29 avril, 2024
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Révolutions de salons?

Quel devenir pour les salons ? Après deux ans de confinements et de rencontres différées certains participent « comme d’habitude », d’autres pas. Tous s’interrogent.

Depuis de nombreuses années il se dit confusément que les salons sont un genre en voie de transformation profonde voire de disparition et c’est le cas  pour certains. L’arrivée inopinée et ravageuse du Covid peut être regardée comme un simple accélérateur de transformations prévisibles même si d’aucuns envisageaient de vivre « l’après » comme l’an zéro d’une ère nouvelle.

Acteurs nationaux et régionaux ou institutionnels du tourisme, qu’envisagent-ils cette année ? Y participer ou non ? Dans quels types de salons ? A quelles conditions ?

Le Portugal ne participera à aucun salon en France cette année et mise plutôt sur une dizaine de grands salons BtoB ou mixtes à l’étranger. Pour bien des exposants traditionnels, le coût (d’environ 1700 € le m2, frais inclus pour un salon BtoB en France selon Jean-Pierre Pinheiro), mérite réflexion et la rentabilité est difficile à évaluer.

Un retour sur investissement également évoqué par Secrets de Voyages. Pour un salon BtoC estime sa directrice Nathalie Bueno, on peut espérer qu’y participer puisse favoriser plus de ventes grâce au contact direct. A la condition indispensable que le salon soit bien préparé en amont avec un message clair et des vendeurs aguerris. Pour ce voyagiste positionné luxe, ce sera donc le Salon Grands Voyages à Paris. Un investissement lourd mais qui s’agissant de voyages de luxe peut être rentable dès lors que trois dossiers se concrétisent. Nathalie Bueno considère « non prioritaire » sa participation à des salons BtoB où il s’agit surtout de se montrer et qui sont essentiellement, selon elle,  des salons d’acheteurs bien plus que de vendeurs.

Moins de scepticisme pour la représentante de l’Indonésie Eka Moncarré, bien que le budget du pays pour les salons ait été divisé par cinq et exige plus de sélectivité. « Le confinements ont changé la donne » estime-t-elle. Elle participera à IFTM Top-Resa pour le BtoB ainsi qu’au Village international de la gastronomie à Paris pour le BtoC. « Mais si on participe à un salon, ça doit être plus qu’une question d’image estime-t-elle. Il faut que ce soit rentable en qualité et en quantité ».

De son côté la Thaïlande s’attache plutôt au BtoB. IFTM Top-Resa sera l’unique salon en France. Le pays exposera à WTM Londres et ITB Berlin. Le Covid a entraîné là aussi des restrictions budgétaires qui incitent la Thaïlande, sauf attribution de budgets exceptionnels en cours d’année, à se porter plutôt sur des workshops et des roadshows. L’OT français souligne cependant l’importance de la relation humaine dans notre pays et considère qu’après le Covid il importe de participer à un salon professionnel pour diffuser une image positive et surtout redonner confiance aux partenaires français et aux opérateurs qui proposent la Thaïlande à leurs clients.

NostalAsie-NostaLatina affiche un certain optimisme et estime que c’est l’occasion ou jamais de répondre présents aux salons habituels (la structure fait en moyenne de 2 à 5 salons par an à Paris et d’autres en province) « selon l’opportunité et la qualité du salon ». Question d’image avant tout estime Y Linh Lê, chef de produit, consciente cependant que les confinements ont certainement changé l’état d’esprit. Mais, dit-elle, il me semble difficile d’avoir un modèle qui remplacerait le contact direct qu’on a au salon.

ET COTE DESTINATIONS FRANCAISES ?

Certaines destinations françaises semblent moins frileuses. Peut-être parce qu’elles sont déjà sur place et parce qu’une majorité des visiteurs de nos salons sont des Français ?

Pour Isabelle Billey-Quere, responsable du service presse de l’OT Nice Côte-d’Azur, le changement se fera dans la continuité. L’OT est bien résolu à poursuivre son plan d’action et souligne qu’il a toujours saisi les opportunités possibles et raisonnables, estimant que le facteur retombées est généralement important tant en visiteurs qu’en termes d’image. Donc, cette année, la destination sera présente à environ 5 salons loisirs et affaires aussi bien BtoB que BtoC, et participera aussi à divers workshops.

Autre vision à l’ADT Ardèche dont la directrice, Nathalie Sisteron, déclare que l’ADT «a fortement réduit, ces dix dernières années, sa présence aux salons. « Une tendance pas vraiment récente qui s’explique entre autres par la difficulté d’évaluation concrète des retombées mais aussi par la puissance du Web et les coûts de plus en plus élevés. L’ADT s’est tournée vers des salons plus spécialisés et sur des événements pas uniquement touristiques ». Ce sera le cas encore en 2023 avec le Salon de l’agriculture, le salon des vacances de Bruxelles ou les salons consacrés à l’univers cycliste en Europe. Donc plutôt BtoC avec une exception : celle des Rendez-vous en France. Pour l’Ardèche, si la rencontre physique avec ses publics existe toujours, les confinements, aux dires de Nathalie Sisteron, ont renforcé la concentration sur le numérique sans abandonner totalement le présentiel. Elle considère la présence à un salon comme une histoire de notoriété avant tout, constatant par ailleurs que les salons sur lesquels les visiteurs réservaient directement leurs voyages n’existent quasiment plus.

Il y a donc bel et bien une bascule entamée de façon plus ou moins récente selon les exposants et les organisateurs de salons. Même si tout n’est pas transposable d’un pays à l’autre, une récente statistique parue dans la presse allemande constate que depuis la reprise des salons, toutes catégories confondues, à partir de mai 2022, le nombre global d’exposants a atteint en moyenne 70 % du niveau d’avant pandémie et le nombre de visiteurs environ 55 % seulement.

SE RENCONTRER, VOIR ET ETRE VU SUFFIRA-T-IL ?

Alors, hormis le plaisir de se retrouver, de voir et d’être vu, le tout à des tarifs parfois très élevés, vers quoi s’orientent les salons, et ceux du tourisme en particulier ? Souffriront-ils d’un Covid long dont les symptômes vont continuer à se manifester ? Cette année, nul doute qu’une partie des participants voudront éprouver avant tout le plaisir des rencontres, sans contraintes de masques ou de nombre de visiteurs. Mais après ? Est-il nécessaire et est-on prêt à faire évoluer radicalement le mode traditionnel et au profit de quoi ?

Un expert de groupe événementiel se dit « optimiste « mais à condition… ».

« Si le digital et le distantiel se sont opportunément renforcés, cela ne fonctionne quand même pas très bien pour la formule salon qui est indissociable de la rencontre physique. D’autant que dans un espace limité de lieu et de temps, c’est tout l’écosystème d’une profession qui s’y retrouve. Nombreux sont ceux ayant prédit la mort des salons, or si les affaires repartent, les salons  vont repartir ». A condition, précise notre interlocuteur « de réfléchir autrement et que nous, organisateurs, acceptions de changer parce que les exposants attendent autre chose. Ils attendent un dispositif global de communication dont le salon serait le pivot. Le salon se doit d’être présent toute l’année auprès de sa communauté et pour le même tarif. Se référer davantage au système des communautés qui font le succès des réseaux sociaux, permettrait d’aller vers un visitorat nettement  élargi et le retour sur investissement serait démultiplié ».

Les confinements et ces deux ans de quasi arrêt sur image nous ont appris que les exposants sont désormais très attentifs aux dépenses et veulent pouvoir mesurer le retour sur investissement. Il serait illusoire d’occulter cette réalité.

Evelyne Dreyfus

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