4 mai, 2024
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Comment les touristes financent involontairement la dictature militaire à Cuba

Nous reproduisons ci-après la lettre d’un lecteur parue dans un média allemand car nous trouvons que ces propos mettent en lumière, de manière claire et bien argumentée, la situation actuelle du tourisme à Cuba.

“L’île caribéenne de Cuba est sous le régime d’une dictature responsable de graves violations des droits de l’homme. Les 1 062 prisonniers politiques actuels sont une réalité aussi triste que la beauté de la nature. 

(…) Le gouvernement cubain déplore le déclin du tourisme, mais reste aveugle sur les vraies raisons en blâmant les conséquences de la pandémie et d’un contexte mondiale difficile. Au lieu des 3,5 millions de vacanciers attendus pour 2023, seuls 2,3 millions sont arrivés, même si la proportion de vacanciers russes a fortement augmenté. En 2018, 4,8 millions de visiteurs avaient visité l’île. 

En revanche, l’activité touristique est en plein essor au Mexique, en République dominicaine et au Costa Rica. Le régime cubain ne veut pas en connaître les raisons. Néanmoins, Cuba est une destination de voyage alléchante pour les vacanciers allemands, en particulier pour ceux qui recherchent des offres « tout compris ». 

Beaucoup de gens pensent qu’ils font une bonne action en choisissant de voyager à Cuba, car la population pauvre de ce pays en développement profitera de la manne du tourisme. Ce faisant, ces vacanciers bien intentionnés parient sur le mauvais numéro, car ils ne financent de facto que l’élite du pouvoir cubaine, composée de l’armée et du parti.

GAESA, le Grupo de Administración Empresarial de las Fuerzas Armadas (Groupe de gestion des affaires des forces armées, en abrégé GAESA), est responsable de la fraude systématique contre le peuple cubain. Officiellement, près de 22 pour cent de l’économie cubaine lui appartient, mais en réalité, cette proportion est beaucoup plus importante. La politique commerciale de GAESA est totalement secrète et on ne sait même pas si l’armée paie des impôts à l’État cubain. 

Les vacanciers étrangers restent ignares sur le prix que les citoyens cubains doivent payer pour le tourisme et à qui profite cette activité sur l’île. Au lieu de cela, les chaînes hôtelières et les guides de voyage diffusent un folklore révolutionnaire sans critique et banalisent de manière romantique la pauvreté de la population en la qualifiant de mode de vie insouciant des Caraïbes.

Le conglomérat GAESA comprend des agences de publicité, des sociétés de communication, des centres de villégiature, des sociétés immobilières, des banques, des sociétés qui produisent et vendent des films et commercialisent de la musique, des voyages et des agences de transport, des entreprises de construction qui construisent des hôtels de luxe, et même des entreprises qui fabriquent des contenants de médicaments pour certains produits médicaux cubains. Les entreprises gérées par GAESA sont également les principaux fournisseurs de services au secteur du tourisme. (NDLR: l’actuel gouvernement socialiste du Mexique est en passe d’installer une politique semblable, voir notre article ICI).

Le secteur lucratif du tourisme est à la fois une affaire militaire et familiale. Pendant longtemps, le chef de GAESA a été le général Luis López Calleja, gendre de Raul Castro, décédé en juillet 2022. En contrôlant la partie la plus lucrative de l’économie cubaine, la famille Castro finance son style de vie luxueux et son appareil de répression de la dissidence. 

Les TO, les réceptifs et les agences de voyages cubaines se gardent bien de renseigner les vacanciers sur les vrais gestionnaires du tourisme sur l’île. Aucune information sur les hôteliers, les propriétaires des écoles de surf et de plongée, les terrains de golf, les marinas… on sait que GAESA est derrière tout cela et qui possède les entreprises les plus rentables du pays, des hôtels aux stations-service, en passant par une compagnie aérienne et des milliers de magasins pour touristes.

Les envois de fonds des Cubains à l’étranger et l’argent du tourisme sont les principales sources de revenus des dirigeants cubains depuis des décennies. Sans eux, le régime militaire et celui du parti imploseraient, car le régime castriste n’a jamais développé d’autres secteurs économiques et a même détruit l’industrie sucrière florissante de Cuba. 

Pour que le secteur touristique fonctionne, les dirigeants cubains ont besoin de partenaires étrangers. Par exemple, des chaînes hôtelières comme les espagnoles Iberostar et Melia ainsi que des voyagistes allemands comme Alltours et ALDI Reisen, qui fournissent des revenus en devises étrangères. 

