Au temps où le Sri Lanka se nommait Ceylan

Ces derniers temps, il était bien difficile d’écrire sur l’île du Sri Lanka. Les délires et la cupidité d’une famille, ont mis le pays à genoux. Les touristes ne voient pas la désespérance des habitants. C’est mieux ainsi. Nous publions ci-après un texte de notre ami, Jacques Baschieri, qui travaillait chez Carlson Wagons Lits quand le réseau avait plus de 250 agences de voyages en France. Toute une époque!

“Je n’ai pas pris beaucoup de notes car j’ai dû consacrer presque toute mon énergie à résoudre des problèmes qui n’étaient soulevés ni par un défaut d’organisation, confort des hôtels ou accueil mais par le comportement des «voyageurs » cadres supérieurs d’une compagnie d’assurances qui avaient été récompensés, grâce au du travail de leurs démarcheurs, de l’augmentation des ventes d’un nouveau produit financier. Tout leur était dû, ils s’étaient montré méprisants, ingrats et parfois même odieux envers moi et surtout envers Karou, mon ami guide, qui en avait été très affecté.

Cependant j’ai conservé des notes positives en souvenir de ce voyage.

Ceylan, qui n’a été longtemps que l’escale de Colombo sur la ligne d’extrême-orient renferme des trésors. Ses civilisations successives aux origines légendaires ont laissé des vestiges éblouissants et l’île n’a pas enfoui son histoire sous des couches de terre ou de sable. Son passé immense et glorieux couche à la belle étoile.

Ceylan c’est l’ île du temps aboli…Chaque route forçant la forêt dense à l’odeur de cannelle mène à un temple, à une statue figée, à un Bouddha au regard tourné vers l’invisible.

Je me souviens , c’était la pleine lune, le lent cortège des processions s’était remis en marche, éléphants couronnés en tête, parapluies et ombrelles oscillant vers des sanctuaires mystérieux. J’ai pensé ,comme à l’attrait du nirvâna, ce temps vertical, on n’échappe pas à Ceylan, à la fascination du passé il est à l’affût à chaque méandre de rivière à la lisière de chaque plantation de thé et des forêts de bambous qui tamisent la lumière, des lacs couverts de lotus dont les fleurs sont cueillies pour être déposées aux pieds des statues de Bouddha.

Ceylan c’est le calme serein des plages où les filets de pêche en coulées acides sèchent au soleil tout près de Bentota sur la côte sud-ouest là où vivent encore des descendants de la colonie musulmane qui s’y installa au XIème siècle.

C’est aussi le rythme créé par l’homme pour ces marches centenaires de Mihintale, pierres plates gravissant la colline, érodées par les pas des pèlerins.

L’offrande des fleurs mêlées aux baguettes d’encens vient d’avoir lieu au sommet de la montagne, là même où s’élève l’énorme dôme du dagoba marquant l’emplacement où fut déposée une relique de Bouddha.

A Ceylan on subit le rythme, celui marqué par la nature dans ces allées de cocotiers au jardin botanique de Kandy, et surtout le rythme lent de la vie où les êtres gardent la simplicité des gestes, des attitudes et semblent complices de la beauté naturelle de leur île.

L’homme ne se déplace que pour combattre le temps. Ulysse, ancêtre de tous les guides de voyages, n’est jamais aussi satisfait que lorsque le temps s’arrête à Ithaque ou à Djerba par exemple…

Si l’agence «Odyssée» avait pu développer ses circuits vers l’Orient, quelle description aurions nous aujourd’hui du Sri Lanka, Ceylan , l’île du Cosmos dont Bouddha en personne assura la promotion; L’île où les heures s’étirent à l’infini comme l’écrivit Amanda, disciple du maître.”

Notes en marge sur mon carnet de voyages

Jacques BASCHIERI ©