16 mai, 2024
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L’opinion de Fabio Casilli: pour quelle raison un client devrait délaisser internet et passer par une agence?

MisterTravel a demandé à Fabio Casilli d’écrire sur un sujet qui lui tenait à cœur. Il a décidé d’aborder un thème important, mais complexe. Les voyageurs réservent de plus en plus leurs voyages les plateformes en ligne et cette tendance va sans doute s’accélérer. Certains TO améliorent leurs moyens de distribuer directement et les compagnies aériennes veulent se passer des intermédiaires. Alors, comment continuer à attirer les futurs voyageurs en agence? Voici ce que Fabio a à nous dire à ce propos:

Connect 23: Myriam Tord et JC Franchomme

Ce thème a été déjà abordé par Myriam Tord et Jean-Charles Franchomme durant le Connect 23. Ils ont posé les questions suivantes: pourquoi choisir une agence de voyages ? Pour quelle raison un client devrait délaisser Internet et renoncer à organiser son séjour tout seul en passant par une agence?

Depuis des années nos représentants institutionnels communiquent (mal) sur la valeur ajoutée de l’expertise, de la responsabilité des agences, du conseil que nous pouvons apporter…
Une question me taraude et me brûle les lèvres: vraiment en 2023 il y a encore des personnes, des professionnels, qui pensent que notre responsabilité, notre supposée expertise (en sachant que personne ne peut être vraiment expert sur toutes les destinations du monde) peut importer au client qui habituellement fait ses emplettes sur le net et que cela peut être un déclencheur pour faire revenir ces mêmes clients en agence?


Si tel était le cas, ça se saurait depuis longtemps !

Nous avons tous fait erreurs sur erreurs depuis toujours et cela à plusieurs niveaux.
Nous n’avons jamais su communiquer de façon moderne et impactante, avec un message crédible et qui parle vraiment aux consommateurs qui se sont de plus en plus dirigés vers d’autres prestataires…qui ne sont rien d’autres que des agents de voyages qui ont su communiquer ! A titre d’exemple, que fait Booking ? Ce ne devrait pas être le propre d’une agence de voyages de proposer des hébergements aux meilleures conditions du marché à nos clients ? Aujourd’hui les agences et les réseaux d’agences se battent contre les TO qui font aussi de la vente directe, ou bien bataillent avec ces mêmes TO pour avoir un point de plus de commission, plutôt que chercher de quelle manière retenir les clients ou en conquérir des nouveaux ?

Vous voyez où est l’incohérence ?

Le cerveau humain est fainéant par nature et cherche toujours la solution la plus simple, donc pour augmenter ses revenus les réseaux ont jeu facile de pouvoir négocier auprès des fournisseurs, compte-tenu qu’il détiennent la plupart des agences françaises et donc de la force de vente.
Je ne suis pas en train de vouloir critiquer ces pratiques: c’est le jeu et tout le monde accepte de jouer selon ces règles…donc tout va bien ? Pas vraiment.

Fabio Casilli

Nous ne pouvons pas nous contenter de cela car ce n’est pas une solution

Tous les ans, la part des clients qui passe en agence s’érode à la faveur des acteurs du net et ce dans l’indifférence générale, comme un fait inéluctable.
La clientèle des agences est vieillissante et donc en diminution par sélection naturelle…mais quand les générations des clients qui encore passent par des agences seront parties, que feront-ils nos collègues du futur si personne ne réagit ?

Lors de la venue de la pandémie nous avions eu une occasion en or pour communiquer sur les compétences et l’efficacité des agents de voyages, sur leurs capacités à gérer des situations compliquées vite et bien, et nous l’avons fait au départ, mais nous n’avons pas su capitaliser sur ce regain de confiance et de visibilité que nous avons eu.

Parmi mes nombreuses activités, j’interviens également dans des écoles de tourisme au niveau bachelor et master, donc déjà sur des étudiants d’un certain niveau et presque prêts à entrer sur le marché du travail et venir renforcer les rangs de la profession.

Pour m’amuser parfois j’aime leur demander s’ils ont déjà organisé des vacances pour eux-mêmes, que ce soit en famille ou avec des amis et régulièrement j’ai toujours quelques personnes dans les classes qui me répondent par l’affirmative.

Jusqu’à là, tout va bien et tout est normal j’oserais dire.

C’est au moment où je leur demande… comment ont-ils organisé ces vacances afin que cela dévient intéressant?

