La Thaïlande, longtemps synonyme de plages bondées, de marchés animés et de voyages à petit budget, opère un virage stratégique. Face à une baisse du tourisme de masse et à des défis environnementaux, le pays mise sur une offre haut de gamme pour séduire une clientèle plus fortunée, notamment à Bangkok et Phuket. En 2025, cette transition vers le luxe, soutenue par des investissements massifs et une volonté politique, redéfinit l’image touristique du “pays du sourire”.

Une crise du tourisme de masse
Le tourisme thaïlandais, pilier économique représentant environ 10 % du PIB, traverse une période difficile. En 2024, le tourisme a représenté environ 8,9 % du PIB de la Thaïlande, selon les estimations de la Banque mondiale et d’autres sources économiques. D’autres sources estiment que le tourisme, incluant ses retombées indirectes, pourrait représenter jusqu’à 15 à 20 % du PIB, mais cette fourchette inclut des impacts secondaires (hôtellerie, restauration, transport) et reste moins précise.
En 2019, le pays accueillait 39,8 millions de visiteurs, mais la pandémie de Covid-19 a laissé des traces durables. En 2025, les arrivées internationales stagnent, avec une baisse de 1 % par rapport à 2024, selon Yuthasak Supasorn, ancien gouverneur de l’Autorité du tourisme de Thaïlande (TAT). Cette chute est particulièrement marquée pour les marchés asiatiques, notamment la Chine, qui représente 60 % des visiteurs. Le secteur MICE (réunions, congrès, expositions) a également chuté de 15 % au premier trimestre 2025, avec une perte de 21 % des revenus.

Les limites du modèle quantitatif
Le tourisme de masse a longtemps été une manne financière, mais il a aussi causé des ravages. À Phuket, 80 % des récifs coralliens sont endommagés par les bateaux et la pollution. Le World Economic Forum a classé la Thaïlande 47e en 2024 pour le développement touristique, en recul de 11 places, pointant des faiblesses en durabilité et infrastructures. Face à ce constat, les autorités veulent abandonner la logique du “toujours plus” pour un modèle axé sur la qualité.

Attirer les voyageurs premium
Pour contrer le déclin, la Thaïlande parie sur un tourisme “premium” ciblant les voyageurs à fort pouvoir d’achat. Selon Yuthasak Supasorn, il s’agit de passer d’un modèle “tiré par la demande” à un modèle “tiré par l’offre”, avec des services haut de gamme. Les touristes suédois (69 817 bahts par personne, soit 1 840 €) et britanniques (60 823 bahts, soit 1 603 €) sont particulièrement visés, tout comme les marchés émergents comme l’Inde ou la Russie. L’objectif : maximiser les dépenses par visiteur, même si leur nombre diminue. En 2025, les recettes touristiques ont progressé de 7 % à 471 milliards de bahts, malgré une légère hausse des arrivées (9,5 millions au premier trimestre).

Bangkok et Phuket, fers de lance du luxe
Bangkok : la capitale se positionne comme un hub régional du luxe. Avec un marché du commerce haut de gamme évalué à 4,4 milliards de dollars en 2025, Bangkok attire des marques comme Louis Vuitton ou Gucci. Des complexes comme Icon Siam, avec ses gratte-ciel abritant des restaurants étoilés (dont celui d’Alain Ducasse), et des hôtels 5 étoiles comme le Four Seasons ou le Mandarin Oriental, séduisent une clientèle aisée. La gastronomie thaïlandaise, incarnée par des chefs comme Pichaya “Pam” Soontornyanakij, couronnée meilleure cheffe mondiale 2025, ajoute une touche d’élégance culinaire.
Phuket : l’île, pionnière du retour touristique post-Covid avec la “Phuket Sandbox” en 2021, mise sur des résidences de luxe et des hôtels 5 étoiles sur des plages privées comme Naithon ou Kamala. En 2023, Phuket accueillait 500 000 à 600 000 visiteurs par mois, soit près de 80 % des niveaux de 2019. Des visas comme l’Elite Visa (valable 5 à 20 ans, dès 15 000 €) attirent les nomades numériques et les retraités fortunés, tandis que le tourisme médical, avec des cliniques de pointe, prospère.

Tourisme d’affaires et MICE
Malgré une baisse en 2025, le secteur MICE reste une priorité. Bangkok, avec ses infrastructures modernes, vise les congressistes et les voyageurs d’affaires, qui dépensent en moyenne plus que les touristes classiques. Des forfaits sur mesure, incluant golf, spas et visites culturelles, sont proposés pour capter cette clientèle. La TAT ajuste ses indicateurs pour privilégier les marchés long-courriers (Europe, Australie), moins sensibles aux fluctuations économiques asiatiques.

Défis et limites de cette transition
La stratégie haut de gamme risque d’exclure les petits acteurs du tourisme, comme les guides indépendants ou les artisans. Une étude de la Chulalongkorn Business School révèle que 80 % des recettes touristiques se concentrent dans cinq provinces (Bangkok, Phuket, Chonburi, Surat Thani, Chiang Mai), laissant les zones rurales à la traîne. Les infrastructures, comme les routes secondaires, restent sous-développées, freinant la diversification géographique souhaitée par le gouvernement.

Sécurité et durabilité : deux points faibles
La Thaïlande a chuté à la 47e place du classement du World Economic Forum en 2024, en partie à cause d’un tourisme peu durable. La pollution, notamment à Phuket, où 77 % des récifs coralliens sont endommagés, reste un défi majeur. Les autorités tentent de répondre avec des fermetures temporaires de sites, comme la baie de Maya, mais les efforts sont jugés insuffisants.

La concurrence régionale
La Thaïlande n’est pas seule dans cette course au luxe. Singapour et Dubaï rivalisent pour attirer les touristes fortunés, avec des infrastructures plus modernes et une meilleure maîtrise de l’anglais. Pour rester compétitive, la Thaïlande doit investir dans la formation, la sécurité et des expériences uniques, comme le Khao Yai Art Forest ou les marchés flottants de Bangkok.

Conseils pour les voyageurs français
En 2025, plus de 360 000 Français ont visité la Thaïlande entre janvier et avril, un chiffre encourageant mais inférieur à 2019. Pour profiter de l’offre haut de gamme :
Bangkok : réservez dans des hôtels comme le Rosewood ou dînez au restaurant POTONG pour une expérience gastronomique étoilée. Visitez le Wat Arun ou le Palais Royal, mais évitez les foules en optant pour des circuits privés.
Phuket : choisissez des résidences sur des plages calmes comme Naithon, et explorez des activités comme la plongée ou le tourisme médical. Vérifiez la compatibilité de votre smartphone pour une eSIM, facilitant l’accès à Internet.
Sécurité : consultez toujours les mises à jour de la TAT (1672) ou de la police touristique (1155) pour voyager en toute sérénité, surtout après des incidents comme le séisme de mars 2025, qui n’a causé aucun dommage majeur.

Un pari ambitieux pour le pays
En misant sur le tourisme haut de gamme, la Thaïlande veut transformer sa crise en opportunité. Bangkok et Phuket, avec leurs hôtels de luxe, leur gastronomie de classe mondiale et leurs offres bien-être, sont au cœur de cette révolution. Mais ce virage vers le premium doit s’accompagner d’investissements dans la durabilité et les régions secondaires pour éviter d’exclure les communautés locales. Pour rappel, Louis Vuitton a aussi investi dans un guide Bangkok.