28 mars, 2024
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Embarquement pour la Guadeloupe avec Maryse Condé

Le livre de la semaine : Victoire les saveurs et les mots – Maryse Condé. Une offre spéciale pour nos lecteurs en fin d’article !

Avant de pouvoir de nouveau s’envoler vers les Antilles, je vous propose d’embarquer avec Maryse Condé pour la Guadeloupe.

Maryse Condé, est née à Pointe à Pitre en 1937, elle est l’auteur d’une vingtaine de romans à succès, dont Ségou, un roman historique en deux tomes, qui retrace la chute du royaume Bambara de Ségou. Après de nombreuses années d’enseignement à Columbia University, elle a partagé son temps entre son île natale et New York, et s’est installé à Gordes dans le Vaucluse.

Dans ce récit Maryse Condé brosse le portrait attachant de Victoire Quidal, qui fut sa grand-mère, une cuisinière ne sachant ni lire ni écrire, dont l’excellence culinaire exceptionnelle était recherchée par la bourgeoisie des « blancs pays » à la toute fin du 19ème siècle. Mais il faut bien imaginer là ou l’archive manque. Maryse Condé en exergue de son ouvrage nous prévient : « Il devient indifférent que je me souvienne ou que j’invente, que j’emprunte ou que j’imagine ».

Dans une île, marquée, à jamais par l’esclavage, puis le colonialisme, Maryse Condé dépeint les mœurs d’une société où les femmes forcent le respect, et les hommes « Grands Nègres » ou « malérés » inspirent pour le moins peu de considération. Sur les traces de sa Grand-mère, Maryse Condé découvre les tourments de sa mère Jeanne, qui fut la première institutrice noire à enseigner en Guadeloupe. Elle est jugée arrogante, égoïste, ingrate sans cœur, par ses collègues enseignants. Mais Jeanne portait le fardeau de la vie de Victoire, cette mère illettrée. Jeanne voulait tellement persuader tout un chacun, qu’elle n’avait pas honte de Victoire, cette mère « servante », qu’elle en devint tyrannique et cruelle.

Jeanne restera persuadée d’avoir été mal aimée par sa mère Victoire, parce qu’elle était une mauvaise fille, qui n’avait pas su montrer son amour.

« Victoire les saveurs et les mots » est une chronique familiale, un récit de filiation. C’est aussi un récit historique du peuple guadeloupéen en marche vers la libération, mais qui par mimétisme va recréer une société à l’identique de la société des blancs.

Maryse Condé brosse au travers du portrait de Victoire, sa Grand-Mère énigmatique, une fresque de la vie antillaise entre 1880 et 1920. La fin d’un monde celui des « blancs pays » sucriers, et la naissance d’une élite noire cultivée. 

La langue est belle, le récit est passionnant, émouvant, à déguster sans modération.

Jean- François Colonna

Victoire la saveur et les mots- Maryse Condé –  Folio 318 pages

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