La plupart d’entre eux me répondent qu’ils ont réservé via les OTA, ou en tout cas sur le net, mais pratiquement jamais personne ne me répond avoir imaginé passer par une agence de voyages, alors que souvent ils y sont eux-mêmes en alternance !

Quand je leur demande “pourquoi?”, la réponse qu’on me donne le plus souvent, c’est que passer par une agence est forcément plus cher et qu’en tant qu’étudiant ils n’ont pas les moyens de le faire…

Voilà déjà un axe de réflexion intéressant sur lequel travailler car, certes si on peut imaginer dire qu’on laisse au net la partie plus “low cost” du tourisme pour se consacrer sa communication sur une clientèle à plus fort potentiel de dépense, ils ne faut pas oublier deux choses:


1. Ces jeunes qui aujourd’hui n’ont pas beaucoup de moyens, demain seront peut-être des adultes fortunés, mais qui ayant pris le reflex de se passer des services d’une agence quand ils étaient jeunes, ils continueront à le faire aussi une fois adultes.

2. Dans un avenir beaucoup plus proche – et plus inquiétant – si les futurs agents de voyages pensent qu’en se passant des services d’une agence on peut faire mieux et moins cher, quelle crédibilité vont-ils avoir quand ils devront convaincre leurs clients qu’il faut au contraire passer par une agence pour que à  la fin du mois leur patron puisse leur payer leur salaire ?

Cela est déjà vrai aujourd’hui, alors, comment peut-on être crédibles à “vendre” les atouts d’une profession si mêmes les acteurs de celle-ci ne lui font pas confiance?

Loin de moi l’idée de polémiquer, néanmoins je m’interroge sur les raisons qui nous ont portés à cet état des lieux qui est loin d’être réjouissant.

Commençons par le début alors…

Ayons à nouveau confiance en nos capacités à négocier, à trouver les bonnes idées, à pouvoir véritablement faire la différence par rapport à une offre que les clients pourraient trouver sur Internet. Cela ne consiste pas uniquement dans le prix.

Au contraire: vendons plus cher, mais vendons du service, de la qualité, en répondant vraiment aux besoins réels de nos clients, et pas uniquement pendant leur voyage.
Mamie est âgée et ne peut pas rester seule ? L’hôtel où nos clients souhaitent séjourner n’accepte pas les toutous et personne ne peut s’en occuper ? Ce sont deux exemples simples et pour lesquels des solutions existent déjà, mais combien les proposent ou les utilisent ?

Aujourd’hui, bien connaître les destinations et les solutions de voyages les plus prisées par nos clients ne suffit plus.

Les agences doivent donner un service à 360°, ce qui commence avant le voyage et qui continue quand le client est rentré.
Cela peut prolonger la relation avec le client pendant toute l’année, pas seulement quand ils doivent réserver ou pendant leur voyage.
La libéralisation avance à grand pas depuis des années dans tous les domaines d’activité.
Un agent de voyages aujourd’hui est un vrai concierge qui dispose des contacts qui vont permettre à ses clients de partir le cœur léger et sans se poser trop de questions.

Reprenons les choses dès le début par un principe simple que l’industrialisation et la consolidation des métiers du tourisme nous ont fait oublier depuis quelques années: l’écoute.


Arrêtons de vouloir proposer aux clients ce que nous souhaitons vendre 

Reprenons le chemin du dialogue, de l’écoute, et apportons des vraies réponses à leurs questions et leurs besoins et ayons le courage de dire non. Voire de rediriger les clients vers un confrère/consoeur plus compétent ou plus à même de répondre sur ce qui nous est demandé. Le client le moment venu s’en souviendra et retournera nous voir car nous aurons gagné leur confiance, et notre confrère/consoeur également.

Je peux donner l’impression de vivre dans un monde de bisounours où tout le monde est bon et tout le monde est gentil et au final c’est peut-être vrai mais je suis dans le tourisme depuis environ 35 ans et je me considère un homme chanceux car en travaillant dans le tourisme j’ai réalisé mon rêve de gosse, ce que je voulais faire quand mes copains se rêvaient tous pompiers, astronautes ou footballeurs.

Alors oui, je suis peut-être idéaliste et un peu naïf certainement, mais je ne peux pas me résigner à voir ce métier si beau périclité parce que nous n’avons pas la capacité de nous renouveler et d’écouter correctement nos clients.


On dit que nous, agents de voyages, nous sommes des “vendeurs de rêves”. Et si, pour une fois, avant toute autre chose on recommençait à rêver nous les premiers, pour savoir de quoi nous parlions quand nous avons nos clients en face?

Fabio Casilli

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