Une île riche de mille fleurs au cœur de roc très tourmenté. L’île jaillit en plein océan et du haut de ses crêtes en domine l’immensité bleue.
Rien n’a pu décourager l’effort opiniâtre de l’homme qui s’est accroché aux rocs les plus arides pour y planter la vigne et son grain.
Il a aussi su tirer parti du jonc des oseraies et des moindres ressources d’une terre qui n’était riche que de beauté.
La première surprise qui m’attendait en allant à Madère c’est de rajeunir d’une heure.
En changeant de fuseau horaire j’ai aussi changé de climat, à tous les sens du mot. La mer, bleue, verte, lisse, à peine frisée par le passage du Gulf Stream déroule ses lieues et ses lieues d’horizon. Ainsi, j’ai pris mes distances avec l’Europe, le quotidien, avec hier.
Les fleurs précieuses que les fleuristes vendent cher dans des cornets de cellophane poussent au bord des routes des arums plein les fossés, les strelitzias qui dressent leur bec de héron entre deux champs de maïs et les poinsettias qui pavoisent de leurs cocardes rouges les trottoirs étroits, cela m’a donné d’emblée une sensation d’opulence.
Dans l’ombre froide tamisée par la dentelle des fougères-parasols l’hortensia bouillonne, ourle les routes et tapisse les sous-bois.
J’ai rencontré, assises au pied des dragonniers dont la sève guérit, paraît-il toutes les blessures, des bouquetières en cape rouge qui faisaient voisiner dans leurs paniers la violette et l’orchidée le gardénia et ces étranges fleurs-oiseaux dont seuls botanistes et fleuristes de luxe savent le nom.
Il y a près d’un siècle, abordant pour y vivre à cette rive somptueuse et déserte, l’homme y acclimata les cultures des îles méditerranéennes.
La canne à sucre fit d’abord sa fortune, mais c’est la vigne qui fit sa gloire.
Le vin de Madère, récolté sur les coteaux les plus ensoleillés de l’île, transporté à dos d’homme dans des outres de peau, patiemment mûri dans les chais de Funchal, est le vin le plus anciennement fameux, le plus noble qui soit.
Jacques BASCHIERI dit Vinicius
