26 avril, 2024
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Flora Tristán : l’histoire d’une voyageuse féministe et socialiste

Il n’est pas aisé de présenter cette femme de lettres française du XIXe siècle, auteure de trois récits de voyages et militante socialiste, qui fut aussi l’ancêtre de Paul Gauguin. Beaucoup la reconnaissent justement comme la grand-mère de l’artiste, qui se vantait d’être l’héritier de cette femme émancipée d’origine péruvienne. Mais la vie trépidante de Flora va bien au-delà de cette anecdote. Elle s’est battue pour surmonter toutes les limitations que la société française de l’époque imposait aux femmes. Ecrivaine, combattante, précurseur du féminisme, militante pour les droits des opprimés et, peut-être malgré elle-même, une voyageuse infatigable.

Née à Paris en 1803 et décédé précocement à Bordeaux en 1844 à l’âge de 41 ans, Flora Célestine Thérèse Henriette Tristán y Moscoso Laisnay fût sûrement influencée par le premier socialisme du début du XIXe siècle qui contestait déjà les effets de la révolution industrielle, c’est-à-dire, la polarisation entre l’extrême pauvreté et la richesse. Fille naturelle d’une bourgeoise française et d’un colonel péruvien issu de l’aristocratie, elle avait seulement quatre ans lorsque son père décéda laissant la famille dans la faillite, car le mariage de ses parents n’avait jamais été scellé devant l’autorité civile et la riche famille péruvienne refusa de le reconnaître. Mère et fille ont donc été forcées de quitter la confortable campagne française pour finir dans un quartier misérable de Paris.

Une fois en ville et dans sa condition de fille bâtarde, sa mère l’encouragea à épouser le propriétaire d’un magasin de peinture nommé André Chazal qui devait la sortir de la pauvreté. Le mariage, ponctué d’épisodes violents, se solda par un divorce plutôt conflictuel. Elle eût trois enfants, dont la seule fille, Aline, allait devenir par la suite la mère de Paul Gauguin. Dans son essai posthume publié en 1845 intitulé L’émancipation de la femme ou le testament du paria, Flora Tristán déclare : « J’ai été répudiée par une société qui m’a fait porter le poids des chaînes et ne pardonne aucun membre qui tente de s’en libérer ». En tant que divorcée, elle a dû se battre contre son ex-mari pour la garde des enfants, alors même que Chazal était poursuivi en justice pour l’abus de sa fille Aline.

« Une femme qui s’enfuit de chez elle n’a qu’une place dans la société : celle du paria », poursuit l’écrivaine. Le 7 avril 1833, à l’âge de 30 ans, Flora Tristán s’embarquait pour le Pérou, dans un voyage qui allait changer sa vie. Elle partit du port de Bordeaux à la recherche de son identité, de sa lignée et de l’héritage que la famille de son père, l’une des plus puissantes du pays, lui avait refusé.

Le voyage à bord du bateau Le Mexicain dura cinq mois. Elle parcourut le Pérou pendant plus d’un an et remarqua sur place les injustices sociales, l’esclavage et la situation oppressive des femmes. À Arequipa, son oncle Pío Tristán ne lui donna qu’une pension sans aucun droit héréditaire en raison de son statut de fille illégitime. D’un point de vue économique, le voyage outre-Atlantique fut un échec, mais il éveilla sa vocation d’écrivain et son militantisme pour les droits des plus vulnérables. À la fin de son itinéraire, elle publia Pérégrinations d’une paria, un livre qui fut brûlé à Arequipa pour ses observations cinglantes sur la société péruvienne.

En 1834, elle décida de rentrer en Europe ; d’abord à Londres où s’éveilla sa conscience socialiste en visitant des usines, des quartiers insalubres, des hôpitaux psychiatriques, des prisons et des asiles où vivait la population marginalisée. En 1840, elle publia son deuxième livre, Promenades dans Londres. En 1838, de retour à Paris, elle obtient finalement le divorce et la garde de ses enfants. La nouvelle exaspéra Chazal, qui tira sur elle au milieu de la rue en la blessant par une balle qui resta logée dans sa poitrine pour toujours. La tentative d’assassinat s’est soldée par une peine de 20 ans de travaux forcés pour l’ex-mari. Flora se sentait enfin libre après tant d’années de violence et de harcèlement.

Dès lors, elle consacra sa vie à parcourir la France en long et en large pour défendre les droits des femmes et des travailleurs. Elle publia une brochure intitulée L’Union Ouvrière dans laquelle elle détailla ses idées socialistes. Les textes qu’elle écrivit à l’époque, un mélange de journal intime, d’idées politiques et d’expériences de voyage, ne furent publiés qu’en 1973 dans le livre Le Tour de France (1843-1844).

C.A.T.

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2 Commentaires

  1. Vous évoquez à plusieurs reprises le divorce de Flora, or c’est parfaitement anachronique puisque le divorce, instauré en 1792, avait été aboli en 1816.. Seule la séparation, de biens ou de corps, fut possible jusqu’en 1884, et c’est la séparation – de biens puis de corps – que Flora obtint.

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