28 avril, 2024
spot_img

François: les 10 ans du pape voyageur et populiste, maître de l’ambigüité

Les dix ans du pontificat de François, le pape du “bout du monde” comme il aime se définir lui-même, ont été ceux d’un grand voyageur: 40 déplacements, 60 pays visités et plus de 400 000 kilomètres parcourus, soit l’équivalent de 10 fois le tour de la Terre, ou un voyage sur la lune.

Bergoglio versus l’Occident capitaliste

Pour la première fois en 1300 ans, le Vatican est gouverné par quelqu’un qui n’est pas né en Europe. Voici la première clé de lecture de la papauté de François: sa prédilection pour les lieux périphériques. Les experts, même les plus critiques comme l’historien italien Loris Zanatta, s’accordent à dire que ses voyages ont favorisé des pays pauvres, délaissés, où l’Église catholique commençait à être suspectée pour sa froideur et son éloignement face aux urgences sociales les plus graves. “Le pape considère l’Europe comme un continent décadent et pense qu’il existe un sentiment religieux plus pur à la périphérie”, a expliqué Zanatta dans une interview au quotidien argentin La Nación. Et il a ajouté que pour cette raison « Bergoglio a donné une impulsion extraordinaire à la désoccidentalisation de l’Église catholique ».

Le pape du sud qui ne réussit pas à revertir l’exode des catholiques vers l’église évangélique…

Le pape argentin, qui depuis son élection n’a plus jamais remis les pieds à Buenos Aires, a néanmoins visité dix pays du continent sud-américain, où vivent le plus grand nombre de catholiques au monde. Mais là aussi, le Vatican continue de céder du terrain. Car, au cours des trente dernières années, l’Église catholique en Amérique latine a perdu plus de 70 millions de fidèles, pratiquement tous membres des couches moyennes et pauvres de la société, qui se sont tournés en masse vers les communautés évangéliques. En d’autres termes, même la présence d’un pape latino-américain n’a pas réussi à inverser la tendance.

Un pape des pauvres “supertar”?

Quels éléments ont transformé un évêque sud-américain peu connu en une star mondiale vénérée et intouchable ? Il y a au moins quatre acteurs qui ont contribué à ce résultat : les dirigeants de l’Église qui, lisant les signes des temps, ont choisi un pontife « populiste » ; la presse, qui dès le premier jour a exalté chaque mot, chaque geste, chaque action du pape argentin ; les catholiques progressistes, toujours dans l’espoir que le Concile Vatican II sera enfin mis en œuvre ; et enfin cette gauche politique et sociale qui ces dernières années n’a cessé de faire des génuflexions devant le jésuite de Buenos Aires.

A ceux-ci, il faut ajouter un cinquième acteur : la droite traditionaliste, dont la diabolisation de l’œuvre du pape ne fait que magnifier les effets d’un pontificat effectivement marqué par l’immobilisme.

Un premier ouvrage pour approfondir sur le sujet

Pour retracer brièvement les “premiers” dix ans de ce personnage haut en couleur qui fait beaucoup de parler de lui, on a sélectionné deux ouvrages parus, pour l’heure, seulement en italien. Le premier, du sociologue Marco Marzano intitulé La Chiesa immobile (l’Eglise immobile, ed. Laterza), est un livre de 2018, écrit à l’occasion des cinq premières années du pontificat et où l’auteur avertit déjà sur l’opération médiatique très habile du “pape des pauvres”.

Selon Marzano, les médias se font écho du message spirituel et surtout du langage du pape François comme des innovations importantes sur la scène religieuse mondiale. Mais le pontife ne reste qu’à ses bons propos et déçoit dans son but de réformer l’Église et amorcer cette grande transformation que tant de catholiques et une partie de l’opinion publique laïque attendaient avec inquiétude.

Un révolutionnaire à la Che Guevara? Que nenni, un habile stratège, féru des discours démagogiques à la Fidel Castro ou Perón…

Depuis dix ans, on nous présente François comme un révolutionnaire, intéressé à changer radicalement l’Église, surtout sur les questions majeures que tout réformateur catholique doit aborder comme la réforme de la curie, la doctrine de la morale et de la sexualité, le célibat obligatoire pour le clergé et le rôle des femmes.

