8 mai, 2024
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En Amazonie équatorienne : les Huaorani face aux multinationales pétrolières

Les douze communautés on nations indigènes qui habitent l’Amazonie équatorienne connaissent bien les conséquences de l’exploitation pétrolière depuis plus d’un demi-siècle. Dans les années 1950, des missionnaires américains sont entrés en contact avec elles et ont ouvert la voie aux compagnies pétrolières pour reprendre l’exploitation de leurs terres. Actuellement, 68% du territoire est partagé entre plusieurs sociétés en « blocs pétrolifères », polluant l’une des forêts tropicales les plus riches en biodiversité de la planète.

Une seule petite ethnie, les Huaorani, s’est longtemps battue avec succès pour empêcher que les industries pétrolières accèdent aux terres ancestrales étendues sur 200 000 hectares du dénommé « bloc 22 » .Mais, maintenant, l’Équateur a commencé a vendre aux enchères la dernière partie de forêt vierge appartenant aux Huaorani. Tourné pendant quatre ans, le documentaire Spears from all sides (Des lances de tous les côtés) du metteur en scène nord-américain Christopher Walker suit le jeune activiste charismatique Opi Nenguimo qui raconte l’histoire dramatique d’une résistance communautaire dans l’une des régions les plus reculées et les plus belles du monde.

Dans cette tentative de contrer le pouvoir du gouvernement équatorien et l’exploitation pétrolière, Opi Nenguimo et la communauté du bloc 22 ont décidé de faire une carte détaillée de la zone dans laquelle, grâce à l’aide de la mémoire collective des plus anciens, aux satellites et aux GPS, ont pu montrer toute la richesse de la faune et de la flore de ces terres et montrer l’énorme perte que signifierait que leur territoire soit exploité à l’avenir par ces multinationales, comme les territoires d’autres nations le sont déjà.

La population autochtone est identifiée en douze ethnies (les équatoriens parlent de « nationalités ») qui, en plus de l’espagnol, parlent onze langues différentes et sont organisées en un réseau représenté politiquement aux niveaux local, régional et national.

L’Amazonie équatorienne, à faible densité démographique, couvre environ 130 000 km2, ce qui représente près de la moitié de l’étendue géographique du pays. La plupart de ses habitants sont originaires des nationalités Cofan, Secoya, Siona, Huaorani, Kichwa Oriental, Shuar, Achuar, Shiwiar et Zapara. Leurs communautés sont organisées selon les modalités de centres ou d’associations qui, à leur tour, constituent des fédérations.  Depuis les années 1970, après l’échec d’une proposition de réforme agraire, la région amazonienne a été soumise à un plan de colonisation progressive, l’un de ses objectifs étant de rendre la région plus sûre et stable pour l’exploitation pétrolière.

Cependant, la Constitution de l’Equateur est celle qui a le plus progressé dans la reconnaissance des droits collectifs en Amérique latine. Suivant les règles du droit international, les législateurs équatoriens ont créé en 1998 la figure juridique d’État multiculturel et ont consacré l’un des chapitres de la Constitution aux droits collectifs des peuples autochtones et afro-équatoriens. Sa mise en application a ouvert de nouvelles possibilités pour la revendication de ces droits dans les tribunaux et a également fait évoluer les lois nationales.

Au tournant du XXIe siècle, il y a deux cas dans lesquels les peuples autochtones ont activé certains de ces nouveaux mécanismes juridiques pour défendre leurs droits collectifs contre l’industrie pétrolière. Cela a mis à découvert l’agressivité avec laquelle les compagnies pétrolières, alliées du gouvernement et de la Banque Mondiale, imposent leurs « programmes d’intérêt public » sur les territoires autochtones, menant ces dernières années la même dynamique de division et de conquête en matière juridique que celle associée aux intérêts financiers utilisée depuis les années cinquante sur le terrain. Ce qui a montré clairement que l’objectif de ces programmes est de « domestiquer » la résistance indigène dans la jungle et d’ouvrir la voie à l’industrie extractive.

Le conflit d’intérêts qui oppose les droits de propriété de l’État sur les ressources du sous-sol par rapport aux droits collectifs des peuples sur leurs territoires, est l’un des points de plus grand conflit juridique en Amazonie, avec d’autres questions où les droits de gouvernance des peuples et les pouvoirs de l’État. La dichotomie entre les droits d’occupation du sol et l’usufruit de la terre génère des conflits doctrinaux de difficile résolution sur la nature de la possession ancestrale indigène.

En 2019, les Huaoranis ont remporté un procès qui empêchera temporairement les compagnies pétrolières d’accéder au bloc 22. Les autres nations autochtones ont également engagé des poursuites judiciaires pour les expulser de leurs régions. Avec des lances ou avec les outils du XXIe siècle, cette nation continuera à défendre sa terre, malgré les difficultés, comme le fait remarquer le metteur en scène : « J’espère qu’ils retrouveront leur souveraineté et leur indépendance pour vivre leur vie comme ils le souhaitent, mais c’est une bataille constante ».

C.A.T.

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