La sélection littéraire : Un amour de Swann- Marcel Proust

 Les « Intermittences du cœur » est le premier titre choisi par Proust pour sa grande œuvre, « À la Recherche du temps perdu », débutée en 1908.  « À la Recherche du temps perdu » est l’histoire d’une vie, de l’enfance à l’âge adulte, racontée à la première personne par un narrateur sans nom.  Le héros est plus jeune que Proust d’une dizaine d’années, il est en bonne santé et hétérosexuel. C’est avant tout l’histoire d’une vocation, celle d’écrivain.

    Le roman était un genre nouveau, sans référence, dominé par les naturalistes comme Zola, Prix Goncourt 1919. Bernard Grasset éditera « À la Recherche du temps perdu » à compte d’auteur.

   Un Amour de Swan n’appartenait pas au premier plan conçu par l’écrivain pour « À la Recherche ». Il ne l’introduira qu’en 1913.

    Charles Swann, aristocrate, esthète et oisif, rencontre une demi-mondaine Odette de Crécy qui l’introduit dans le petit monde des Verdurin. Ce sont de riches bourgeois, mécènes, qui haïssent le monde des aristocrates mondains. Odette lui est indifférente, mais Swann devient amoureux d’elle à la faveur de deux scènes où sa sensibilité pour la peinture et la musique l’influenceront : d’abord par une phrase de la sonate de Vinteuil qu’on joue chez les Verdurin, puis avec  la découverte par Swann d’une ressemblance avec La Zéphora de Botticelli.

    Mais chez Proust l’amour nait d’un besoin anxieux, d’une sorte de maladie possessive et d’une jalousie obsessionnelle. Il suffit qu’un soir Swann arrive tardivement chez les Verdurin, après le départ d’Odette, pour que l’amour se transforme en une jalousie destructrice. Swan va l’épier, lui infliger des interrogatoires sur sa vie passée, sur ses mœurs, sa relation avec madame Verdurin. Les mensonges d’Odette ne font que nourrir sa jalousie.    Je te pardonne tout puisque je t’aime, mais pas de ta fausseté absurde qui te fait nier des choses que je sais. » Odette, sans morale, profite des largesses financières de Swann. C’est au moment où Swann trouvait Odette la moins jolie, qu’elle lui était devenue si chère, car elle nourrissait son anxiété et sa jalousie les moteurs de l’amour Proustien. «  Et pourtant cette Odette d’où lui venait tout ce mal, ne lui était pas moins chère, bien au contraire plus précieuse, comme si au fur et à mesure que grandissait la souffrance, grandissait en même temps le prix du calmant que seule cette femme possédait ».

    Il suffira qu’une amie avoue à Swan qu’Odette l’adorait, ne jurait que par lui, pour que Swan ne soit plus malheureux et que son amour s’évanouisse.

  « Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre ».

    L’étude sur l’organisation sociale, basée sur l’imitation, est un témoignage unique sur un monde aujourd’hui disparu. A quarante ans, Marcel Proust n’était encore qu’un auteur d’une œuvre mineure quand il entreprit l’écriture de son chef d’œuvre à « la Recherche », suivi par « Le temps retrouvé » publié après la mort de l’écrivain en 1927.

    Il faut lire le plus grand écrivain Français et la lecture d’un « Amour de Swan » est jubilatoire.             

    Jean-François Colonna avril 2021.     

   Un amour de Swan- Marcel Proust- Folio Classique- 238 pages