Marzano est sans ambigüité: le bilan de la papauté sur tous ces fronts est décidément décevant. De plus, réformer l’Église est compliqué, risqué et finalement inutile, alors que l’organisation jouit d’une santé modérée, du moins hors d’Europe. Dans le vieux continent, elle souffre d’un déclin semblable à celui de toutes les autres grandes institutions religieuses.

La cause en est un processus de sécularisation qui ne peut être arrêté par aucune réforme. Dans cette situation, il semble préférable de garder intacte la physionomie cléricale et centralisée traditionnelle de l’organisation, concentrant l’attention, y compris médiatique, sur les questions sociales et économiques : dans ces domaines, le pape et les hiérarques catholiques n’ont aucune responsabilité directe et ne seront donc jamais appelés à y répondre.

Le pape démasqué. Le point de vue d’un historien spécialisé

Le deuxième ouvrage, tout récent, de l’historien Loris Zanatta, professeur à l’université de Bologne et spécialiste de l’Amérique Latine contemporaine, suit depuis longtemps les pas de Bergoglio et s’avère un fine analyse du discours éminemment politique du chef du Vatican, inspiré à ses “menteurs” et grands orateurs qui furent Fidel Castro et Perón, le président populiste argentin.

Dans Il populismo gesuita. Perón, Fidel, Bergoglio (ed. Laterza), l’historien de Bologne démasque les critiques du pape à l’eurocentrisme et le voit de plus en plus “italianisé”, c’est à dire, suivant une métamorphose entre les premières années “révolutionnaires” du pontificat et un intérêt tout récent à la succession, à l’après Bergoglio.

Se définissant lui-même comme “péroniste”, Bergoglio maîtrise à la perfection le double discours cher à la classe politique argentine issue de ce courant idéologique pour le moins ambigu qui, depuis plus de 70 ans, a gouverné en alternance le pays. Habile et opportuniste comme un bon péroniste, Zanatta révèle dans son livre que le pape a déjà préparé un conclave sur mesure pour assurer sa postérité.

Les médias, toujours complices

Toujours avides de célébrité, les médias ont trouvé en Bergoglio un personnage frais, extraverti, avec la capacité marquée à jouer avec les mots, exaltant chaque parole, chaque geste, chaque action ou décision, y compris les plus insignifiants.

Selon Marzano, la béatification par les médias a utilisé l’astuce consolidée de considérer le pape comme un parfait synonyme de l’Église, comme son équivalent. Car les journaux et les télés ne s’intéressent pas à ce qui se passe à l’intérieur du Vatican, comme les scandales liés à la pédophilie du clergé, la condamnation des contraceptifs et des homosexuels, ou la marginalisation des femmes. Tout ceci intéresse peu une population largement sécularisée, qui ne met jamais les pieds à l’église.

La mythologie jésuite de Bergoglio

Pour de nombreux journalistes qui suivent l’actualité catholique et pour la quasi-totalité des rédactions de journaux et de télévisions, il est beaucoup plus facile de se concentrer sur la figure du pape, de raconter tous les détails de ses journées dans les moindres détails, de fantasmer sur des intrigues de cour réelles ou supposées se déroulant dans des palais romains, transformant la vie d’une institution complexe comme l’Église en un épisode de feuilleton fantastique : les gentils contre les méchants, le nouveau pape sincère et courageux contre les traîtres et sournois.

François comme le bon souverain qui aime tant le peuple et qui le comblerait d’amour et de richesses s’il n’était pas entouré d’une foule non identifiée de courtisans corrompus et pervers…

Le mythe jésuite encore et encore, ou une nouvelle variante de la théorie du complot. Il y a du déjà-vu dans l’air…

A découvrir dans la même catégorie..

1 COMMENTAIRE

  1. Je ne suis pas un spécialiste du tout mais cette vision est à l’évidence bien partiale et uniquement à charge. On aimerait voir d’autres points de vue.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

L'Actualité du jour