadt, qui se retrouve dans la situation aberrante de devoir prouver l’existence des chambres à gaz. Un film très intéressant sur comment, tout en restant dans les limites du droit, faire face à un négationniste prêt à toutes les bassesses pour obtenir gain de cause, et l’empêcher de profiter de cette tribune pour propager ses théories.

La vague (2007) du réalisateur allemand Dennis Gansel. Dans un lycée, un enseignant qui doit expliquer ce qu’est une autocratie décide de réaliser une expérience en classe. Dans cette expérience, il veut montrer que la dictature peut réapparaître à l’intérieur de n’importe quelle démocratie. A travers sa devise : « le pouvoir par la discipline, la force par la communauté, la force par l’action, la force par la fierté », chaque jour les élèves suivent une nouvelle règle. Au fil des jours, la classe devient un groupe compact auto-proclamé comme « la vague » et commence faire remarquer par des actes de vandalisme, tous dans le dos du professeur qui finit par perdre le contrôle de la situation et, par conséquent, le contrôle de sa propre vie.

Funny games (1997) Il s’agit d’un film assez controversé du réalisateur autrichien Michael Haneke et dont le visionnage est difficile à soutenir. Une famille bourgeoise décide de passer des vacances tranquilles dans leur maison au bord du lac en Autriche. Deux jeunes voisins arrivent à sa porte, apparemment très polis, qui commencent par emprunter des œufs jusqu’à ce qu’ils prennent les hôtes en otage et les obligent à participer à un jeu sournois. Haneke maîtrise à la perfection son obsession cinématographique d’embêter le spectateur avec la perversion que les systèmes sociaux savent très bien dissimuler.

C.A.T.

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1 COMMENTAIRE

  1. Il y a si peu de médias surtout dans les rubriques tourisme qui osent ces analyses. Merci Mister Travel de maintenir l’esprit de critique fondée et argumentée que de nombreux journalistes ou faut-il dire rédacteurs? ont perdu

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