8 mai, 2024
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Un pays sous les projecteurs : La Turquie d’Erdogan

Dernier revirement dans l’affaire du président turque versus l’Occident et la liberté de parole. Lundi dernier, Recep Tayyip Erdogan a finalement renoncé à expulser les dix ambassadeurs occidentaux qui avaient apporté leur soutien à l’homme d’affaires Osman Kavala, affirmant qu’ils avaient ” reculé ” et qu’ils seront plus prudents à l’avenir”.

Rappelons que les ambassadeurs des Etats-Unis, du Canada, de France, de la Finlande, du Danemark, de l’Allemagne, des Pays-Bas, de Nouvelle-Zélande, de Norvège et de Suède s’étaient mobilisés en faveur de l’opposant politique Kavala, qui se trouve en prison depuis quatre ans sans vrai procès.

Cette fois-ci, Erdogan a fait marche arrière après une longue réunion avec son gouvernement, au cours de laquelle il a apparemment été averti des conséquences désastreuses qu’une nouvelle crise internationale pourrait entraîner pour la Turquie. Selon les observateurs politiques, cette provocation est faite pour créer une distraction au moment même où le pays traverse une grave crise économique, avec un taux d’inflation officiel de l’ordre de 20% et que sa monnaie est en chute libre.

Ali Avci

Sous l’ère Erdogan, la Turquie a peu à peu perdu ses acquis démocratiques en termes de laïcité et de liberté de parole. En 2018, le producteur de cinéma Ali Avci avait été reconnu coupable d’être membre d’un groupe terroriste en raison du film Le réveil dans lequel on voit des putschistes coller un pistolet sur la tempe d’Erdogan, alors que sa famille gisait morte tout autour de lui. Le film est basé sur un coup d’État militaire manqué en 2016 au cours duquel plus de 250 personnes ont été tuées. Le tribunal d’Istanbul a condamné Avci à six ans et trois mois de prison pour appartenance au réseau du religieux américain d’origine turque Fethullah Gulen, considéré comme une organisation terroriste par la Turquie. Gulen a toujours nié l’accusation d’être le cerveau derrière la tentative de coup d’État. A l’époque, plus de 50 000 personnes ont été emprisonnées dans l’attente de leur procès et plus de 150 000 fonctionnaires, dont des enseignants, des juges et des soldats, ont été suspendus ou licenciés après la soi-disant tentative de putsch.

Drôle de paradoxe, car trois mois auparavant, en pleine campagne référendaire sur la réforme de la Constitution qui conféra les pleins pouvoirs au président, les salles de cinéma diffusaient Reis (le Chef), un biopic du réalisateur Hüdaverdi Yavuz à la gloire d’Erdogan produit par Ali Avci qui retrace la vie héroïque du président turc, depuis son enfance pauvre jusqu’à son mandat de maire d’Istanbul.

Un autre fait étonnant : ce pays est devenu l’un des plus gros exportateurs de fiction télévisuelle, le deuxième juste après les Etats-Unis, ce qui a contribué à sa visibilité dans le monde. Les feuilletons (appelés dizi, en turc) et les séries sont devenues un outil supplémentaire de communication et ont amélioré l’image d’un pays traditionnellement lié aux conflits politiques et aux attentats.

Les ingrédients sont simples : des histoires d’amour entre « beautiful people » dans des décors luxueux qui débordent de drame et d’émotions. A cela s’ajoute une qualité de production supérieure à ses concurrents internationaux, car les scènes ne sont pas tournées en studio mais dans des lieux réels (des vrais palais, le détroit du Bosphore, les rues d’Istanbul…) et la qualité de l’image est proche de celle du cinéma. Cependant, les scénaristes doivent veiller à ne pas dépasser certaines lignes rouges du gouvernement islamiste. Cela risque une fois de plus de fâcher le dictateur…

C.A.T.

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