En 2025, l’industrie des croisières en France connaît une stagnation inattendue des ventes, malgré une croissance mondiale soutenue. Selon les données de la Cruise Lines International Association (CLIA), le marché français, bien qu’en progression par rapport à la période post-Covid, ne retrouve pas son dynamisme d’antan, notamment le record de 2015 avec 615 000 passagers.

Nous allons tenter de comprendre les raisons de cette stagnation, les tendances observées, et les perspectives pour l’avenir, en s’appuyant sur les rapports de la CLIA et les dynamiques du secteur.

Une croissance mondiale contrastée par une stagnation française
Globalement, l’industrie des croisières affiche une santé robuste. En 2024, la CLIA rapporte 34,6 millions de passagers dans le monde, soit une hausse de 9 % par rapport à 2023, avec une prévision de 37,7 millions en 2025. Cette croissance est portée par une demande soutenue en Amérique du Nord (18 millions de passagers en 2023) et en Europe, où les marchés allemand, britannique et italien dominent.

La France à la traîne pour les croisières
En France, le marché stagne avec environ 573 000 passagers en 2024, un chiffre quasi identique à celui de 2023 (575 000). Bien que ce volume soit supérieur aux 545 000 passagers de 2019, il reste en deçà du pic de 615 000 en 2015. Cette stagnation surprend, étant donné l’attrait croissant des croisières pour un public plus jeune (âge moyen de 46,7 ans en 2024 contre 49 ans en 2019) et les efforts des compagnies pour diversifier leurs offres.

Une concurrence accrue des destinations terrestres
La stagnation des ventes peut s’expliquer par une concurrence accrue des formes de tourisme terrestre. Les Français, sensibles aux questions environnementales, se tournent davantage vers des vacances locales ou des séjours en train, perçus comme plus durables. En 2024, 63,7 % des croisiéristes français privilégient la Méditerranée, mais les destinations accessibles par d’autres moyens de transport, comme l’Espagne ou l’Italie, captent une part croissante des voyageurs.

Impact des polémiques environnementales
Les critiques sur l’impact environnemental des croisières, souvent qualifiées de « tourisme de masse », freinent l’élan du secteur. À Marseille, par exemple, le « cruise bashing » cible des géants comme MSC et Costa, accusés de pollution et de surtourisme. Bien que la CLIA mette en avant des avancées (46 % de la flotte équipée pour l’électrification à quai en 2023, objectif de neutralité carbone d’ici 2050), ces efforts peinent à convaincre une partie des consommateurs français.

L’interdiction des navires de croisières
Une semaine après la signature d’un arrêté interdisant l’accueil des croisières dans les ports de la Métropole Nice Côte d’Azur par Christian Estrosi, les professionnels ont dû contre-attaquer. Ils craignaient pour leur activité si les touristes des croisières ne font plus escale à Villefranche-sur-Mer.

Facteurs économiques et sociaux
L’inflation et la hausse des coûts de la vie en France limitent le budget des ménages pour les vacances. Les croisières, bien que compétitives en termes de rapport qualité-prix, restent perçues comme un produit premium par certains segments de la population. De plus, les tensions géopolitiques dans certaines régions (par exemple, en Méditerranée orientale) et les restrictions dans des ports comme Venise ou Dubrovnik refroidissent les ardeurs des voyageurs.

Les tendances du marché français en 2025
Malgré la stagnation, des évolutions positives se dessinent. La CLIA note une baisse de l’âge moyen des croisiéristes français, reflet d’une clientèle attirée par des formules tout compris et des expériences intergénérationnelles (28 % des voyageurs partent avec trois générations ou plus). Les croisières courtes (1 à 3 nuits) gagnent en popularité, représentant une porte d’entrée pour les primo-croisiéristes, qui constituent 31 % des passagers en 2024.

Préférences géographiques
Les Français restent fidèles à la Méditerranée (63,7 %), suivie des Caraïbes (21,1 %) et de l’Europe du Nord (5,5 %). Cependant, la croissance des réservations pour les Caraïbes (+45 % en Belgique, tendance similaire en France) indique un intérêt pour des destinations exotiques, soutenu par des investissements comme le nouveau terminal MSC à Miami.

Le rôle clé des agents de voyage
Les agents de voyage jouent un rôle central, 73 % des croisiéristes français déclarant que leurs conseils influencent leur décision. Cette tendance souligne l’importance des professionnels pour orienter les clients vers des offres adaptées, notamment pour les nouveaux croisiéristes et les voyageurs à besoins spécifiques (45 % réservent des excursions accessibles).

Perspectives pour relancer les ventes
Pour contrer les critiques environnementales, les compagnies accélèrent leurs investissements. En 2025, Marseille finalisera l’électrification de ses terminaux, et 72 % de la flotte mondiale sera équipée pour le branchement à quai d’ici 2028. L’adoption de carburants alternatifs, comme le GNL et le méthanol, est également en cours, avec des expérimentations prometteuses. Ces efforts pourraient rassurer les consommateurs français sensibles à l’écologie.

Diversification de l’offre
Les compagnies misent sur des navires de plus petite taille et des itinéraires immersifs pour séduire une clientèle en quête d’authenticité. Des croisières expéditionnaires vers des destinations comme l’Alaska ou l’Afrique du Sud gagnent en popularité, tout comme les offres haut de gamme (par exemple, les navires d’Oceania Cruises ou Explora Journeys). Cette diversification pourrait capter de nouveaux segments de marché.

Communication et accessibilité tarifaire
Pour relancer les ventes, une communication renforcée sur le rapport qualité-prix des croisières est essentielle. Erminio Eschena, président de CLIA France, souligne que les paquebots sont devenus des « destinations à part entière », offrant gastronomie, divertissements et confort à des prix compétitifs. Une meilleure visibilité des offres abordables, notamment pour les familles et les jeunes, pourrait stimuler la demande.

Il faut redynamiser les ventes de croisières en France
Des signaux positifs, comme le rajeunissement de la clientèle et l’attrait pour des destinations variées, laissent entrevoir un potentiel de rebond. En misant sur la durabilité, la diversification et une communication ciblée, l’industrie pourrait redynamiser le marché français et retrouver sa trajectoire ascendante.