La population cubaine, en revanche, n’en profite pas. Elle souffre d’une économie de pénurie depuis plus de soixante ans. Au début de 1959, les révolutionnaires cubains dirigés par Fidel et Raúl Castro et l’Argentin Ernesto Guevara prirent le pouvoir et, à partir de 1961, établirent un État socialiste qui ruina l’économie du pays. Le Cuba socialiste a depuis perdu son rôle de premier plan en tant qu’exportateur et transformateur de canne à sucre, dans l’industrie de la pêche et dans d’autres secteurs essentiels de l’agriculture, y compris la culture du tabac. 

Depuis la réforme monétaire du 1er janvier 2021, l’inflation a de nouveau dépassé les 30 pour cent. Mais même avant cela, il y avait une pénurie partout. Les médicaments et la nourriture sont importés des États-Unis. Les rayons des magasins sont souvent vides. Lors de la livraison des marchandises, les gens font la queue devant les magasins. Il y a une pénurie de sucre (!) et même des oranges, des œufs et d’autres aliments doivent être importés depuis le pays de l’ennemi capitaliste. 30 œufs coûtent l’équivalent de 5 euros, un kilo de lait en poudre coûte 62 euros, tandis qu’un médecin cubain gagne un peu moins de 70 euros par mois.

En 2023, 88 % de la population cubaine vivait en dessous du seuil de pauvreté. En réponse, des dizaines de milliers de Cubains quittent leur pays chaque année. La jeune génération veut vivre aux États-Unis en échappant à la pauvreté et au manque de perspectives, ainsi qu’à la dictature du Parti Communiste, qui persécute et emprisonne ceux et celles qui pensent différemment. 

La nouvelle grande vague de réfugiés a commencé à la suite des protestations sociales de juillet 2021, lorsque, malgré l’interdiction, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Cuba pour protester contre la répression d’État, pour l’ouverture démocratique du système de parti unique et contre le manque d’approvisionnement. En réponse, de nombreux journalistes, artistes, militants et intellectuels ont été arrêtés. Certains ont été condamnés à des années de prison. 

Entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022, un total de 224 607 migrants cubains ont été enregistrés à la frontière américaine. Pour la période allant d’octobre 2022 à fin 2023, ce chiffre sera probablement beaucoup plus élevé. Cet exode s’effectue illégalement par bateaux, par voie d’eau et, depuis novembre 2021, via le Nicaragua, qui accorde depuis lors des voyages sans visa aux Cubains. De là, les émigrants fuient vers les États-Unis. 

De jeunes Cubains sont également attirés comme mercenaires dans la guerre d’agression russe en Ukraine, en leur promettant beaucoup d’argent et l’octroi de la citoyenneté russe. Les dirigeants cubains n’ont aucun problème à obtenir rapidement un visa pour les mercenaires potentiels de Poutine. Plus de 1 200 Cubains combattraient déjà dans les unités russes en tant que mercenaires en territoire ukrainien. 

(…) La plupart des entreprises étrangères à Cuba ont affaire à l’armée; c’est inévitable même en dehors du secteur du tourisme. Des partenaires très importants comme la société canadienne Sherritt International et la société française Bouygues Bâtiment International, ont même fait appel à des travailleurs indiens pour construire des hôtels de luxe sur l’île, car les travailleurs cubains ne sont apparemment pas adaptés, même s’ils travaillent pour des salaires inférieurs.

(…) Les militants cubains des droits de l’homme rapportent que des officiers militaires cubains seraient également impliqués dans les opérations de bandes de passeurs dans des États alliés comme le Nicaragua, la Serbie et la Russie. L’autorité du tourisme, qui doit autoriser les citoyens cubains à voyager à l’étranger, est contrôlée par de hauts responsables militaires. 

Les entreprises militaires cubaines opèrent dans tous les secteurs de l’économie locale. Lors des appels d’offre d’opérette, elles sont en concurrence avec les entreprises publiques. Sans surprise, la priorité est donnée aux sociétés gérées par GAESA, et lorsqu’une autre société, étrangère ou publique, connaît plus de succès, l’armée prend ensuite le relais. 

Par exemple, en 2016, GAESA a repris les activités d’Habaguanex, une société de commercialisation du patrimoine historique et culturel cubain, notamment des bâtiments de l’époque coloniale. Les entreprises de GAESA peuvent également choisir les meilleurs emplacements pour leurs activités, comme les hôtels et centres de villégiature situés sur les principales plages de Varadero, sur l’île Santa María, à Ciego de Ávila et à Holguín.

Une oligarchie militaire règne donc sans entraves sur Cuba. L’État cubain fournit des services à la population et gère certaines institutions qui intéressent moins les militaires. (…) Le gouvernement cubain n’a pas de dirigeants civils forts, car les véritables dirigeants du pays sont des militaires. La seule partie importante du Parti Communiste cubain est le Politburo, et celui-ci est dirigé par les généraux qui en sont membres. Sous Raul Castro, après la mort de son frère Fidel, l’armée n’a fait que se renforcer”.

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