29 avril, 2024
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Une destination, une chanson : Berlin de Lou Reed

Au début des années 1970, Lou Reed, un jeune homme de Brooklyn, quitta l’un des groupes les plus intéressants et expérimentaux de l’époque : le Velvet Underground. Musicien et poète, conteur nihiliste des bidonvilles métropolitains, Reed ne s’arrêta pas en si bon chemin, sortant, en 1972, son premier album solo Lou Reed. L’album n’a pas eu le succès espéré et Reed est tombé dans une crise profonde, retournant vivre chez ses parents.

Cependant, le contrat avec RCA devait être honoré rapidement avec la sortie d’un nouvel album. À la rescousse du jeune artiste vint un extraterrestre tombé sur terre, David Bowie, grand fan du Velvet Underground, et avec lui la première étape d’un partenariat qui liera Bowie et Reed pour les années à venir. Avec l’auteur-compositeur-interprète britannique, Reed enregistre son deuxième album, Transformer, qui sort quelques mois après le premier. Que ce soit le coup de main de Bowie, ou la participation de Mick Ronson à la production, le disque connut un énorme succès, permettant à Reed d’entrer dans l’Olympe musical. Il s’agit d’une série de chansons qui restituent une fresque parfaite des quartiers new-yorkais malfamés des années 70, peuplés de travestis et de prostituées, de drogués et de libertins, avec des pépites qui brillent encore aujourd’hui comme Walk on the wild side, Vicious, Perfect dayou Satellite of love.

Mais le monde décrit dans Transformer ne satisfit pas pleinement l’agité Reed. Âme troublée, Reed souhaitait plonger encore plus profondément dans le côté obscur des sentiments pour composer un album qui reflétait véritablement la condition humaine. Ainsi naquit Berlin, un sombre voyage dans la vie dépravée d’un couple de toxicomanes américains ayant déménagé dans la ville allemande. Loin de l’atmosphère artificielle du New York des années 1970, Reed situe l’histoire des deux amants dans un Berlin au ciel de plomb. Ici les paillettes, l’hédonisme et la cocaïne cèdent la place aux seringues, à la violence et à la déchéance.

En écoutant ce morceau, la sensation que l’on perçoit est celle du regret de quelque chose de merveilleux, perdu, détruit à jamais, et l’accompagnement musical du piano rend à lui seul une tonalité lourde d’une mélancolie aiguë.

Cette histoire d’amour sadomasochiste, réaliste sans espoir, se déroule dans une ville symbole de division et de décadence, avec de subtiles références à Brecht et à Kurt Weill ; émouvant sans jamais tomber dans le pathétique et sans compromis, froidement nihiliste, avec un fort impact émotionnel. La chanson réussit à nous faire comprendre la personnalité complexe et tordue des deux protagonistes, Jim et Caroline, un couple de junkies menant une vie misérable et dégradée qui, inévitablement, conduira au drame.

Ironie du sort, Reed n’a jamais mis les pieds à Berlin pour enregistrer l’album, et il n’y était jamais allé avant de composer la chanson. Beaucoup de ses collègues artistes, qui avaient visité et vécu à Berlin, lui ont raconté en détail comment les gens vivaient et quelle ambiance régnait à l’époque dans la capitale allemande. Cela a suffi à Reed pour voler outre-mer avec son imagination, réussissant à composer le titre à distance. Berlin marque la rupture avec Transformer, tant au niveau des mélodies que des paroles. Les mélodies glam rock de l’œuvre précédente, un choix artistique dicté avant tout par la collaboration avec Bowie -à l’époque le fer de lance du genre-, sont presque complètement abandonnées, remplacées ici par une musique qui semble directement sortie d’un Kneipe (bistrot) ou d’un club des bas-fonds berlinois. Exit les personnages borderline et les héros festifs de Transformer, remplacés par une spirale de dépression et de toxicomanie.

https://www.youtube.com/watch?v=Wo9nZEalABQ 

C.A.T.

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